Port-au-Prince, le 30 novembre 2017

Monsieur Youri LATORTUE
Président du Sénat de La République
En ses Bureaux.-

Monsieur le Président,

Je viens par la présente vous signifier mes plus vives protestations contre les conclusions expéditives et manifestement diffamatoires du rapport de la Commission Sénatoriale spéciale chargée d’approfondir l’enquête sur l’utilisation des fonds PetroCaribe.

Il est évident que ce document pompeusement qualifié de « rapport du siècle » par ses rédacteurs n’est rien d’autre que la plus grande supercherie du siècle. Ce n’est qu’un malsain prétexte utilisé pour livrer des noms d’anciens Grands Commis de l’État en pâture à la vindicte publique et, par la même occasion, tenter, par rebours, d’octroyer une virginité politique à un secteur politique dont le tropisme naturel à l’outrance verbale, à la déstabilisation des Institutions et à l’agitation sans cesse lui a causé de cuisants revers électoraux ces dernières années.

En effet, ce rapport regorge d’erreurs factuelles, de partialité, de manipulation de chiffres, de simulacres et d’approximations questionnables à plus d’un titre, dont la Commission aurait pu se passer avec un simple zeste d’éthique, de bonne foi et de rectitude morale. Je ne reviendrai pas quant à présent sur nombre d’illustrations de ces grossières accusations portées contre nombre d’anciens et actuels Hauts Fonctionnaires de l’État, et que plusieurs autres que moi, eux aussi injustement épinglés dans ce rapport, ont parfaitement illustré ces derniers jours dans la presse locale.

Cependant, en ce qui me concerne personnellement, quatre (4) « dossiers » ont été utilisés contre moi et me valent les graves accusations contenues dans les « recommandations » finales de la Commission : la route Colladère-Cerca Carvajal, la Route de Lafito, le marché Public de Fontamara et une prétendue non rétention d’acompte de 2% dans les contrats.

Tout d’abord, les rédacteurs clament tout haut que la route de COLLADERE CERCA-CARVAJAL ne mesurerait que 10.5 kilomètres, en lieu et place de 17 kilomètres. De manière abjecte, ils affirment à la page 354 de leur rapport que « contre toute attente, sur évaluation technique, il est constaté que cette route ne mesure en réalité que 10.5 km et qu’ainsi les 6.5 km supplémentaires n’existent pas physiquement et qu’ils n’ont été ajoutés au contrat qu’à d’autres fins. » (sic), insinuant ainsi, de manière sournoise que j’aurais détourné le montant des 6.5 kilomètres prétendument manquants. Dans les faits, jusqu’à la date de mon départ en décembre 2014, ce contrat avait été initialement signé pour 13 Km et non pour 17 KM comme le prétend la Commission. En fin de compte, suite à la signature ultérieure d’un avenant de 2km par mon successeur, la firme exécutante chinoise a effectivement réalisé environ 16 km de route au total, dont les 13 Km du tronçon Colladère-Cerca Carvajal, 2 Km pour Cerca Carvajal-Chaine Lougue et 1Km exécuté en donation à titre gracieux au centre-ville de Cerca Carvajal. Une simple vérification avec celle-ci, ou avec la firme de supervision et le maître d’ouvrage, ou encore une visite des lieux eût permis de ne pas verser dans de telles manipulations, et suffit à établir la vérité. Mais la recherche de la Vérité n’était manifestement pas l’objectif visé.

Ainsi, et toujours à titre illustratif de cette même veine d’approximations et de mensonges avérés indignes du statut d’Hommes d’État auquel ils aspirent, les rédacteurs du rapport concluent, à tort et avec une légèreté déconcertante, à une prétendue surfacturation de la route de LAFITO exécutée par la firme HL Construction, par une comparaison inexacte du coût moyen par kilomètre cet ouvrage qu’ils estiment prétendument à 1,4 millions de dollars, par rapport à celui d’une « route normale » disent-ils, en l’occurrence celle de Petite Rivière de Nippes-Petit Trou de Nippes, qu’ils estiment à 995.000,00 dollars américains. Or, à date, le coût moyen (au kilomètre) de cet ouvrage de 31 Kilomètres est déjà en réalité d’environ USD1.200.000,00 par le simple fait qu’un avenant déjà approuvé de USD 6.096.051,39 a été fait au contrat initial de USD 30.849.737,91. De plus, cette route n’est même pas encore à moitié terminée, ce qui rend impossible un calcul arrêté de son coût moyen au kilomètre.

