PORT-AU-PRINCE – C’est avec les paroles « Nou antre agoye papa Nou antre Danbala Wedo » que Carl-Henry Desmornes fait son entrée triomphale ce 14 août dans la cour du parc historique de la Canne-à-Sucre. Le public, composé de ses ouailles qui viennent des quatre coins du pays, faisant partie de plusieurs « sosyete », d’essence Bizango, Assogueth, lui a réservé un accueil digne d’un roi. Des feuilles aux vertus guérisseuses avec un baume remarquable sont posées sur des « atè miyò », eux-mêmes calés sur son passage.

La cérémonie est marquée par des discours de plusieurs personnalités du secteur vodou et du monde politique. La mambo Euvonie Auguste, une figure de proue de la confédération KNVA, en appelle au rassemblement de toutes les forces vives de la nation pour sauver Haïti. Son évocation de l’implication de femmes dans la construction de notre pays bénéficie d’un grand écho dans l’assistance où la supériorité numérique féminine est bien remarquable.

La mairesse de Tabarre Nice Simon rappelle que le vodou a été le langage dans lequel les esclaves se sont parlé et se sont compris pour pouvoir réaliser 1804. Le député Caleb Desrameaux chauffe à blanc l’ambiance en confiant aux vodouisants que leur culte a été comme quoi écarté de la liste des religions dans la Constitution amendée. Il leur suggère donc de mobiliser leurs forces afin de combattre cette injustice qui se serait faufilée dans cette modification de la loi mère. Sa phrase « Tout Ayisyen se vodouyizan » a un peu calmé la braise que son aveu précédent a allumée.

La cérémonie est faite de rituels compréhensibles aux initiés. On salue graduellement les lwa du panthéon vodou dont Legba, Marassa, Ayizan. A l’interpellation de cette dernière on procède au «Chire Ayizan », qui consiste en l’effeuillage d’une branche d’un palmiste par les initiés qui vont ensuite recoller les morceaux en un tout.

Une mambo ensuite se charge de transporter la branche reconstituée sur son dos en faisant le tour du Potomitan dressé dans la cour du parc pour l’occasion. La dame, soudainement en transe, se dirige sous une sorte de tente où Carl-Henry se trouvait depuis son entrée triomphale. Damballah, la divinité de la connaissance et du pouvoir, est ensuite évoqué. Comme Ayizan, il chevauche un initié autour du Potomitan et se dirige vers la tente qui est de fait refermée. Euvonie, en marge de la cérémonie, nous explique que c’est à Damballah qu’il revient la responsabilité d’adouber les « Ati ».

Après l’entretien secret entre la divinité et le Ati, la tente est rouverte et le chef suprême se dirige sur l’estrade. Il s’assied sur une énorme chaise. On lui pose un béret sur la tête, on le revêt d’une cape, on lui tend un bâton. On demande au public que chacun dépose un verre d’eau de la fontaine du parc dans une sorte de grand canari. Le poète Clotaire Saint-Natus, maître des lieux, a dédicacé un poème au chef suprême du vodou.

Quand le nouvel Ati prend la parole, c’est pour rappeler aux vodouisants qu’ils sont le secteur qui peut s’attaquer de manière très efficace aux problèmes environnementaux auxquels le pays fait face. Carl-Henry Desmornes rappelle que son sacre a été organisé ce 14 août 2019 parce que cette date est celle qu’il considère comme la plus grande fête du pays, la commémoration de la cérémonie du Bois-Caïman en l’occurence. Le nouveau grand prêtre vodou boucle ses propos en promettant de faire de son secteur l’un des plus impliqués dans la chose publique comme c’était le cas avant 1804.

Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
www.anmwe.com