PORT-AU-PRINCE – Il y a un « vrai danger d’une épidémie à grande échelle » en Haïti où existe « un risque réel » d’aggravation de l’insécurité alimentaire susceptible de déboucher sur une famine, une crise humanitaire, s’est alarmée la directrice de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), le Dr Carissa Etienne, qui a consacré une bonne partie de sa conférence de presse hebdomadaire sur le Covid-19 à la situation d’Haïti, mardi 5 mai 2020.

«Nous sommes particulièrement inquiets au sujet d’Haïti et je souhaite tirer la sonnette d’alarme face à une crise humanitaire imminente », a-t-elle indiqué, particulière préoccupée, au plan sanitaire, par l’approche sur le pays « d’un parfait cyclone ». Le pays compte 100 personnes infectées et 11 morts. « Un tiers des cas sont des transmissions communautaires et la probabilité d’une plus grande expansion est extrêmement élevée », a indiqué le Dr Carissa Etienne, qui observe le flux d’Haïtiens revenant de la République dominicaine où le nombre de personnes infectées au Covid-19 pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliers en deux semaines.

La situation est décrite comme un parfait cyclone qui s’approche. Il y a déjà 17 000 Haïtiens revenus de la République dominicaine où il y a une transmission communautaire qui pourrait atteindre 55 000 cas en deux semaines, a-t-elle indiqué, soulignant les faiblesses du système sanitaire d’Haïti. La majorité des Haïtiens n’a pas accès à l’eau potable et aux commodités d’assainissement et beaucoup vivent dans des maisons surpeuplées où la quarantaine et l’isolement sont des défis, a noté la patronne de l’Organisation panaméricaine de la santé.

Des Haïtiens croient que la pandémie est une astuce politique et ne comprennent pas sa gravité. En fait, des Haïtiens ont empêché la construction d’infrastructures sanitaires ou menacent de les incendier. Ils ont aussi attaqué des travailleurs de la santé. Cette menace sur les hôpitaux et le personnel soignant est source de « grande préoccupation », a dit le Dr Carissa Etienne, qui a souligné les capacités limitées du système sanitaire haïtien, le manque de professionnels de santé et d’équipements de protection pour ceux qui sont au front.

La directrice de l’OPS, en précisant que les Nations unies n’ont aucune implication dans la commande de 18 millions de dollars de matériel et d’équipements sanitaires, a observé des retards de livraison. « Chaque semaine, on vous donne une nouvelle date », a dit le Dr Carissa Etienne. L’OPS, une entité du système des Nations unies, a remis 9 000 kits de tests au gouvernement, « les seuls kits dont dispose Haïti », a indiqué le Dr Etienne, citée dans un article de Jacqueline Charles du Miami Herald.

Le Premier ministre Joseph Jouthe, sans prendre de gants, à la matinale de Magik9 (100.9 FM), mardi 5 mai, a indiqué qu’il faut demander aux Nations unies de quel montant elles disposent « aujourd’hui pour acheter deux ou trois tests pour Haïti ». « Justement, les Nations unies ne disposent pas d’un centime », a tranché le chef du gouvernement, un peu agacé. Celui qui doit avoir n’a pas à demander, a-t-il fait remarquer. « Il n’est pas trop tard. Si les Nations unies disposent de fonds, qu’elles le mettent à la disposition du gouvernement du pays », a appelé le Premier ministre Joseph Jouthe.

Par ailleurs, la directrice de l’OPS, le Dr Carissa Etienne, s’inquiète que des troubles sociaux, la situation politique difficile et les problèmes de sécurité ne compliquent davantage la situation en Haïti.

Source/Le Nouvelliste
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