PORT-AU-PRINCE – 1 heure 43. Chemise à carreaux, pantalon noir, cache-nez au visage, un jeune, dans la trentaine, est assis devant la salle de triage de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH). Il est consumé par une peur bleue, visible à tout venant. Le médecin qui l’a examiné lui a confirmé qu’il présente tous les signes et symptômes du nouveau coronavirus : douleur pharyngite, douleur respiratoire, toux, fièvre. Pas de salle de quarantaine disponible, le patient attend l’arrivée d’une équipe du Laboratoire national pour être dépisté. Le médecin qui l’a examiné, sachant que si son diagnostic clinique se révèle confirmé, admet que ce patient peut contaminer les malades en quête de soins. « J’ai demandé de placer le patient en quarantaine, on est jamais venu ouvrir la salle aménagée à cet effet », a-t-il expliqué au journal. Toutefois ce dernier n’était pas bien informé de la situation.

La salle de quarantaine n’est pas encore fonctionnelle, affirme le Dr Reynal Bastien, médecin résident en service social. Cette salle de quarantaine n’est autre que l’ancien bureau des archives, situé près de la salle des urgences de la médecine interne. Elle ne peut pas accueillir trois personnes à une distance d’un mètre 50. Un patient risque de contaminer un autre si trois personnes sont mises en quarantaine dans cette salle. « On n’a pas fait grand-chose jusqu’ici. C’est pourquoi les médecins ont déserté l’hôpital », a tranché le médecin qui figurait parmi les agents du personnel de santé remarqués ce mardi 23 mars au plus grand centre hospitalier du pays.

Un peu partout à l’hôpital des seaux d’eau et du savon sont placés. Il y a de l’eau en permanence mais pas plus que cela. « Vous ne trouverez pas de solution hydroalcolique dans tous les services ni de gants », a ajouté le Dr Bastien, soutenant que rien n’est fait pour le personnel de santé. Les médecins résidents demeurent à leur résidence mais ne se présentent pas à l’hôpital. Ils ne veulent pas exposer leur vie. Le ministère de la Santé publique et de la Population avait annoncé disposer, pour les prestataires de soins, un modèle d’équipement de protection individuelle (EPI) pour se protéger du nouveau coronavirus. « J’ai plus de 24 heures avec ce masque au visage. La semaine dernière, on m’a donné trois masques : le modèle N95, mais je ne peux pas me prononcer sur sa qualité », a expliqué le Dr Frandy Murenat, soulignant qu’il n’y a pas un téléphone renfloué à l’hôpital pour contacter le service d’épidémiologie si on enregistre un cas suspect.

En l’article 2 de l’arrêté présidentiel relatif à l’état d’urgence décrété, le gouvernement a annoncé qu’il « prendrait les dispositions appropriées pour fournir aux hôpitaux des masques, des gants, des médicaments, des solutés et toutes autres fournitures médicales nécessaires ». Le professionnel de santé à l’HUEH dit attendre encore ces équipements. Pour le moment, ils fuient l’hôpital. Le journal a constaté que les activités étaient à l’arrêt. Les services étaient quasiment paralysés. Le journal a aussi constaté qu’il y n’y a aucune disposition prise pour respecter la distanciation sociale. Les malades sont entassés les uns sur les autres. « Avant l’introduction de la maladie dans le pays, les services marchaient au ralenti. Après la confirmation du virus dans le pays, rien ne marche ici », a fait savoir le Dr Bastien.

En moins d’une semaine, le ministère de la Santé publique a recensé sept cas avérés du nouveau coronavirus. Quatre cas ont été confirmés dans le département de l’Ouest, deux dans le département du Sud-Est et un dans l’Artibonite.

Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
www.anmwe.com