Port-au-Prince     Les beaux souvenirs ne s’effacent jamais de la mémoire. Ils deviennent plutôt inaperçus en se cachant sous le voile du passé, mais refont surface quand la conscience de celui ou de celle à qui ils appartiennent les réveille. On ne peut de si tôt oublier les beaux souvenirs que le System Band nous avait laissés. Cet orchestre a marqué des générations et a même pavé la voie à d’autres formations musicales haïtiennes. Le System Band nous revient après un long silence.

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Le System Band a fait école

Les musiciens de ce groupe mythique sont conscients d’un tel fait. Ce n’est pas sans raison qu’ils nous avaient gratifiés d’une chanson titrée « Cumberlan n », où ils dénoncent, sans faire de personnalité, tous les orchestres qui ont adopté / imité son style rythmique et qui refusent de l’admettre. Ils se connaissent et se reconnaissent les uns les autres. À travers cette chanson, le System Band pose la question au grand public, à travers ces paroles :. « debranche o, debranche o, gade yo sou poto a, tipriz adwat agosh, yo branche sou jeneratè System, ki kote yo konekte?…..sou System Band ». Dans le langage moderne, on dirait qu’ils ont piraté «bootlegged » le style du System Band. Cette formation musicale a produit des albums qui ont fait le plaisir du grand public.

Son histoire remonte à 1980, année de sa formation, où l’industrie musicale allait bon train. La compétition était de taille puisqu’il y avait des orchestres dont les compositions étaient agrémentées de substance, une essence compas direct qui semble se perdre aux fils des ans. Il faut dire qu’à l’époque il n’existait pas tout une multitude d’orchestres. C’était le temps où l’on pouvait facilement identifier chaque groupe. Cela sous entend que ces orchestres ne se ressemblaient pas, comme c’est le cas aujourd’hui.

La discographie du System Band compte au moins 26 albums de qualité. Parmi les meilleurs, on peut citer : Vacances (1983), César (1990), Fierté nationale (1992), Ou Trompe mwen (1987), Kote m ye la (1995), Viagra (1999), Baton Moïse (2001), Cumberlan n (2004), Nou nan Building nan (2007), Chay fanmi (2008), Dadalicious (2009), Se nou k kon n fè l (2011). Certaines chansons ont contribué aux plus grands succès du System Band. Citons : Anita, « Chérie » Ou trompe mwen, Ti Anita, César, Viagra, Kote m ye la, Loulou, JPP- Jan l Pase l Pase, Men Aveg la, Beeper, Pilon, Baton Moïse, Cumberlan n, Nou nan building nan, Katel, etc.

Les slogans du maestro Douby identifient aussi le System Band. C’est le trademark – la marque déposée de ce groupe musical. Ils le rendent unique en son genre. Les fans aiment bien quand Douby assaisonne les chansons de slogans, comme: zanmi, ansyen zanmi, toujou zanmi e pou kipa, ou bien quand il crie fort « mezanmi men moun yo, ou pa ta di se Brezilyèn yo ye, a la w mwen men m sa, I love myself se vre wi, ou encore quand il se prononce sur le fait suivant « Ti Jezi ta voye m vin n fè yon djaz sou tè a , nou konpran n nou ka eface l », paroles codées « pawol an daki », il parle en langue. Il sait de quoi il parle, ce langage m’est inconnu. En tout cas, le message est convié aux concernés.

La popularité de la chanson « Bâton Moïse » a capté tous les esprits

La chanson Bâton Moise est présentée en vidéo-support, où une Mercedes Benz frappait l’attention de tous ceux qui ont eu la chance de voir la clip-vidéo en question. Et depuis, ce modèle de Mercedes Benz est reconnu sous le nom de Bâton Moïse en Haïti. C’était et c’est encore le rêve de plus d’un en Haïti, de posséder, de rouler un Bâton Moïse. Voilà que System Band a popularisé ce véhicule en Haïti sans que les musiciens de cette formation musicale ne bénéficient d’aucun avantage de cette publicité. Aux Etats-Unis, ils seraient récompensés par la compagnie Mercedes pour une telle réalisation.

