JACMEL – Il n’y a pas de mot pour qualifier le carnaval de Jacmel cette année. Autant d’originalité, d’invention, bref d’expression du génie artistique d’un peuple.

Pendant au moins quatre heures d’un défilé de masques, sans discontinuer, nous sommes invités à feuilleter les pages de la préhistoire, l’histoire et de l’actualité.

Un catalogue vivant de tous les monstres possibles et imaginables, tout à la fois Jurassic Park et l’attaque des ogres dans le Seigneur des anneaux, mais rien à voir avec ni l’un ni l’autre parce que sortis tout droit de l’imaginaire des artistes et artisans de la ville culturellement la plus vibrante de toute l’île, Jacmel.

Beaucoup de ces créatures, dans la belle collection qu’il nous est aussi donné à visiter au site d’exposition du port de Jacmel, au dos du Centre de convention, et à l’actif du directeur général du Bureau d’Ethnologie, le grand artiste-ethnologue Erol Josué, ont déjà fait leur chemin dans les deux pays voisins, la République dominicaine et Cuba, les deux partageant avec nous le même héritage pré-colombien.

Mais cette année les créateurs du carnaval jacmélien se sont de toute évidence surpassés et nos monstres crachant le feu en vrai, qui ont défilé dimanche, sont de nature à faire peur même aux plus hardis des héros des films d’aventure. Grands et petits.

Mais l’histoire est tout aussi bien desservie. Comme d’habitude les personnages du Jacmel de jadis l’emportent sur les héros nationaux, ceux-ci immortalisés dans le bronze, sauf le Marron Inconnu qui utilise sa conque de lambi pour siroter son rhum préféré, tandis que les ‘Chaloska’, les ‘Juif errants’, ‘Mami Wata’ (La Sirène), les ‘Paille-Banane’, les ‘Zonbis’ etc continuent à égayer le public.

Occasion de noter aussi que c’est une histoire pas si innocente. Ce Juif errant et d’autres formes aussi ironiques de celui-ci (le YAWEH), ou en un mot cet anti-sémitisme sans le savoir, ne serait-ce pas une survivance d’autres nationalités qui se sont établies jadis dans ce qui fut l’un des plus grands ports des Antilles ouverts sur l’Europe du Nord (Allemagne, France etc), grâce à son abondante production de café, de cacao et d’huiles essentielles.

A tel point que pendant la Deuxième guerre mondiale (1941-1945), les Etats-Unis ont crû bon de faire enfermer presque toute la colonie allemande d’Haïti, après avoir ordonné bien sûr à Haïti de déclarer la guerre aux puissances de l’Axe. Non, ne riez pas. Mais ce sont tous ces croisements historiques qui font aussi la richesse du carnaval jacmélien. Certainement l’un des plus originaux au monde.

La préhistoire, l’histoire mais aussi l’actualité. Non vous vous trompez, aucune trace de la politique haïtienne, voire celle d’aujourd’hui. Le président Jovenel Moïse l’a bien compris qui n’a pas fait de discours mais s’est contenté en peu de mots, de dire que sa prochaine administration fera de son mieux pour aider la ville à refaire sa fortune qui est essentiellement d’origine agricole.

Non, le fait du jour c’est l’apparition du phénomène du recyclage dans le carnaval de Jacmel.

Toute la ville s’est mise au travail. Les enfants qui font les poubelles pour ramasser les contenants en plastic des surettes et bonbons, leurs mères et leurs sœurs qui lavent le tout pour être acheminé aux artisans.
Et les plus beaux masques cette année sont faits de matériaux recyclés.
Evidemment le bruit a déjà fuité à l’extérieur et depuis de nombreuses années on n’avait jamais autant vu d’étrangers à cette manifestation unique de la culture caribéenne.

Il s’agit de réaliser que notre pays possède une richesse culturelle et artistique inégalée, parce que vivante et non des natures mortes (au sens propre), et d’en faire l’une des principales sources de la richesse nationale.

Le carnaval de Jacmel a coûté un peu plus de 20 millions de gourdes. Par contre il pourrait rapporter mille fois plus.

Alors qu’est-ce qu’on attend ?

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Source/Haïti en Marche
Photo/Carnaval de Jacmel
www.anmwe.com

Carnaval-Jacmel