PORT-AU-PRINCE – Le Collectif 4 Décembre, le Centre Œcuménique des Droits de l’Homme (CEDH), le Conseil Haïtien des Acteurs Non-Etatiques (CONHANE), le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP), le Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme (CARDH) et la Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH), prennent note des nombreuses tentatives visant à faire obstruction à la manifestation de la vérité en ce qui a trait à la dilapidation des Fonds Petro Caribe.
Les organisations susmentionnées soulignent à l’attention de l’opinion publique que la corruption – une infraction transnationale qui réfère aux corrupteurs, aux corrompus ainsi qu’à leurs complices – constitue un obstacle à la Démocratie et à la réalisation effective des Objectifs du Développement Durable (2015-2030).
La corruption devenue en Haïti un fait social, en raison de son caractère permanent, régulier et collectif, s’est insinuée partout et touche aujourd’hui même les institutions dont le mandat est de la combattre, d’où l’importance pour toutes les composantes de la société haïtienne de se mettre en faisceau en vue de lutter contre elle, sous toutes ses formes.
Les organisations susmentionnées rappellent qu’en 2016, une commission sénatoriale a été créée pour enquêter sur ce qu’il convient désormais d’appeler le « Scandale Petro Caribe ». Cette commission a présenté son rapport à l’Assemblée des sénateurs qui a jugé nécessaire de l’approfondir. En ce sens, une deuxième commission a été mise sur pied et a produit un second rapport.
Ces deux (2) rapports ont conclu à la dilapidation de plusieurs milliards de dollars et ont mis en cause un ensemble de personnalités qui occupaient des postes de décision à un moment donné.
Des informations constantes se retrouvent dans les deux (2) rapports. A contrario, certaines informations sont insérées dans l’un ou l’autre des rapports, ce qui en fait deux (2) documents complémentaires, importants, fournissant un ensemble d’indices aptes à permettre la manifestation de la vérité.
Cependant, le signal lancé par les autorités étatiques est plutôt inquiétant et laisse présumer d’une velléité d’empêcher que ces rapports suivent leur cours normal. A titre de rappel :
• Le Président de la République, Jovenel MOÏSE ne rate jamais une occasion d’intervenir sur la question de la corruption en Haïti, présentant à chaque fois tout un argumentaire contre le second rapport sénatorial, affirmant que celui-ci constitue en fait des actes de persécution politique, auquel il compte faire obstacle, et que lui seul [Le Président], détient la clé de la lutte contre la corruption ;
• Une séance sénatoriale réalisée le 10 novembre 2017 pour statuer sur le rapport de la deuxième commission a été renvoyée, les sénateurs ayant demandé plus de temps pour prendre connaissance du rapport ;
• La séance du 31 janvier 2018 a pris fin le 1er février 2018, vers 3 heures du matin sur une décision de mise en continuation pour le 6 février 2018, parce que certains sénateurs avaient infirmé le quorum après qu’ils se soient débattus pour empêcher que le Sénat analyse le fond du rapport ;
• Une séance clandestine réalisée le 1er février 2018, dans l’après-midi par la majorité des sénateurs, a abouti à une résolution renvoyant le rapport de la deuxième commission, non sanctionné préalablement par le Sénat, à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA).
Ces faits prouvent que les pouvoirs législatif et exécutif ne sont pas du tout prêts à emboiter le pas et à se mettre au-dessus de la mêlée pour réclamer justice pour la population haïtienne, dont les droits fondamentaux ont été systématiquement violés, dans cette gestion vraisemblablement malsaine des finances publiques et du bien commun.
De manière plus spécifique, ces faits mettent à nu la lâcheté du Sénat de la République qui, au lieu de sanctionner le rapport complémentaire préparé à cet effet par la deuxième commission, s’est déresponsabilisé et laisse ainsi à une autre instance, la tâche d’acheminer – ou d’enterrer- le rapport concerné, confirmant par-là, l’idée de la vraisemblable vassalisation du parlement haïtien et de son manque de respect flagrant vis-à-vis de ses mandants.
A ce stade, les organisations susmentionnées rappellent que la CSC/CA – ayant donné son avis sur les budgets étatiques et ayant approuvé les projets visés – est déjà intervenue à priori dans le cadre de ces dossiers. S’il est vrai que la CSC/CA est aussi appelée à exercer un contrôle a posteriori sur l’utilisation des fonds engagés par l’Etat, aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de « contrôler » les dépenses qui ont été consenties.
Les suspicions de gabegies administratives et de dilapidation des fonds Petro caribe, sont énormes en raison de la disparité qui existe entre les montants faramineux dépensés et les résultats obtenus. Il faut donc que des instances compétentes soient saisies du dossier, dans le respect scrupuleux des droits aux garanties judiciaires de toutes les parties impliquées.
Conséquemment, les organisations susmentionnées condamnent fermement toutes velléités d’empêcher que les deux (2) rapports sénatoriaux suivent leur cours normal et estiment qu’il est aujourd’hui du devoir de tous et de toutes, ainsi que des membres d’organisations de la société civile haïtienne, d’exiger de leurs sénateurs respectifs, des explications claires quant à leur position par rapport à ce dossier. De plus, ils doivent se positionner contre la dilapidation des deniers publics en :
• exigeant que tous les mécanismes existants ainsi que tous les organes autonomes de l’Etat tels que l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), le Bureau des Affaires Financières et Economiques (BAFE), etc. ; soient mis en branle pour questionner toute personne, toute entité sur la gestion des fonds Petro Caribe dont elle avait la charge ;
• enjoignant la Justice à s’ériger en véritable pouvoir en vue de lancer un signal fort de sa volonté réelle de combattre l’impunité car, c’est l’institutionnalisation de celle ci qui fournit à la corruption sa force actuelle ; Ceci inclut aussi, le cas échéant, toute demande d’assistance technique nécessaire en la matière, auprès des instances régionale et internationale ;
• réclamant la mise en place de toute instance constitutionnelle appelée à faire la lumière autour du « scandale Petro Caribe » et à rendre justice à la population haïtienne, la véritable victime de ce scandale.
Enfin, les organisations susmentionnées informent la population de la tenue prochaine d’une séance publique d’information autour des deux (2) rapports sénatoriaux.
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Source/Alter Presse
Photo/Archives
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