PORT-AU-PRINCE – « La continuation de la crise politique actuelle serait dévastatrice pour le pays avec des conséquences à moyen terme plus sévères en raison des pertes de capital physique et humain », a mis en garde le FMI dans un communiqué, lundi 25 novembre 2019, au terme d’une mission dirigée par Nicole Laframbroise, dans le cadre de consultation au titre de l’article 4 du Fonds.

« Haïti est confrontée à une crise politique, économique et sociale sans précédent. Les blocages répétés du pays en novembre 2018, février, juin et septembre 2019 ont affecté sévèrement l’activité économique. La croissance pour l’année fiscale 2019 devrait être autour de -1,2 %, tandis que l’inflation est estimée à plus de 20% à fin septembre, alimentant la pauvreté et l’insécurité et privant l’État des moyens d’investir et de soutenir l’activité », a soutenu ce communiqué du FMI.

Pour le FMI, « une sortie de crise dans le court terme pourrait conduire à un rebond de l’activité économique ». « La nomination d’un gouvernement déterminé à entreprendre des réformes et la reprise de l’appui de la communauté internationale permettraient de desserrer la contrainte budgétaire. Il s’en suivrait une augmentation des dépenses publiques, notamment d’investissement, en même temps qu’une réduction du financement de la banque centrale facilitant ainsi une baisse de l’inflation et une hausse de la croissance à court, moyen et long terme », selon le communiqué du FMI qui indique que le Fonds n’exécute aucun programme avec Haïti en ce moment.

« Depuis mars 2019, l’absence d’un gouvernement ratifié par le Parlement a entravé l’approbation par le FMI de l’accord conclu au niveau technique pour un programme au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC). Cela a aussi entraîné la suspension des supports budgétaires extérieurs », a rappelé le FMI, estimant qu’il est irréaliste, dans cette conjoncture, de réaliser de grandes réformes.

« Nos projections à moyen terme ne prévoient pas de grandes réformes, qu’il est irréaliste d’envisager à ce stade, et tablent sur une stabilisation de la situation politique et du PIB au cours de l’année 2020 avec une très faible reprise de la croissance autour de 0,9 % en 2021. Dans ce contexte, il serait difficile d’envisager un taux d’inflation très en-deçà de 20 % par an pour les deux prochaines années. De même, la croissance potentielle est estimée à 1,5 % par an à plus long terme », a indiqué le FMI.

Cependant, le FMI a listé des actions immédiates à entreprendre. « La priorité immédiate doit être la stabilisation de la situation économique. À défaut d’un budget soumis à l’examen du Parlement, il est important que le gouvernement prépare et publie, comme annoncé, un cadre budgétaire pour 2020 dans les plus brefs délais. Ce cadre devrait inclure des mesures pour contenir les dépenses non prioritaires et améliorer la collecte des recettes fiscales, particulièrement par le renforcement de l’administration fiscale et la réduction des exemptions d’impôt », a indiqué le FMI. Le Fonds a félicité les autorités « pour la signature et le respect du Pacte de Gouvernance Économique et Financière entre la Banque de la République d’Haïti et le ministère de l’Economie et des Finances, qui a contribué à stabiliser l’inflation et le taux de change jusqu’à la fin de septembre 2019 ». « La reconduction de ce pacte est nécessaire pour limiter de nouveau le financement monétaire du déficit budgétaire, source d’inflation », a appelé le Fonds monétaire international.

« Nous félicitons les autorités des efforts mis en œuvre pour finaliser la rédaction d’une Politique nationale de Protection et de Promotion sociale (PNPPS) et encourageons le Conseil des ministres à adopter formellement cette politique et à lancer un nouveau programme pilote de transferts monétaires aux personnes vulnérables. La PNPPS doit permettre de réduire la fragmentation et la superposition des programmes existants, source d’inefficacité. Les services du FMI recommandent que cette politique conduise à la mise en place, sous l’égide du ministère des Affaires sociales et du Travail (MAST), d’un nombre limité de programmes de transferts monétaires à destination de groupes vulnérables de la population », selon ce communiqué.

Sur le front de la lutte contre la corruption

« La lutte contre la corruption est une autre priorité de court terme. L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) doit voir ses moyens juridiques et financiers renforcés pour assurer pleinement sa mission. Le Comité de pilotage prévu dans la Stratégie nationale de lutte contre la corruption de 2009 doit être mis en place avec l’intégration des représentants indépendants de la société civile et doit participer à la préparation de la nouvelle stratégie anti-corruption. Les obligations de déclaration du patrimoine « des personnalités politiques, fonctionnaires et agents publics » doivent être appliquées conformément aux lois régissant la matière (Loi du 12 février 2008). Les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent peuvent renforcer les efforts de lutte contre la corruption, notamment la vérification de la provenance de fonds par les banques dans le cadre de leurs obligations de connaissance du client, en particulier les personnes politiquement exposées », selon le FMI, qui souhaite que « le retour à la stabilité politique permette un consensus sur un ensemble de réformes plus approfondies en matière de gestion des finances publiques, d’amélioration de la gouvernance économique, d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’énergie ainsi que de la protection et de la promotion sociale ».

« Haïti dispose du potentiel pour une croissance plus forte et plus inclusive. Le FMI continue à fournir des conseils stratégiques et une assistance technique et se tient prêt à aider à la réalisation de ce potentiel avec un soutien plus intensif, une fois les conditions politiques réunies », a précisé le communiqué du FMI.

« Nous remercions vivement les autorités haïtiennes ainsi que les fonctionnaires et employés du secteur public et les représentants du secteur privé et de la société civile avec qui nous avons discuté pour leurs efforts en vue de la tenue de cette consultation, malgré une situation très difficile en Haïti », a indiqué Nicole Laframbroise.

Source/Le Nouvelliste
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