Comme on le sait, le System Band a connu une rupture qui a brouillé les cartes. Cela avait aussi causé la séparation, ou mieux encore, la fragmentation de cette formation musicale qui faisait la pluie et le beau temps dans l’industrie musicale haïtienne. Cela a entrainé la création de Nu System et la formation du System Band « original » avec d’autres musiciens aux côtés de maestro Douby. Le premier n’a pas fait long feu et le second a mis fin à ses activités en 2011, après la production du disque titré « Se nouk kon n fèl ». Le 11 octobre 2011, le System Band était à l’affiche à Oceana Ballroom à Brooklyn, N.Y.

Il y a une histoire qui gravite autour de ce dernier disque « Se nouk konn fèl ». Après avoir publié mon article en 2011 « Le groupe Nu Look reprend sa couronne d’or », les musiciens du System Band, voulant réclamer leur droit d’aînesse, avaient jugé bon d’afficher la photo d’une couronne d’or sur la pochette de leur CD « Se nouk konn fè l ». Cela m’avait fait rire, quand je les voyais. Ils ne me connaissent pas. J’avais lu leur pensée et compris leur intention, mais j’ai su que le groupe allait mettre un terme à son existence à cause des problèmes internes qui surgissaient, s’amoncelaient et affectaient le bon fonctionnement de l’orchestre.

Il n’existe pas de mauvaises expériences dans la vie

Tout royaume divisé tend à disparaître. Le System Band entra en sommeil, non seulement à cause de la situation nébuleuse qui devint intolérable mais aussi parce que les priorités des musiciens avaient changé. Certains d’entre eux avaient laissé New York et entrepris d’autres activités. La musique ne peut pas se faire dans la discorde, la haine et l’hypocrisie. Auteur de l’article : Robert Noël. Musique est une affaire de cœur, de créativité, de sensibilité et de sincérité. Un musicien en colère ou nerveux ne pourra jamais produire une musique qui allège la peine, la souffrance d’autrui. L’énergie qui se dégage de la musique doit être positive, donc bénéfique.

Comme je l’ai toujours dit, il n’existe pas de mauvaises expériences dans la vie, pourvu qu’on apprenne d’elles. Les membres originaux du System Band ont appris de leurs erreurs et tournent le dos à un
« ennemi » commun. En passant, Marc-Arthur Chevalier n’est plus manager du System Band. Les musiciens décident de se regrouper pour continuer la mission que le public leur avait confiée, celle de faire plaisir aux mélomanes en produisant des chansons à essence compas direct pure. Le noyau du System Band est indivisible. Il est constitué de : Isnard Douby, Ernst Vincent « Tines », Réginald Benjamin, Ronald Smith, Marcial Bigaud, Blaise Michel, Jean Mathurin et Lucien Céran. Autour de ce noyau gravitent d’autres électrons, comme Dabenz Chéry, James Douze, David Rizza et Wens Delmas (fils d’Arnold Delmas).

Les musiciens dont les noms suivent font partie du System Band : Isnard Douby (Maestro, 2 mèg pa fri), Ronald Smith (guitare), Réginald Benjamin (guitare), Ernst Vincent « Tinès » (basse), Marcial Bigaud (tambour), Jean Mathurin (batterie), Lucien Céran (saxophone), David Rizza (tombasse
« gong »), Dabenz Chéry (chanteur), Wens Delmas (claviériste), James Douze (chanteur), etc. Il faut rappeler aux musiciens du System Band que le public devient plus exigeant. Les anciennes compositions seront toujours appréciées du public mais il faut aussi modifier le menu, l’agrémenter en quelque sorte. Car le succès d’un artiste ou d’un groupe d’artistes dépend grandement de l’imagination fertile, donc de la créativité.

Ces musiciens doivent aussi se mettre en tête qu’ils ont un grand défi à relever. Parlant de nouveaux morceaux, le System Band en a deux: un à tempo modéré et un autre à caractère compas dur, « un dous, un cho », comme disent les enfants dans leur ronde enfantine. L’industrie musicale haïtienne a beaucoup changé depuis que le System Band entra en sommeil. La HMI est piégée et la compétition devient plus féroce. Pour garantir une bonne compétition avec ceux qui occupent le devant de la scène, il faut que le System Band consente des sacrifices énormes et joue une musique qui va établir la différence entre lui et les autres.

