JÉRÉMIE – Bientôt deux mois depuis que la ville de Jérémie est privée d’électricité. Les abonnés, gâtés par les 18 heures de Jovenel Moïse, ont des difficultés à se (ré)adapter à la décevante réalité. Pour certains, cette privation d’énergie électrique est le résultat même de la politique d’énergie menée par le défunt président. Entre-temps, la grogne des étudiants, parents, élèves, responsables d’entreprise et commerçants s’intensifie.
Sans électricité, la vie quotidienne des Jérémiens est fade. La majorité de la population, n’ayant pas les moyens de se doter d’un système d’énergie renouvelable, est bien obligée de subir le caprice permanent de certains propriétaires de lieux où l’on fournit des services grâce à des générateurs. Ils les obligent à payer des sommes exorbitantes en échange de services de recharge de téléphone, vente de boissons gazeuses, etc.
« Nous n’avons pas encore un système d’énergie solaire. A cause de cette privation d’électricité, pour faire fonctionner le studio, nous consommons chaque jour 5 gallons de diesel. Parfois c’est difficile pour nous de le trouver dans les stations d’essence », se plaint Pierre Fransein Lundy, Co-PDG d’un salon de beauté situé à Jérémie.
Quelques parents, élèves et professeurs questionnés par le journal se disent fatigués de cette situation. C’est le cas de Marie Josiane, mère d’un garçon en première année fondamentale. « J’ai le sentiment que le retour à la normale n’est pas pour demain. La semaine dernière, je me suis rendue au marché public afin d’acheter un fer à charbon pour repasser les vêtements de mon fils. De toute façon, il ne peut pas se rendre dans la salle de classe avec des vêtements froissés », a indiqué Josiane, qui n’a pas les moyens d’offrir le service d’une presse à chaud chaque semaine.
Ce black-out est aussi un frein à la vie nocturne et économique de la ville de Jérémie. Les propriétaires des night-clubs et les marchands de plats chauds, qui ont l’habitude de s’installer sur les trottoirs, s’impatientent déjà d’un retour à la normale. « Malgré que je me suis procuré un générateur, les recettes ne sont plus comme avant. A la tombée de la nuit, sans électricité, les gens s’enferment chez eux », regrette le propriétaire d’un club au centre-ville.
Pour Jocelyne Laguerre, une marchande de poulet frit, l’absence du courant de ville est la pire chose qui lui soit arrivée. « On a l’impression qu’ une fois que la ville est plongée dans le noir, dès 8h, les gens vident les rues. Rares sont les clients qui viennent pour commander », confie cette dame, qui déplore l’inaction des autorités face à cette situation.
Pour d’autres, la raison de cette longue coupure d’électricité est douteuse. Les partisans et adversaires du président assassiné, Jovenel Moïse, s’affrontent encore sur les réseaux sociaux. « En plein XXIe siècle on ne peut planifier un programme d’électrification sans prendre en compte les énergies renouvelables. Il est impossible de fournir de l’électricité 24h sur 24 avec des moteurs de diesel. C’était une grave erreur de l’administration de Jovenel Moïse. Malheureusement nous en sommes à la case départ aujourd’hui », argumente Gaby Paul, une militante de droits humains et farouche opposant au régime PHTK.
Quant à Eliassaint Moise, il a encore la nostalgie de 18 heures d’électricité par jour. « Je me rappelle encore comment les critiques pleuvaient lorsque le président Jovenel Moïse avait pris des dispositions pour fournir la ville 18h d’électricité », rappelle ce citoyen. « Aujourd’hui la ville est dans le noir et abandonnée par les politiciens de Port-au-Prince. Les anciens détracteurs ont décidé de faire la sourde oreille sur le black-out et les dérives de l’administration d’Ariel Henry. Tout simplement parce qu’ils partagent le gâteau avec l’actuel Premier ministre », regrettel’ancien supporter de l’ancien président Moïse.
Dans un article paru le 9 février 2022, dans les colonnes du journal, l’actuel DG de l’EDH, Jean Errol Morose, avait expliqué comment l’institution qu’il dirige a fait le choix stratégique de fournir moins d’électricité. Le Nouvelliste a tenté en vain ce jeudi d’entrer en contact avec l’administrateur de la centrale thermique de la ville de Jérémie, M. Emile Saint Gourdin.
A noter que la centrale électrique de Jérémie possède trois moteurs flambants neufs, équivalant à 1.3 mégawatt chacun, achetés sous l’administration Martelly. Il a fallu attendre sept ans, sous l’ordre du président Jovenel Moïse, pour faire une synchronisation partielle de ces engins afin d’alimenter Jérémie en énergie électrique. Un processus qui n’a pas pu aboutir à 100%.
Entre-temps, l’EDH de Jérémie compte plus de 8 000 abonnés sur le réseau. 8 000 foyers, sans considérer les futurs clients, sont privés d’électricité depuis bientôt deux mois.
Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
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