CAP-HAITIEN – A travers le projet Pôle d’Innovation du Grand Nord (PIGraN,), le Groupe de réflexion et d’action pour une Haïti nouvelle (GRAHN-Monde), présidé par le professeur Samuel Pierre, a lancé cette semaine les fondements de la 1ère ville intelligente d’Haïti, la Cité du savoir. Zoom sur une initiative citoyenne visionnaire pour redonner de l’espoir au pays.

« Les enfants que vous venez de voir sont notre source principale de motivation. Nous sommes là pour leur assurer un avenir meilleur. Le progrès d’un pays se mesure entre la quantité de progrès qui existe entre notre génération et celles qui nous suivent. En Haïti, nous ne pouvons pas parler de progrès car les générations présentes sont plus pauvres que les précédentes et si n’est rien fait, les futures générations le seront encore davantage », a averti le professeur Samuel Pierre, président de Grahn-Monde, en ouverture de la Semaine de la science et du savoir, qui se tient à Génipailler, Milot, du 23 au 28 avril 2018, dans le Nord d’Haïti.

Quelques minutes avant son intervention, les enfants du Centre de la petite enfance (CPE) Paul Gérin-Lajoie de Génipailler, avaient été présentés au public présent et ont performé, notamment à travers des chants et des contes. Ce centre est le premier établissement de la Cité du savoir qui sera au cœur du projet pilote PIGraN. Lancé en 2016, le CPE est désormais terminé et accueille 85 enfants du préscolaire. Il constitue un symbole fort pour Grahn-Monde car, selon les membres de ce groupe de citoyens, la construction d’une nation moderne commence toujours par la base : les enfants en bas âge représentant les futures générations. Or, le président de Grahn-Monde fait un constat affligeant : à travers les années, « nous, Haïtien(ne)s, contribuons à perpétuer voire à aggraver la pauvreté ».

Pour contrer cette spirale infernale, Grahn-Monde a conçu en 2016 un ambitieux projet : le Pôle d’innovation du Grand Nord dont le cœur constituera la première ville intelligente d’Haïti : la Cité du savoir.

PiGRAN : un projet de développement porteur d’espoir

Un pôle d’innovation est un réseau d’entreprises indépendantes (petites, moyennes ou grandes) lié à des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, qui est actif dans un ou plusieurs secteurs d’activités et dans une région en particulier. Le pôle d’innovation qui sera créé dans le Grand Nord d’Haïti aura comme noyau central la Cité du savoir dont le cœur sera l’Institut des sciences, des technologies et des études avancées d’Haïti (ISTEAH). La Cité du savoir sera une source de compétences et d’expertise qui travaillera en étroite collaboration avec un réseau d’entreprises indépendantes et des réseaux d’établissements d’enseignement de tous les niveaux : préscolaire, fondamental, secondaire, formation professionnelle et technique, universitaire.

« Le projet PIGraN, est un projet de société car nous essayons de convertir les perspectives sombres pour les enfants en perspectives de réalisation de soi avec les talents qu’ils portent en eux. Nous sommes là pour leur permettre de développer ces talents naturels, innés, dont ils sont porteurs. C’est notre responsabilité de les amener à réaliser leurs aspirations ; sinon, ce qui va arriver c’est ce qu’on observe aujourd’hui : des jeunes qui sont dans la vingtaine quittent le pays pour aller au Brésil ou au Chili en quête d’un avenir meilleur, en tout cas c’est ce qu’ils croient. Cela nous interpelle. Ce projet est fait pour redonner de l’espoir, notamment aux 85 enfants qui sont aujourd’hui dans notre Centre de la petite enfance et y reçoivent une éducation de qualité », a expliqué le professeur Samuel Pierre au public. Ces petits graviront les marches de l’école fondamentale que Grahn-Monde est en train de construire et dont la 1ere phase pourra accueillir cinquante-cinq enfants. Ensuite il y aura l’école secondaire, l’école professionnelle qui va être construite par Grahn États-Unis. Le Grahn a déjà créé des instances universitaires et le campus principal de l’ISTEAH qui prendra aussi sa place dans la Cité du Savoir.

« Nous allons aussi avoir des centres de services pour les entreprises. En effet, en ayant un incubateur d’entreprises, ces dernières pourront créer des emplois », a poursuivi le professeur Samuel Pierre. Ainsi, PIGraN est vrai projet de société.

« Si ce projet pilote fonctionne dans le grand Nord, on pourra en faire deux autres : le Pôle d’innovation du grand Sud et le Pôle d’innovation du grand Centre. Le tout deviendra un projet de développement pour le pays où l’on va déconcentrer Port-au-Prince – qui est devenu le pays en lui-même. Car lorsqu’on parle d’Haïti, en fait on parle de sa capitale, avec les bons et les mauvais côtés. Ceci est injuste envers les citoyens qui ont décidé de ne pas vivre dans la capitale et c’est aussi injuste envers les Port-aux-Princiens car ils sont envahis par des personnes qui sont en quête d’un avenir meilleur et qui dérangent ceux qui sont déjà établis. Donc nous devons tous – même les Port-aux-Princiens- travailler pour que le pays se décentralise », a insisté le président de Grahn-Monde devant les participants de la Semaine de la science et du savoir au profit du progrès social.

