WASHINGTON DC – La justice américaine a largement confirmé jeudi en appel la suspension du décret anti-immigration du président Donald Trump, lui infligeant un nouveau camouflet retentissant sur l’une de ses mesures les plus controversées.

«Nous avons gagné», a écrit sur Twitter Omar Jadwat, l’avocat des associations qui soutenaient que M. Trump avait volontairement visé les musulmans dans son décret, violant ainsi la Constitution.

Le gouvernement portera l’affaire devant la Cour suprême, a réagi dans un communiqué le ministre américain de la Justice, Jeff Sessions, en dénonçant un jugement «sapant les efforts du président pour renforcer la sécurité nationale du pays».

La mesure qui a tant fait couler d’encre prévoit la fermeture temporaire des frontières américaines aux réfugiés du monde entier et aux citoyens de six pays majoritairement musulmans. Elle aurait eu pour conséquence de séparer durablement des familles.

«Le Congrès a accordé au président un large pouvoir pour interdire l’entrée des étrangers, mais ce pouvoir n’est pas absolu», a écrit dans la décision collégiale le juge Roger Gregory, président de la cour d’appel de Richmond.

Ce pouvoir «ne peut être incontrôlé quand, comme en l’espèce, le président y a recours à travers un décret qui porte des conséquences dommageables irrémédiables pour des personnes dans tout le pays», ajoute l’arrêt.

Le fameux décret a connu deux moutures, qui avaient été bloquées par les tribunaux en février et mars. Deux suspensions dénoncées par Donald Trump comme symptomatiques d’une «justice politisée».

La Constitution des États-Unis interdit la discrimination religieuse et, pour les opposants au décret, l’animosité de M. Trump vis-à-vis de l’islam ne faisait aucun doute.

10 juges contre 3

C’est ce qu’ils avaient plaidé le 8 mai dernier lors d’une audience solennelle devant la cour d’appel fédérale de Richmond, capitale de la Virginie.
Étant donnée l’importance de l’affaire, la cour avait siégé en formation plénière, avec 13 de ses hauts magistrats actifs.

L’arrêt, pris à la majorité de 10 d’entre eux, confirme dans ses principales lignes le jugement de première instance qu’avait rendu un juge de l’État du Maryland.

Face à ces différents tribunaux, l’avocat du ministère américain de la Justice, chargé de défendre la plus décriée des mesures présidentielles, avait assuré que le décret répondait à un problème de sécurité nationale lié à l’immigration d’individus potentiellement dangereux.

Mais, au final, les magistrats d’appel se sont déclarés «non persuadés» que le décret «ait plus à voir avec la sécurité nationale qu’avec la concrétisation de la promesse du président d’interdire les musulmans».

Selon eux, le décret anti-immigration «parle de façon vague de la sécurité nationale, mais en fait il dégouline d’intolérance religieuse, d’hostilité et de discrimination».

Donald Trump voit donc se prolonger le chemin de croix judiciaire sur son texte. Celui-ci a fédéré un vaste front d’opposition, en première ligne duquel on trouve des États démocrates, notamment sur la côte ouest du pays où le président est particulièrement impopulaire.

Le poids des mots

Dans chacun des revers que lui ont infligés les juges a beaucoup pesé la rhétorique antimusulmane du président, qu’il n’a jamais clairement reniée.
«Il a dit ”l’islam nous hait”», avait rappelé durant les débats M. Jadwat. «Il a dit qu’il allait bannir les musulmans (d’entrée aux États-Unis). Point à la ligne», avait-il ajouté.

Une fois arrivé à la Maison-Blanche, Donald Trump a tempéré ses propos. Mais, pour M. Jadwat, les préjugés antimusulmans du président étaient toujours là.

Ainsi, avait-il cité en exemple, au moment de signer son décret, Donald Trump en a lu l’intitulé, «Protéger la nation contre l’entrée aux États-Unis de terroristes étrangers», et a immédiatement ajouté : «On sait tous ce que cela veut dire».

Fin janvier, la première version du décret avait provoqué une onde de choc dans le monde et un chaos dans les aéroports américains. Avant d’être suspendue.

La seconde version du décret a été également examinée en appel par une cour de Seattle, qui doit rendre une décision prochaine.

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Source/La Presse
Photo/Archives
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