PORT-AU-PRINCE – La population haïtienne est victime d’un système de gouvernance qui ne peut être assimilé à autre chose qu’une cleptocratie doublée d’une médiocratie.

La cleptocratie est une forme de pouvoir par lequel les dirigeants se livrent de façon régulière au vol et au détournement de deniers ou biens publiques. Il s’agit d’un pouvoir où règne, de façon visible ou presque, la corruption politique. L’Etat cleptocratique introduit de ce fait une lutte de classes entre voleurs et volés, entre profiteurs privilégiés et gouvernés impuissants. Cette lutte aboutit à une nette destruction de la richesse et donc un appauvrissement général, à l’exception d’un petit groupe restreint.

Henry Hazlitt disait que « lorsque votre argent est pris par un voleur, vous n’obtenez rien en retour. Lorsque votre argent est collecté par des taxes pour soutenir des bureaucrates inutiles et incompétents, on obtient précisément le même résultat ». Dans le cas d’Haïti, on peut ajouter le détournement de l’aide étrangère.

Le terme médiocratie est utilisé pour décrire un gouvernement qui est régi par un ensemble de personnalités incompétentes, n’ayant aucune compétence pour gouverner.

Beaucoup trop de nos leaders démontrent avec une régularité déconcertante qu’ils ne s’attèlent pas à œuvrer pour l’intérêt général de la population mais uniquement pour leur intérêt individuel et celui de leur clan.

La corruption en Haïti a des proportions cataclysmiques. Et c’est le système le mieux organisé et le mieux structuré. Elle est présente partout et à tous les niveaux. Elle est la source de tous les maux que le pays confronte, tels que la misère, le chômage, la mortalité infantile, le manque d’accès aux soins de bases et aux produits de première nécessité, une majorité de la population avec un pouvoir d’achat quasi inexistant, pour ne citer que ceux-là.

La mauvaise gouvernance est un danger pour le bien-être de l’actuelle génération mais aussi pour les générations à venir.

Et c’est tragique car beaucoup trop de postes de leadership sont occupés par des cleptocrates ou des médiocrates et non par des technocrates. Certains, tels des alchimistes arrivent trop souvent à fusionner ces deux caractéristiques avec l’art et la manière.
Le leadership ne consiste pas à atteindre la reconnaissance, la gloire ou la richesse. Le leadership consiste à servir les autres. Or, beaucoup trop de nos leaders se servent de leur position comme un tremplin social, leur permettant d’asseoir un certain statut matériel dans la société.

Selon le Dr Martin Luther King, « nos vies commencent à finir le jour où nous devenons silencieux à propos des choses qui comptent ». Je décide de ne plus rester silencieux. Il est grand temps que la population haïtienne se réveille.

Mes frères et sœurs, nous devons absolument nous réveiller avant qu’il ne soit trop tard. Nous n’accepterons pas que notre avenir soit continuellement mis en danger de cette manière. Nous devons nous mobiliser et nous soulever contre ce système et tous ceux qui en profitent. Nous, la jeunesse citoyenne, avons le devoir de lutter afin de libérer la nation de ces parasites.

Seul un éveil des consciences collectives nous permettra de sortir de ce bourbier.

Importer des solutions à nos problèmes ne nous mènera nul part. Encore une fois, et je le maintiens, il s’agit d’apporter une solution haïtienne à un problème haïtien.

Est-ce possible ? Absolument, j’en ai la ferme conviction. Cependant, nous devons absolument sortir de notre sommeil, car ceux qui profitent de ce système s’y sentent vraiment confortables et ne désirent pas de changement.

Car notre jeunesse en a assez. Nous sommes sans espoir pour notre avenir. Nous avons soif d’un réel changement de gouvernance. Notre jeunesse est la plus grande richesse que le pays exporte, au détriment de notre avenir. Nous devons dire à nos leaders élus ou autres qu’ils doivent commencer à défendre l’intérêt général de la population.

La jeunesse doit se réveiller et prendre en considération notre passé, notre présent et notre futur. Ce n’est seulement le jour où nous nous réveillerons, que nous serons en mesure d’envoyer un message clair à ceux qui nous gouvernent, qu’ils ne peuvent pas continuer à nous malmener de cette façon. Nous devons traiter ce cancer qu’est la corruption. Je pense que la corruption au niveau que nous la connaissons aujourd’hui devrait être considérée comme un crime de haute trahison. L’heure est à la reddition des comptes, que la justice face son travail en toute impartialité et avec la plus grande fermeté.

L’impact de la corruption en Haïti est si vaste, qu’elle affecte nos vies à des niveaux qu’on ne saurait imaginer.

Combien d’enfants meurent chaque année de malnutrition ? Combien de personnes meurent car elles n’ont pas accès aux soins de bases ? Combien de personnes tombent malades par manque d’eau potable ?

Tout juste un an après le tsunami qui a ravagé l’Asie du sud-est en 2004, je me suis rendu en Thaïlande et j’ai été surpris de voir comment la vie a repris ses droits. Comme en Haïti, le monde entier s’est mobilisé et les ONG ont envahi ce royaume mais les autorités thaïlandaises ont su canaliser l’aide internationale et imposer leurs solutions à leurs problèmes.

Huit ans après un tremblement de terre dévastateur et des milliards de dollars en aide étrangère et nous sommes toujours en état de mendicité et de misère. Si l’aide étrangère avait été bien canalisée, nous aurions pu voir une toute autre Haïti aujourd’hui.

Et nous avons continué malgré tout à élire ou nommer des individus qui n’ont autre chose en tête que leurs petits intérêts individuels au détriment de la collectivité.

La corruption n’est pas seulement financière, elle est aussi morale.

Ils achètent notre jeunesse afin de les supporter, de voter pour eux à coup de 1000 gourdes, ils manipulent les défavorisés et les poussent à prendre les rues pour manifester, sans pour autant leur apporter aucune alternative viable. Tout cela en proférant des propos d’appels à la violence, la haine et à la discrimination. Tout cela au nom de la médiocratie qu’ils essayent de travestir en démocratie. Ils sont passés experts à développer le sous développement.

La loi de causalité est pourtant bien simple. Toute cause a son effet, tout effet a sa cause. Continuons à avoir des leaders médiocres, qu’ils soient dans le publique ou dans le privé, et nous continuerons à obtenir des résultats médiocres.

Nous devons absolument remettre en question ce système biaisé qui ne profite qu’à une petite minorité individualiste. Nous devons remettre en question ce système de gouvernance ainsi que la façon dont nous élisons nos dirigeants.

Nous devons exorciser les démons de la corruption, les démons de la médiocrité, les démons de la cleptomanie, les démons de l’égoïsme, les démons de la discrimination, les démons de l’ignorance, les démons des préjugés. Ce n’est que lorsque nous aurons éliminé ces démons qui résident dans nos cœurs et nos esprits que nous pourront enfin embrasser l’esprit de notre « haïtianité », l’esprit d’unité, l’esprit de dignité collective.

Nous sommes tous différents les uns des autres. Mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi, et c’est cela qu’il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l’autre, et dialoguer avec lui. Alors nos différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentarité et source d’enrichissement mutuel.

John F. Kennedy a dit : « une société dont les jeunes hommes et femmes sont dans un état de sommeil constant, ne réalisera jamais ses potentiels. »

Jeunesse, réveille-toi !

Une éducation civique bien structurée permettra à notre jeunesse de comprendre ses droits et ses devoirs, de former les citoyens de demain.

Une jeunesse citoyenne qui sera le fondement de la Renaissance Haïtienne.

François Nicolas Duvalier
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