PORT-AU-PRINCE – Si nulle part dans son discours d’investiture le 20 juillet dernier le Premier ministre n’avait fait référence au référendum initié par le président Jovenel Moïse, cela ne veut pas dire pour autant qu’Ariel Henry prend ses distances par rapport au processus de changement de la Constitution. Cette semaine, le chef du gouvernement s’est entretenu avec les membres du Comité consultatif indépendant qui travaille sur l’élaboration de la nouvelle constitution.
« Le Premier ministre Ariel Henry a rencontré les membres du Comité consultatif indépendant pour l’élaboration de la nouvelle constitution. Il s’agit pour le chef du gouvernement de s’enquérir de l’état de ce projet qui sera au menu du dialogue national initié avec différents secteurs », selon une note publiée jeudi par la Primature.
Contacté vendredi par Le Nouvelliste, le Dr Louis Naud Pierre, membre influent du Comité consultatif a fait savoir au journal que dans trois semaines le Comité enverra le document final du projet de la nouvelle constitution au Premier ministre. A cause de l’assassinat du président le 7 juillet dernier, le Comité a pratiquement perdu un mois dans son travail, a-t-il ajouté.
Louis Naud Pierre a souligné que lors de la rencontre à la résidence officielle du Premier ministre Ariel Henry, ce dernier a manifesté sa volonté d’avancer avec le processus de référendum. « Il nous reste trois séances de travail. Dans la nouvelle version, nous avons ajouté le Sénat. Il y a aussi des ajouts sur les collectivités territoriales… », a-t-il confié au journal.
Le Dr Louis Naud Pierre a indiqué qu’il revient au Conseil électoral provisoire de fixer la date du référendum.
La majorité des secteurs clés de la société avaient déjà dénoncé et rejeté le processus de référendum initié par Jovenel Moïse de façon unilatérale.
Pour Me Gédéon Jean, responsable du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), ” En tant que Premier ministre de fait, donc illégitime et inconstitutionnel, appuyé par la coopération internationale, Monsieur Ariel Henry doit, d’entrée de jeu, chercher un consensus devant amener à l’adoption d’une feuille de route.”
” Ladite feuille de route établira le champ d’action de Monsieur Henry et limitera ses dérives. Toute la démarche initiée par l’ancien président Jovenel Moïse et ses alliés politiques et économiques pour changer la Constitution était inconstitutionnelle, illégitime et attentatoire aux droits humains et aux libertés fondamentales. Elle a été rejetée par la population, car c’était leur projet personnel. Monsieur Henry ne peut pas engager l’État sans ce cadre-là, sinon il sortira par la petite porte de l’histoire !”, a affirmé Me Gédéon Jean.
Liné Balthazar, président du PHTK, parti ayant porté Jovenel Moïse au pouvoir, s’était déjà opposé à la réforme constitutionnelle envisagée par le chef de l’État. « Nous exerçons deux activités depuis 200 ans: produire des Constitutions sur mesure pour faire plaisir à des secteurs et nous fixer des règles que nous refusons de respecter. C’est ce que nous faisons depuis 1801. Dans notre histoire, tous les initiateurs de nouvelles constitutions l’ont fait à leur avantage ou contre quelqu’un. De 1801 à 1987. L’article 291 de la Constitution de 1987 a exclu les duvaliéristes durant 10 ans », avait-il rappelé sur Magik 9.
La Conférence épiscopale d’Haïti avait appelé à renoncer au projet de référendum pour éviter au pays de connaitre des jours sombres, dans un message rendu public le lundi 1er juin 2021. « Renoncer au projet du référendum serait donc la sage décision de l’heure. Évitez, nous vous en conjurons, que le pays connaisse encore des jours sombres et même pires que ceux que nous connaissons présentement », avaient écrit les évêques catholiques.
Dans une correspondance adressée le lundi 7 juin 2021 au ministre de la Culture et de la Communication à l’époque, les associations patronales ATH, ADIH, CCIO et AMCHAM demandaient au gouvernement de surseoir au projet de référendum constitutionnel pour garantir une concertation inclusive et participative. Selon ces associations du secteur privé des affaires, il n’y a ni cadre légal ni accord politique pour changer la loi mère.
Source/Le Nouvelliste
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