PIGraN, est aussi et avant tout un projet citoyen. Le professeur Pierre a révélé que le CPE a été financé par 150 personnes et a coûté 350,000 dollars américains. « Si nous l’avions donné à un autre organisme, cela aurait coûté quatre fois plus cher », a-t-il déclaré. En effet, 250 spécialistes de plusieurs pays – des architectes, sociologues, ingénieurs etc.- ont participé bénévolement à la conception et la construction du Centre de la petite enfance, ce qui a considérablement baissé les coûts.

« C’est avec cette philosophie d’esprit de partage et de solidarité que nous voulons bâtir la Cité du savoir car ce modèle devrait être aussi un modèle de développement pour le pays », a souhaité Samuel Pierre.

Génipailler : du champ de canne à sucre à ville intelligente
Génipailler est la troisième section communale de Milot. Avec une population de 8 500 habitants dont environ 80 % vivent en milieu rural et près de 50 % ont moins de 18 ans, elle est située en plaine et c’est la section communale qui présente le moins de risques de catastrophes naturelles ou d’aléas climatiques. Cette zone, principalement agricole, produit très peu et est très mal desservie : carence en puits artésiens, en eau potable, en sources d’électricité, premier lieu de ravitaillement à 10 km et peu de services éducatifs et de soins de santé primaire.

Il y a à peine trois ans, le site de la Cité du savoir était encore un champ de canne à sucre. Grahn-Monde a déjà commencé à le transformer : après la construction du CPE, les bennes s’activent désormais à creuser les fondations de l’école fondamentale (cycle primaire). Ce n’est qu’un début puisque ce groupe de citoyens – qui se veut être le premier think-tank haïtien – veut y bâtir la première ville intelligente du pays.

Selon un récent rapport de la Banque Mondiale intitulé Les villes haïtiennes : des actions pour aujourd’hui avec un regard sur demain [1], Haïti est le troisième pays le plus urbanisé dans l’Amérique latine et les Caraïbes, derrière Trinité-et-Tobago et le Mexique. Alors que 90 % de la population vivait en milieu rural dans les années 50, plus d’un Haïtien sur deux vit aujourd’hui en milieu urbain. Chaque année, plus de 133 000 habitants quittent les zones rurales pour s’installer en ville. Face à cette forte croissance démographique urbaine, les villes sont confrontées à de nombreux enjeux : anarchie dans les transports, omniprésence des détritus, pollution, un environnement malsain et un chaos urbain devenu quasi ingérable. A quelques kilomètres de Génipailler, la ville du Cap Haïtien et son bord de mer illustrent tristement cette réalité.

Construire une ville adaptée aux besoins du présent mais qui préserve les ressources pour l’avenir a donné lieu au concept de smart city, la ville intelligente. Son objectif peut être résumé en 3 points : améliorer le confort des habitants tout en disposant de transports plus efficaces et en respectant l’environnement. Une ville intelligente c’est bien plus que la simple connectivité de tout ce qui compose son infrastructure. Il s’agit d’utiliser ces objets connectés pour rendre des services spécifiques et produire des informations pertinentes, pour in fine augmenter la qualité de vie des résidents tout en réduisant les coûts.

« Lorsque nous aurons terminé, la Cité du savoir constituera une vingtaine d’ouvrages sur un terrain de 31 hectares que l’État haïtien a mis à notre disposition pour pouvoir ériger cette cité qui sera un modèle de développement économique », explique Samuel Pierre. Pourquoi ? Pour donner de l’espoir, pour apporter le développement car pour le Grahn, il faut pouvoir aider les gens à progresser indépendamment de leurs origines. « Il faut aujourd’hui tracer un exemple qui aille au-delà des beaux discours car, en Haïti, nos politiciens sont de grands parleurs mais des petits faiseurs.

Actuellement nous sommes un des pays les plus inégalitaires au monde et si on ne lutte pas contre ces inégalités, les forces vives du pays le quitteront en quête d’un avenir meilleur. J’observe qu’en Haïti, plus on investit dans des projets, plus le pays devient pauvre. C’est comme si les Haïtiens construisaient la pauvreté par leurs actions. Alors, en toute modestie, le Grahn s’est dit : pourquoi ne pas prendre la distance critique qu’il faut pour examiner les actions, constater qu’elles n’ont pas apporté les espérances attendues et changer de méthode ? C’est ce que nous essayons de faire à travers ce projet. Nous voulons donner l’exemple », a souligné Samuel Pierre.

La Cité du savoir, qui sera au cœur de PIGraN, sera constituée de plus d’une quiCLIQUEZ ICI POUR EN SAVOIR PLUS

Source/AlterPresse
Photo/Archives
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