PORT-AU-PRINCE – Les 500 tonnes métriques de pistache, qui seront offertes à Haïti, avant la fin de l’année 2016, constituent un moyen de trouver une solution à un problème interne de l’économie américaine, notamment de venir en aide aux fermiers américains, dénonce la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda).

Il s’agit d’un plan, annoncé par le Ministère de l’agriculture des États-Unis d’Amérique, de déverser 500 tonnes métriques de pistache, sous prétexte de soulager la faim et la malnutrition des enfants en Haïti, souligne la Papda, lors d’une conférence de presse donnée le 13 avril 2016, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Le don de pistache devrait être distribué à 140,000 enfants haïtiens scolarisés.

« Cette générosité entre guillemets est liée au fait qu’il y a une situation de surproduction de pistache aux États-Unis d’Amérique, qui en produisent annuellement plus de 4 millions de tonnes métriques. Les infrastructures de stockage sont débordées, les producteurs de pistache sont endettés. Quand ils confient leur production à l’Etat américain, ceci est considéré comme des versements sur l’ensemble de leurs redevances », explique le directeur exécutif de la Papda, Camille Chalmers.

« Le gouvernement américain profite, avec cynisme, de la vulnérabilité de la société haïtienne, frappée par 3 années consécutives de sécheresse, pour résoudre des problèmes internes de leur économie. En plus, il a l’outrecuidance de baptiser cela aide humanitaire », fustige une note de la Papda.

« Par quel raisonnement les experts de l’« U.S. Department of agriculture » (Usda), sont parvenus à la conclusion que cette aide humanitaire contribuerait à réduire la faim et la malnutrition en Haïti » ?, s’interroge-t-elle.
L’insécurité alimentaire est un problème structurel, qui est le résultat des politiques imposées à Haïti, depuis plusieurs décennies, et qui ont détruit une grande partie des capacités productives, en créant une grave situation de dépendance.

Seul un changement drastique d’orientation au niveau des politiques économiques et des programmes sectoriels d’investissement vers le secteur agricole pourrait renverser les tendances actuelles, estime la Papda.
Rappelant l’importance de la filière de production des arachides pour l’économie nationale, elle souligne combien l’arrivée de cette « aide alimentaire » sur le marché haïtien risque de provoquer une brutale chute des prix de vente au consommateur final.

Cette situation est susceptible d’entraîner la faillite de plusieurs milliers de productrices et producteurs de manba (le nom local du beurre d’arachide) et de pistache grillée.

« Il s’agit d’une attaque sur cette filière de production, déguisée en aide alimentaire. Cette « offre » et cette « générosité » nous remettent en mémoire les douloureux épisodes de l’abattage des cochons créoles, au début des années 1980, et l’invasion du diri Miyami à partir des années 1986/1987 », rappelle la Papda.
Des programmes d’aide alimentaire seraient souvent mis en œuvre en Haïti pour venir en aide aux fermiers des États-Unis d’Amérique.

Malgré les affirmations contraires, un programme d’« essai » de bons alimentaires, dans le département de la Grande Anse (une partie du Sud-Ouest d’Haïti), avait incité près de 18,000 familles à consommer des denrées importées, au détriment de la production locale, avait révélé une enquête d’Ayiti Kale Je, en octobre 2013.

Il est temps que les autorités haïtiennes apprennent à refuser certaines catégories d’aide, qui ont clairement un caractère destructeur de l’économie haïtienne, poursuit la Papda.

La Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif appelle les Ministères de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (Marndr), de la planification et de la coopération externe (Mpce) et le gouvernement – dirigé par le premier ministre Enex Jean-Charles – à se prononcer clairement sur la question, en demandant au Gouvernement américain de renoncer à cette donation.

Les autorités devraient plutôt demander aux États-Unis d’Amérique « de mobiliser les sommes, destinées à cette opération, à l’achat d’aliments, produits en Haïti par les régions affichant des excédents, afin d’approvisionner nos cantines scolaires », exige la Papda.

Elle plaide aussi pour une rupture avec les politiques néolibérales, qui ont tellement appauvri Haïti, mais plutôt des programmes de coopération structurants.

La Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif encourage à construire une politique, basée sur la défense de la dignité nationale, la souveraineté économique, et à entamer une révision des accords de coopération, avec, comme boussole, les intérêts stratégiques de long terme en Haïti.

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Source/Alter Presse
Photo/Archives
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