ZURICH, SUISSE – Sacré Blatter, il nous aura fait rigoler jusqu’au bout: quatre jours après son élection triomphale pour un cinquième mandat successif, Papy Sepp a annoncé mardi qu’il démissionnerait de la présidence de la Fifa dès qu’un congrès extraordinaire aura élu son successeur.
Que vont penser les 133 patrons de fédération qui ont voté pour lui, à commencer par le Français Noël Le Graët ? On pleure pour eux. Et pour lui: «Même si un nouveau mandat m’a été confié, il semble que je ne sois pas soutenu par tous dans le monde du football», a justifié le Suisse de 79 ans, qui fera néanmoins l’intérim jusqu’au congrès, lequel, selon une source de la Fifa, pourrait se dérouler entre décembre 2015 et mars 2016: «Je vais continuer à exercer mes fonctions d’ici là, et je suis désormais libre des contraintes d’une élection. Je vais me concentrer pour engager des réformes ambitieuses.» Car la Fifa «a besoin d’une profonde restructuration». Tiens donc.
Vendredi, après son élection, Blatter semblait pourtant savourer ce moment de grâce, où, malgré un scandale de corruption évaluée par la justice américaine à 150 millions de dollars, ses pairs lui faisaient comme toujours confiance. Au pupitre, soulagé, il avait chanté «Mexico, Mexico!» sur l’air d’opérette, pour annoncer la ville du Congrès 2016. Le lendemain, il balançait contre ses ennemis de l’UEFA et leur «haine» à son égard, et évoquait une sorte de complot américain pour expliquer les sept arrestations de caciques de la Fifa mercredi dernier à Zurich; mais il semblait d’aplomb pour les quatre ans à venir. «Je pardonne à tout le monde, mais je n’oublie pas», indiquait-il, tel le parrain.
Et voilà que l’homme qui déclarait récemment à So Foot que les critiques «coulent sur [lui] comme l’eau chaude sur la cuisse de Jupiter» raccroche. Pourquoi? Mystère. Surtout qu’il avait expliqué:«Pourquoi je démissionnerais? C’est accepter, c’est dire je suis fautif de tout ce qui arrive.» Lundi, le New York Times mettait indirectement en cause son bras droit, le secrétaire général Jérôme Valcke, qui a autorisé un paiement de 10 millions de dollars vers des comptes gérés par Jack Warner, un des responsables de la Fifa mis en cause par la justice américaine.
Selon l’acte d’accusation, ce virement servait à masquer la corruption permettant à l’Afrique du sud d’obtenir le Mondial 2010. Mais le Français n’est pas mis en cause nommément. La Fifa a reconnu mardi ce versement «dans le cadre du développement du football dans les Caraïbes», mais elle a assuré que «ni Jérôme Valcke ni aucun haut responsable de la Fifa n’était concernés» par l’enquête où quatorze personnes sont poursuivies, dont neuf cadors actuels ou anciens de la Fifa. Valcke avait néanmoins décidé d’annuler sa participation samedi à l’ouverture de la coupe du monde féminine au Canada.
Peu après l’annonce de Blatter, Michel Platini, président de l’UEFA qui avait appelé la semaine dernière à la démission du Suisse, a réagi : «c’était une décision difficile, une décision courageuse, et la bonne décision». On ignore pour l’instant que si le Français se portera candidat. Le prince Ali de Jordanie, qu’il avait soutenu contre Blatter lors du dernier congrès de la Fifa, a d’ores et déjà fait savoir qu’il se présentera de nouveau à la future élection. D’ici là, Blatter conservera toutes ses compétences «jusqu’au congrès électif où il rendra son mandat» dixit une source à la Fifa citée par l’AFP. N’ayant pas le statut de prévenu, son départ annoncé «n’a pas d’incidence sur la procédure pénale» en cours, a précisé le procureur général suisse.
Source/Journal Liberation
Photo/Journal Liberation
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