PORT-AU-PRINCE – Le premier ministre haïtien Jack Guy Lafontant a abruptement annoncé sa démission samedi, une semaine après des violences meurtrières déclenchées par une tentative du gouvernement d’augmenter les prix des carburants.

« Avant de venir ici, j’ai remis ma démission au président de la République. […] Le président de la République a accepté ma démission et, comme je vous dis, je suis au service de la République », a déclaré Jack Guy Lafontant devant les députés.

Accompagné de l’ensemble de ses ministres, le chef du gouvernement était à la Chambre des députés car les parlementaires exigeant son départ du pouvoir l’avaient convoqué.

Vendredi il assurait sur Twitter qu’il ne démissionnerait pas mais Jack Guy Lafontant a finalement annoncé son départ du pouvoir au cours de la séance, échappant ainsi à un vote sanction des députés.

Plusieurs centaines de manifestants ont par ailleurs défilé samedi dans les rues de la capitale Port-au-Prince pour exiger le départ du premier ministre mais aussi du président Jovenel Moïse.

« Ça n’est pas seulement une question de changer le premier ministre car, de jour en jour, le peuple souffre toujours plus de la misère, du chômage, de l’insécurité, de la faim » a témoigné Fleurette Pierre. « Jovenel doit aussi partir mais pas en exil non : il va aller directement en prison pour l’argent gaspillé », a ajouté la manifestante vivant dans un des quartiers les plus pauvres de la capitale.

La démission du premier ministre met un terme à une semaine de tension politique et sociale, après la vague de violences qu’a connue le pays les 6, 7 et 8 juillet.

Vendredi dernier, le gouvernement avait annoncé la hausse des prix de l’essence de 38 %, du gazole de 47 % et du kérosène de 51 %, à compter du samedi 7 juillet à minuit.

Les principales villes et routes d’Haïti ont alors été hérissées de barricades, qui ont paralysé toute activité. La violence a été la plus vive dans Port-au-Prince, proie d’incendies volontaires et de pillages durant le week-end. Au moins quatre personnes ont été tuées.

Le gouvernement est revenu sur sa décision moins de 24 heures après son annonce mais, choqués par l’absence de réponse politique aux violences, plusieurs secteurs de la société haïtienne ont, dès lundi, exigé la démission de Jack Guy Lafontant.

Médecin de profession, Jack Guy Lafontant, inconnu de la classe politique haïtienne jusqu’à sa nomination en février, est un ami de Jovenel Moïse, au pouvoir depuis le 7 février 2017.

Le chef de l’Etat doit désormais choisir un nouveau premier ministre, un exercice politique toujours complexe en Haïti : avant qu’un gouvernement ne commence à travailler, sa politique générale doit être validée par les deux chambres du parlement.

« Je demande au président Jovenel Moïse de choisir un premier ministre de consensus en tenant compte des aspirations de l’ensemble des secteurs de la vie nationale » a indiqué sur Twitter le président de la Chambre des députés Gary Bodeau, quelques minutes seulement après l’annonce de M. Lafontant.

Que cette démission ne soit donnée qu’une semaine après l’explosion de colère populaire inquiète certains contestataires qui craignent de voir la classe politique oublier les revendications sociales, lors de leurs tractations pour la mise sur pied du futur gouvernement.

« Il nous faut une équipe qui rassemble avec des ministres compétents, capable d’adresser les problèmes que l’on subit : il ne faut pas qu’ils prennent un poste seulement parce qu’ils sont l’ami de tel député ou tel sénateur » s’inquiétait Panel Toussaint en marge de la manifestation de ce samedi.

« Si ça n’est pas ce qui se passe, alors la violence va reprendre : comment pourrait-on avoir une stabilité politique alors que le peuple a faim et subit l’insécurité ? On doit changer tout le système pour avoir une équipe fiable qui puisse mener le pays à bon port », estimait le jeune homme de 26 ans, fatigué de ne vivre que de petits boulots journaliers.

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Source/Le Devoir
Photo/Archives
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