Les jours se succèdent mais ne se ressemblent pas

Jusqu’à preuve du contraire, tout le monde pense que ces musiciens sont animés de bonne foi et de bonne intention. On leur accorde le bénéfice du doute. Il faut qu’ils balancent le pour et le contre, pour voir si le rêve qu’ils caressent est réalisable dans les conditions difficiles du moment. Je dois leur dire ce qui suit : qui ne risque rien n’a rien, mais celui qui n’a rien ne peut rien risquer. En gros cela veut dire : il ne faut pas avoir peur de s’aventurer dans la vie, surtout quand on a quelque chose à offrir.

Le System Band a tout ce qu’il faut pour dominer la scène musicale : deux guitares qui jouent en parfaite harmonie, une section rythmique bien coordonnée sous la direction de Tines Vincent, Jean Mathurin, Blaise Michel, Marcial Bigaud, David Rizza, qui stabilisent tout l’orchestre. Réginald Benjamin et Ronald Smith sont complémentaires, yon pè zo byen monte. Il n’existe pas, dans la HMI, deux guitaristes qui soient capables de jouer aussi bien en duo comme eux. À deux, ils représentent le symbole du vrai groove compas direct, pure essence. http://radiotelevisioncaraibes.com

Il faut dire en passant que Réginald Benjamin est le seul guitariste de la HMI qui utilise le plectre / le médiateur (le pic) en respectant l’angle d’attaque des cordes vers le haut en « aller » et vers le bas en « retour » (down stroke / up stroke), et cela en alternance constante. Cette logique rythmique s’assied bien pour lui. Sa touche ne laisse entendre aucun bourdonnement d’abeilles en écho (no scratch). Et, Ronald le suit pas à pas dans ses excursions mélodiques. Il l’accompagne bien dans les riffs et les solos, qu’il exécute avec une exactitude des plus extraordinaires.

Le System Band pourra t-il envahir le marché musical de Miami et de New York?

Personne n’ignore que le System Band possède une base solide de fanatiques à Miami, à New York, à Boston, à Washington, à New Jersey, à Philadelphie, à Connecticut, à Montréal, en Haïti, au Gabon, en France et aux Antilles. Des contrats sont déjà offerts au System Band pour animer des soirées un peu partout. On ne s’attend pas que le System Band reprenne le train- train d’antan, en jouant toutes les fins de semaine, mais au moins deux prestations par mois feraient bien plaisir au public. Les paramètres de l’équation ont grandement changé et les priorités ne sont plus les mêmes.

Quand le System Band menait le jeu dans le temps, l’économie était robuste mais aujourd’hui elle souffre d’anémie chronique. On ose croire que les musiciens du System Band savent que Miami représente le bastion des meilleurs groupes musicaux haïtiens d’aujourd’hui. Dans l’état de la Floride, on retrouve Klass, Zenglen, Nu Look, T-Vice, Disip, etc. Puisqu’à travers la chanson « Cumberlan n» le System Band se considère le générateur / la source d’inspiration par excellence du style que certains groupes ont adopté, on attend beaucoup du « Machiavel caramel ». Son retour va nous permettre de distinguer et séparer le bon grain de l’ivraie.

On doit se poser certaines questions. Le System Band peut-il prouver sa supériorité, puisque les groupes en vogue croient et disent que le temps de l’ancienne génération n’est plus et que la réincarnation de ces musiciens ne restera qu’un rêve éternel? Le « Machiavel caramel » sera-t-il capable de leur prouver que
« granmoun se granmoun »? Un fait est certain. Les musiciens du System Band ont beaucoup plus d’expérience et de métier que ceux qui évoluent actuellement dans le monde du compas direct.

