PORT-AU-PRINCE – Le bureau de communication de la présidence a convoqué les journalistes pour un point de presse sur le covid-19 jeudi à 16 h 30. Plus de trois heures se sont écoulés avant que le chef de l’État ne s’adresse à la nation. Entre-temps, des sources au palais ont indiqué que le chef de l’Etat conduisait un Conseil des ministres spécial sur la pandémie. Le message du président était déjà sur son télé-prompteur.

À 6h 09 précisément, le journaliste Garry Pierre Paul Charles lâche la bombe. Le coronavirus est dans nos murs. Parallèlement, l’atmosphère au Palais national était devenu différent. Des membres du bureau de communication, au pas de course, font des allers-retours pour corriger, modifier ou encore ajuster l’adresse à la nation du chef de l’État. Après une trentaine de minutes, les ministres et secrétaires d’État prennent place dans la salle où Jovenel Moïse doit prendre la parole. Ils dévissent. L’un d’entre eux regarde son téléphone et soupire « bagay la pran lari », comme pour faire allusion à la nouvelle du jour. Marie Greta Roy Clément, la ministre de la santé, elle, le visage fermé, les yeux rougis, se met en retrait. L’air un peu paniquée.

19 h 39, Jovenel Moïse fait son entrée dans la salle. Il est entouré de ministres, de secrétaires d’État, de directeurs généraux, entre autres. Une batterie de grands commis de l’Etat entassés comme des sardines dans une petite salle. Une image qui tranche avec le principe de distanciation sociale, fortement suggérée pour éviter la contamination. Un des ministres finira par voler la vedette au président Moïse, car il n’a eu cesse de tousser. En quelques secondes, Jovenel Moïse a confirmé ce que l’on redoutait. « Selon les derniers résultats des tests effectués au Laboratoire national, nous avons enregistré 2 premiers cas de coronavirus en Haïti », a déclaré le chef de l’État. Le président n’a pas donné plus de précisions sur ces deux cas, encore moins sur le nombre de personnes que ces deux porteurs auraient rencontré. Aucune nouvelle non plus sur la prise en charge de ces cas de contamination importés ni sur ce qui se fera en cas de contamination communautaire.

Le locataire du Palais national a poursuivi en décrétant l’état d’urgence sanitaire pour une période de 1 mois. Un train de mesures a été annoncé par le président de la République. « Le pays passe automatiquement à la phase 2 de l’épidémie. Les écoles, les centres de formation professionnelle, les universités seront fermés dès ce vendredi. L’Etat a pris toutes les dispositions pour fermer les usines de la sous-traitance à partir de ce vendredi. Le gouvernement déclare un couvre-feu sur toute l’étendue du territoire national entre 8h du soir et 5h du matin à partir de ce vendredi. Nous avons créé un conseil scientifique pour éclairer les décisions publiques. Le gouvernement interdit sur toute l’étendue du territoire les rencontres, réunions et rassemblements de plus de 10 participants. Pour assurer la continuité dans les services publics et pour protéger les employés de l’État, nous demandons aux ministres, directeurs généraux, etc. de faire respecter la distanciation sociale. Le gouvernement décide d’adopter une rotation hebdomadaire de 50 % du personnel non-essentiel de l’administration publique. L’autre moitié devra faire le télé-travail. Un groupe de travail spécial est créé pour analyser et recommander au gouvernement des mesures qui permettront de faire face aux impacts économiques de la pandémie. Ce soir, à partir de minuit, tous les ports et aéroports du pays seront fermés jusqu’à nouvel ordre pour le transport des personnes. Le transport des marchandises est toujours autorisé », a détaillé Jovenel Moïse.

D’autres mesures sont annoncées dans l’arrêté décrétant l’état d’urgence sanitaire. « Le gouvernement prendra les dispositions appropriées pour fournir aux hôpitaux des masques, des gants, des médicaments, des solutés et toutes autres fournitures médicales nécessaires. Les hôpitaux et cliniques privés mettent à la disposition de l’État leurs services d’isolement. Il est demandé aux citoyens de rester chez eux ou de limiter leurs déplacements au strict nécessaire. Les individus provenant des zones à risques seront automatiquement placés en quarantaine pour une période de 14 jours. Les propriétaires des biens et structures privés éventuellement réquisitionnés par l’État en vue de secourir la population seront rémunérés à juste titre », peut-on lire dans cet arrêté.

Source/Le Nouvelliste
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