PORT-AU-PRINCE – Dans un numéro spécial du journal officiel de la République, Le Moniteur en date du 26 novembre 2020, le président de la République crée par décret l’« Agence nationale d’intelligence » (Avec pour mission la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de renseignements et de contre-renseignements, les membres de cette nouvelle structure qui seront appelés « agents » disposent de pouvoirs immenses et illimités. Selon le décret, ils n’ont de compte à rendre qu’au chef de l’Etat et sont intouchables dans l’exercice de leurs fonctions…
Les décrets du président Jovenel Moïse se suivent mais ne se ressemblent absolument pas. Cependant, ils lui donnent tous plus de pouvoirs et de marges de manœuvre. Dans un numéro spécial de Le Moniteur en date du 26 novembre 2020, le locataire du Palais national a publié deux décrets qui renforcent ses pouvoirs en tant que chef de l’Etat. Le décret portant création organisation et fonctionnement de l’Agence nationale d’intelligence confère en son article 5 à cette agence la mission de la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de renseignements et de contre-renseignements.
L’Agence nationale d’intelligence a pour attributions, entre autres, de « collecter et traiter les informations intéressant la sécurité nationale et la protection des intérêts fondamentaux de la nation ; collecter, traiter et gérer l’information et les renseignements visant le renforcement de la sécurité intérieure et extérieure, la sauvegarde de l’intégrité du territoire de la République ; assurer la prévention et concourir à la répression de toute forme d’ingérence extérieure de nature à mettre en péril l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et l’ordre républicain; concourir à la prévention et à la répression des actes de terrorisme et dérives sectaires ou portant atteinte à la sûreté de l’État, à l’intégrité du territoire ou à la permanence des institutions de la République… »
Toujours selon l’article 5 du décret, l’Agence a pour mission de : « participer à la surveillance des individus et des groupes susceptibles de recourir à la violence et de porter atteinte à la sécurité nationale et la paix sociale ; concourir à la prévention et à la répression des actes portant atteinte au secret de la défense nationale ou à ceux portant atteinte au potentiel économique, financier, industriel ou scientifique du pays ; concourir à la prévention et à la répression des activités liées à l’acquisition, à la fabrication ou à la commercialisation d’armes en dehors du cadre légal ; concourir à la prévention et à la répression de la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication ; contrecarrer et réprimer les actes et les menaces de déstabilisation globale ; travailler de concert avec le Conseil national de sécurité et de défense (CNSD), en vue de coordonner l’action des services spécialisés de renseignements et de s’assurer de leur bonne coopération ; recevoir et exécuter le mandat d’enquêter pour la justice, appréhender les personnes recherchées par l’autorité judiciaire et les déférer devant les instances compétentes… »
Selon l’article 6 du décret, l’Agence comprend une direction générale ; une inspection générale des services de renseignements ; une direction centrale de l’administration des services de renseignements ; des directions techniques de renseignements ; des directions départementales de renseignements ; un centre de traitement et d’analyse des données et une académie de renseignements.
Les membres de l’Agence nationale d’intelligence sont intouchables…
Selon l’article 31 du décret, l’Agence recrute, après une sélection rigoureuse et selon les procédures établies dans son règlement interne, ses agents au sein de la Police nationale d’Haïti et des Forces armées d’Haïti. « L’Agence recrute également au sein de la société des scientifiques, des spécialistes et des techniciens dans les domaines lui permettant de s’acquitter de sa mission, d’exercer ses attributions et en fonction des besoins de ses services », précise-t-il.
« Les agents n’ont pas le statut de fonctionnaire. Ils ont un statut spécifique d’agents concourant à la permanence des activités de l’État et sont liés à l’État par un contrat de droit public établi conformément au règlement interne de l’Agence », stipule l’article 33 du décret.
Selon l’article 43, le respect de l’anonymat des agents est strict, à l’exception du directeur général du renseignement et de l’inspecteur général du renseignement. « Les agents bénéficient d’une habilitation nationale à utiliser une identité d’emprunt ou une fausse qualité, dans le cadre de leurs fonctions, sans être pénalement responsables. Les règlements internes de l’Agence déterminent les modalités et les conditions de mise en application de cette disposition », prescrit l’article 44 du décret.
« Les Agents peuvent procéder à une perquisition conformément aux lois et règlements. Dans ce cadre, tous papiers, documents, objets ou substances pouvant servir de pièces à conviction, ainsi que tous objets, valeurs ou marchandises liées aux actes de terrorisme ou portant atteinte à la défense ou la sécurité nationale et infractions assimilées peuvent être saisis et scellés. Ils peuvent, pour constater les infractions, rassembler des preuves, investiguer, faire des recherches dans tout service public ou privé, inspecter les comptes en banque ou autres institutions financières de tout suspect ou leurs alliés ou prête-noms. Pour les besoins de leur travail, ils sont autorisés à utiliser toutes les techniques modernes et tout procédé qu’ils estiment utile à la constatation d’une infraction », détaille l’article 48 du document.
L’article 49 spécifie qu’« aucune action en justice ne peut être intentée contre un agent pour les actes posés dans le cadre de l’exercice de ses fonctions sans les sanctions administratives préalables de l’inspection générale de renseignement et sans l’autorisation expresse du président de la République».
Cependant l’article 55 souligne que « le respect de la vie privée, dans toutes ses composantes, notamment le secret des correspondances, la protection des données à caractère personnel et l’inviolabilité du domicile, est garanti par la loi. L’Agence ne peut y porter atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans les limites fixées par celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité ».
« L’Agence a accès aux bases de données de la police nationale et des Forces armées, de l’Administration générale des douanes et de toute autre institution de l’État dépositaire d’informations intéressant la défense ou la sécurité nationale. Les activités et les locaux de l’Agence sont couverts par le secret de la défense nationale. Le respect des règles de confidentialité concernant les activités de l’Agence est total », stipulent les articles 62 et 53 du décret.
Selon les articles 67 et 68, l’Agence est d’ordre public. Tout recours ordinaire ou extraordinaire aux tribunaux visant à empêcher le fonctionnement ou l’exécution de ses activités est irrecevable. Elle présente au président de la République des rapports réguliers sur l’ensemble de ses activités.
L’article 73 conclut en rappelant que « le présent décret abroge toutes les lois ou dispositions de loi, tous les décrets-lois ou dispositions de décrets-lois, tous décrets ou dispositions de décrets qui lui sont contraires… »
Source/Le Nouvelliste
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