Le System Band va-t-il changer le visage de la HMI? Il ne pourra pas le faire du jour au lendemain. Mais, si ces musiciens gèrent bien leur business et finance, assurent une bonne et constante promotion, développent un marketing bien planifié, leur retour sur la scène musicale va forcer le déplacement ou causer la chute même de quelques groupes phares de l’échiquier musical haïtien, en commençant par les plus faibles. Pour réussir, le System Band aura besoin d’un manager professionnel qui connait bien le terrain de la HMI et les principes fondamentaux du business de la musique. Qu’ils se rappellent qu’en business, l’amitié (manager Ti Zanmi) vient en second plan.

Le System Band en mission spéciale et permanente

Si le System Band tient ses promesses, la compétition ne sera pas facile pour les groupes musicaux de Miami qui se disent « devan devan nèt ». Déjà, l’annonce de son retour crée la panique dans la HMI, d’après un sondage méticuleux mené dans certaines villes des Etats-Unis et d’Haïti. Certains de ceux qui, hier soir, dévalorisaient les musiciens de l’ancienne génération commencent à changer de langage et de stratégies. Pour mettre le public au courant de ses activités, le System Band a donné une conférence de presse le mardi 15 avril 2014 au Liquid Bar & Lounge à Long Island, NY.

On comptait neuf (9) musiciens à la conférence de presse, assis autour de la table dressée en la circonstance pour répondre aux questions du public. La photo illustrant cet article en témoigne. Au cours de cette conférence de presse, ces musiciens ont dévoilé leur plan d’attaque et le rêve qu’ils caressent. Il ne s’agit pas d’une simple tournée. Ces artistes veulent continuer leur mission jusqu’à leur transition (la mort). Ce serait une omission de ne pas mentionner que l’idée du retour est venue du président Michel Martelly, qui a toujours aimé le System Band. Certaines gens questionnent l’absence de Blaise Michel, d’Harold Joseph et de Delly François. Ils ont tous été contactés.

Blaise ne pourra participer qu’aux tournées que compte entreprendre l’orchestre, mais à cause de ses activités personnelles et professionnelles, il lui sera impossible d’être présent en permanence. Il a toujours été considéré comme l’un des piliers du System Band. Il a produit des hits qui ont marqué l’existence de cette formation musicale, et ses compositions ont toujours plu au grand public. Sa versatilité musicale lui a valu une bonne renommée qui transcende les frontières. Il est vraiment un touche-à-tout, un musicien tout-terrain.

Les membres du System Band ont beaucoup pensé à Fritz Bernard Fréderick « Ti Mitou » qui a été un grand et fidèle pèlerin qui avait accompagné le System Band dans les bons comme dans les mauvais moments de son existence. Le System Band a même composé une chanson pour lui rendre un hommage posthume (après sa mort en 2007). La chanson a pour titre : « Hommage à Ti Mitou ». Auteur de l’article: Robert Noël. Même au lit de mort, Ti Mitou demandait aux infirmières de jouer quelques CDs du System Band, et il les invitait à danser. Personne ne pouvait critiquer le System Band ou dire du mal de lui en présence de Ti Mitou. Un fait vécu! On ose croire que les musiciens du System Band vont faire chanter une messe à sa mémoire et déposer une gerbe de fleurs sur sa tombe, avant de commencer leurs activités de retour.

Harold Joseph n’a pas retourné l’appel téléphonique du personnel responsable du projet de retour, d’après ce qui a été dit à la conférence de presse. Quant à Delly François, ses activités professionnelles ne lui laissent aucune marge de manœuvre. Son horaire de travail l’empêche de répondre à l’appel pour le moment. On ne peut non plus oublier ou négliger l’apport de Michel-Ange Bazile au System Band. Messieurs du System Band, si vous n’êtes pas sûrs de vous-mêmes et si vous avez l’intention de présenter seulement quelques prestations puis d’entrer en hibernation, mieux vaut ne pas tenter de renaître de vos cendres. Le chemin n’est pas tapissé de fleurs en tous ses points. Il est aussi jonché d’épines. Il ne reste qu’à souhaiter bon retour, succès, longue vie et bonne chance aux musiciens du System Band, tout en espérant que l’argent ne vienne troubler l’harmonie qui règne entre eux aujourd’hui.

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