PORT-AU-PRINCE – Nous accusons réception de votre courrier en date du 14 octobre 2019 relatif à la proposition de contrat soumise par la Commission de Pilotage de la Réforme du Secteur de l’Énergie en octobre 2015. Nous nous permettons de reprendre ici les thèmes principaux que, par courrier à vos prédécesseurs le 9 janvier 2016, notre conseiller juridique leur adressait en la circonstance :
Premièrement, il convient de rappeler que le contrat existant entre l’Etat haïtien, l’EDH et E-Power S.A. a été conclu au terme d’un long et transparent processus d’appel d’offres international dont E-Power est sortie gagnante, sans aucune contestation des six autres firmes concurrentes ayant participé à cette compétition.
Deuxièmement, vous voudrez bien noter que la signature du contrat en vigueur a été accompagnée de l’approbation expresse de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif ainsi que de celle de la Commission Nationale des Marchés Publics, chacune en ce qui la concerne.
Troisièmement, avant que la Société Financière Internationale, filiale de la Banque mondiale, et que la FMO, Banque néerlandaise de Développement, n’octroient le financement au projet, elles ont exigé que l’État, par l’organe du Ministère de l’Economie et des Finances, atteste par écrit de la légalité et de la validité du contrat du 17 janvier 2008. Les avocats de l’État haïtien ont donc garanti au consortium de prêteurs internationaux du projet que le contrat avait scrupuleusement respecté tous les prescrits prévus par les lois de la République d’Haïti en la matière, y compris, mais ne se limitant pas à celles ayant rapport à l’EDH, aux Zones franches, au Code des Investissements, à la loi sur les marchés publics etc…
Quatrièmement, nous nous permettons de rappeler que la législation sur les marchés publics prévoit la modification de contrats signés mais elle ne le permet qu’avec l’accord des deux parties et non de manière unilatérale. En effet, tant la loi de 2009 que celle qui l’a précédée conditionnent toute modification d’un contrat conclu sous l’égide de la loi sur les marchés publics à l’accord des deux parties. Malgré tout, la Commission de Pilotage de la Réforme du Secteur de l’Energie, tant dans la forme que dans le fond de ses courriers, a voulu imposer, unilatéralement, un nouveau document à son partenaire contractuel qui, lui, s’est toujours montré scrupuleux dans le respect de tous ses engagements.
La loi permet, certes, des modifications contractuelles sous la forme d’un avenant, accepté librement par les deux parties. Néanmoins, l’avenant, selon la pratique contractuelle, intervient pendant l’exécution du contrat et ne concerne qu’une partie de celui-ci.
Par ailleurs, le régime des avenants étant strictement défini dans la loi du 10 juin 2009 sur les marchés publics, et le contrat actuel n’étant pas arrivé à son terme, il ne peut être modifié qu’avec l’accord des parties. Il ne peut pas être complètement remplacé. Or, le document soumis par la Commission de Pilotage est, tant dans la forme que dans le fond, un tout nouveau contrat. De surcroît, en cas de nouveau contrat, le respect de la légalité et de la transparence commande que l’on se soumette, à nouveau, au processus concurrentiel d’appel d’offres imposé par la législation sur les marchés publics. Le contrat que vous proposez est un contrat gré à gré, ce qui est interdit par la loi.
Enfin, pour pouvoir satisfaire à ses engagements contractuels face à EDH et face à l’État, E-Power a dû obtenir un financement d’investisseurs locaux et internationaux. Ces financements et particulièrement ces prêts ont été obtenus sur la foi du contrat existant et la garantie exprimée par l’Etat de sa validité. Toute redéfinition des termes qui altérerait substantiellement les stipulations en vigueur, notamment celles portant sur les engagements financiers des parties, nécessiterait, selon les engagements pris par E-Power, l’agrément écrit et préalable des prêteurs.
En conclusion, Messieurs les Ministres, sans entrer dans le détail du nouveau projet de contrat, les questions de principe évoquées plus haut ne nous permettent pas de signer le document que vous nous avez soumis. Fort de ce qui précède, nous nous permettons de vous rappeler le caractère exécutoire du contrat en vigueur, dans toutes ses stipulations.
Conscient que vous saisirez le bien-fondé des considérations qui précèdent, nous vous prions de recevoir, Messieurs les Ministres, nos salutations respectueuses.
Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
www.anmwe.com