PORT-AU-PRINCE – La semaine qui débute en Haïti s’annonce chargée sur le plan social. Alors qu’une grève des transports était annoncée ce lundi, les juges et magistrats vont rester en grève au moins jusqu’à vendredi, et l’opposition a annoncé la reprise mercredi des manifestations contre le budget. Face à ce contexte, le président Jovenel Moïse fait le pari d’une plus grande communication présidentielle, mais sur un ton plutôt dur, loin d’une éventuelle conciliation.
De notre correspondante en Haïti,
Vendredi soir, Jovenel Moïse s’est exprimé à la nation, mais le décor n’a pas été celui de ses précédentes allocutions. Cette fois-ci, plus de pupitre, le président a choisi d’être assis sur un des beaux fauteuils du palais national, drapeau et plantes à l’arrière-plan, bouteille d’eau et verre à ses côtés sur la table basse.
Un décorum différent tout comme le format de cette allocution : d’ordinaire, les adresses présidentielles à la nation duraient quelques minutes, une dizaine tout au plus. Mais cette fois le président a parlé pendant près de 50 minutes. Et un tel monologue est voué à se répéter, car c’est finalement une émission de télévision que Jovenel Moïse a lancé vendredi. Sa propre émission. Avec pour titre Pawol Chanjman, ce programme sera donc diffusé deux fois par mois.
« Démonter les mensonges »
A écouter le président, l’objectif de l’émission est de communiquer directement avec ses concitoyens en proie à la désinformation. « A vous le peuple, il faut arrêter d’écouter les mensonges de certains. Cela fait longtemps que vous subissez les mensonges. On vous ment tant. Je peux vous dire que j’avais décidé de participer aux élections parce que j’avais vu la quantité de mensonges que l’on vous servait. Des mensonges sur la quantité de kilomètres de routes construites, des mensonges sur l’électrification du pays. Des mensonges, beaucoup de mensonges. Aujourd’hui, j’ai décidé de vous exposer ses mensonges, pour qu’ensemble on puisse défendre la cause du peuple, notre cause parce que c’est pour vous que j’ai décidé de travailler. »
Démonter publiquement les mensonges. C’est donc le leitmotiv du président qui veut aussi défendre son action. En tête des projets de Jovenel Moïse, il y a évidemment le budget. Dans sa présentation télévisée, le chef de l’Etat est revenu sur des fausses informations qui effectivement circulaient au sujet de nouvelles taxes supposées. Mais au final, pour le président, justifier de la pertinence du budget pourtant si décrié par les économistes, c’est très simple. Le budget est bon tout simplement parce que c’est lui via son gouvernement qui l’a conçu.
Tendance à une hyperprésidence
« Vous entendez certains parler du budget. Beaucoup de discussions sont réalisées sur ce budget. Mais laissez-moi vous dire : qui a réalisé ce budget ? Vous êtes d’accord qu’il s’agit de mon gouvernement que j’ai mis sur pied. Et à qui avez-vous donné le pouvoir ? Vous êtes d’accord que c’est à moi que vous l’avez donné. Est-ce que vous pouvez penser qu’alors que vous venez de me donner le pouvoir, je pourrais travailler contre vous ? Ca n’arrivera jamais. Ca ne pourra jamais arriver. Jamais je ne pourrais travailler contre vous, contre le peuple, je ne le ferais pas. »
Le ton paternaliste se veut rassurant pour le peuple mais ce discours traduit la difficulté qu’a Jovenel Moïse à accepter l’idée de contradiction, l’idée qu’il y ait des opposants à sa politique. Une politique qu’il veut incarner personnellement. Là encore, cette initiative d’émission télévisée montre la tendance à une hyperprésidence alors que les ministres sont encore aux abonnés absents. Eux, on ne les entend que très peu.
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Source/RFI
Photo/Archives
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