CARACAS, Vénézuéla – Juan Guaido, qui s’est autoproclamé «président» par intérim du Venezuela avec le soutien des États-Unis, a appelé à la poursuite de la mobilisation contre le pouvoir de Nicolas Maduro à quelques heures d’une réunion samedi du Conseil de sécurité des Nations unies sur la crise à Caracas.

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo participera en personne à la réunion du Conseil de sécurité à New York, et appellera l’ensemble de la communauté internationale à reconnaître Juan Guaido, a annoncé le département d’État. M. Pompeo a nommé un émissaire, Elliott Abrams, pour contribuer à «restaurer la démocratie» au Venezuela.

Le ministre des Affaires étrangères de Nicolas Maduro, Jorge Arreaza, est lui aussi attendu à New York pour faire connaître «la vérité sur le Venezuela», selon M. Maduro.

Les États-Unis sont le seul des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à avoir formellement reconnu Juan Guaido comme «président» en lieu et place de Nicolas Maduro. La France et le Royaume-Uni n’ont pas franchi ce pas, même s’ils ont exprimé leur soutien à M. Guaido.

La Russie a clairement apporté son soutien à M. Maduro, et la Chine a dénoncé les «ingérences extérieures».

«Dialogue national»

Alors qu’une intense activité diplomatique se déploie autour de cette crise dans le géant pétrolier d’Amérique latine, un bras de fer est engagé à Caracas entre Juan Guaido, 35 ans, président du Parlement qui s’est proclamé «président» par intérim, et Nicolas Maduro, investi le 10 janvier pour un second mandat considéré comme illégitime par les États-Unis, l’Union européenne et la plupart des pays d’Amérique latine.

M. Maduro a fait une ouverture en proposant à son rival de le rencontrer. «Je m’engage en faveur d’un dialogue national», a dit à la presse le président chaviste. «Personnellement, si je dois aller voir ce garçon (…) j’y vais».

Mais son offre a été rejetée par M. Guaido, qui parlait devant plusieurs centaines de partisans sur une place de Chacao, dans l’est de Caracas, pour sa première apparition publique depuis son autoproclamation mercredi.

«La répression, quand elle ne donne pas de résultat, se transforme en un faux dialogue», a estimé M. Guaido, qui venait de passer les deux jours précédents dans un endroit tenu secret de la capitale. Il réagissait également à une proposition du Mexique d’accueillir les deux protagonistes de la crise pour entamer des discussions.

«Si les parties le demandent, nous sommes les mieux placés pour les aider afin qu’il y ait un dialogue», a proposé le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador, dont le pays est un des rares en Amérique latine à ne pas avoir reconnu Juan Guaido.

M. Guaido a poursuivi son offensive contre M. Maduro en appelant à une «grande mobilisation» dans la rue la semaine prochaine, après les manifestations de mercredi qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Caracas.

«Ceux qui croient que nous nous sommes dégonflés vont être frustrés, car il y a des gens dans la rue pour un moment, jusqu’à ce que cesse l’usurpation et qu’il y ait un gouvernement de transition et des élections libres», a dit M. Guaido. La date exacte de ce prochain rassemblement de l’opposition devrait être connue dimanche.

M. Maduro n’a pas été en reste: il a appelé à «la rébellion populaire contre le coup d’État» dont il accuse Washington d’être l’instigateur. «Le peuple dans la rue!», a-t-il lancé.

26 morts

Par ailleurs, Juan Guaido a pris le contrepied de Nicolas Maduro en assurant que l’ambassade des États-Unis à Caracas resterait ouverte.

«Nous disons aux fonctionnaires de l’ambassade américaine: vous pouvez rester dans ce pays», a-t-il déclaré. M. Maduro avait donné mercredi 72 heures aux diplomates américains pour quitter le Venezuela. Les mouvements de protestation contre le régime ont fait 26 morts en quatre jours, selon l’ONG Observatorio Venezolano de Conflictividad Social.

Et plus de 350 personnes ont été arrêtées cette semaine lors de ces manifestations, «dont 320 pour la seule journée du 23 janvier», a déclaré la Haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet.

Juan Guaido a laissé entrevoir jeudi une porte de sortie à Nicolas Maduro en évoquant une éventuelle amnistie. Le Parlement avait déjà promis le 15 janvier une «amnistie» aux soldats qui désavoueraient le régime.

Le vice-président brésilien Hamilton Mourao, dont le pays figure parmi ceux qui ont reconnu Juan Guaido comme président par intérim, a proposé la création d’un «corridor d’évacuation» afin d’exfiltrer Nicolas Maduro.

«Politique destructrice»

Si Juan Guaido a aussi été reconnu par plusieurs pays d’Amérique latine et par le Canada, Nicolas Maduro peut compter sur le soutien de l’armée, réaffirmé jeudi par son ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé les États-Unis de mener une «politique destructrice» au Venezuela. »Nous voyons tous des appels ouverts à un coup d’État», a dit M. Lavrov, dénonçant un comportement «inadmissible» et contraire à la Charte de l’ONU.

L’Union européenne, qui considère comme illégitime le nouveau mandat de Maduro, prépare une «déclaration commune» appelant à la convocation rapide d’élections. Faute de quoi plusieurs capitales européennes plaident pour la reconnaissance de Juan Guaido comme «président par intérim», selon des sources diplomatiques à Bruxelles.

L’aggravation de la crise politique dans ce pays pétrolier intervient en pleine débâcle économique, jadis prospère et désormais frappé par d’importantes pénuries de nourriture et de médicaments, et soumis à une hyperinflation qui devrait selon le Fonds monétaire international (FMI) atteindre 10 000 000% en 2019.

Source/TVA Nouvelles

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