En outre, s’ils s’étaient donnés la peine de consulter d’autres « techniciens » que ceux qui sont affiliés à leur chapelle politique, ils auraient réalisé que dans le domaine des infrastructures routières il n’existe pas de prix passe-partout et immuable. Un simple contact avec les acteurs concernés leur aurait aidé à réaliser qu’une infrastructure majeure à usage industriel et à circulation intensive de poids lourds, et de surcroît avec un remblai surélevé, conçue pour protéger la zone du littoral, la nouvelle zone industrielle et les villages avoisinants contre les risques d’inondations, ne saurait générer les mêmes coûts qu’une route avec spécificité topographique, niveau de terrassement, de revêtement ou de largeur de chaussée différents, et qu’ils qualifient pourtant de «similaire» dans leur rapport.

Enfin, en ce qui concerne le projet du MARCHÉ DE FONTAMARA, les rédacteurs du document ont finalement mis de côté les fantaisistes accusations originelles de «contrat antidaté», optant cette fois-ci pour la découverte de soi-disant décaissements plus élevés que le pourcentage de travaux accomplis. Pour justifier cette «découverte», ces «experts » s’appuient sur un rapport que j’ai publié en février 2015, deux mois après mon départ du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, et qui révélait qu’à ce moment le taux de décaissement de 26% était proportionnel au taux de réalisation d’alors de 30%.

Par une grossière manipulation et interversion de chiffres, les rédacteurs du rapport, en se gardant de mentionner le taux d’avancement actuel d’environ 60%, ont plutôt fait référence au taux de 30% du début 2015, en le comparant au nouveau pourcentage de décaissements de plus de 55% atteint après mon départ. Même le tableau des dits décaissements, reproduit dans le rapport de la Commission, démontre sans équivoque, la fausseté de cette grossière accusation cousue de fil blanc.

Le quatrième « dossier » est constitué par une ridicule accusation de non rétention des 2% d’acompte provisionnel dans les contrats. Cette affirmation à l’emporte-pièce, répétée à loisir dans tout le rapport, témoigne de la part des Commissaires d’une méconnaissance criante des règles de la comptabilité publique et des mécanismes de décaissement de l’État au profit de firmes titulaires de contrats. Spécifiquement aux contrats financés par les Fonds PetroCaribe, les Commissaires font semblant d’ignorer que le BMPAD ne paie pas directement les firmes. Dans le long processus de décaissement, de pas moins de huit (8) phases, celles-ci, dans 90% des cas, sont payées par le Ministère de l’Économie et des Finances, qui déduit automatiquement les 2% d’acompte provisionnel du montant de la facture. En outre, quand les firmes sont directement payées par le secteur concerné, l’acompte de 2% est également déduit et le montant prélevé est alors transmis par chèque à la Direction Générale des Impôts.

A travestir ainsi des faits tangibles, les rédacteurs de ce rapport ne font que renforcer le doute jeté sur la crédibilité même de ceux qui ont cautionné la composition de la Commission.

Monsieur le Président,

Ces quatre (4) «dossiers» utilisés pour me clouer au pilori, traduisent une manipulation évidente de l’information à des fins partisanes et politiciennes dont l’objectif primordial est de ternir mon image, d’occulter les réalisations de mon Gouvernement, et de contrarier par tous les moyens l’octroi de décharge de ma gestion pour la période passée à servir mon Pays dans la dignité, l’honneur, la modernité et la transparence.

A cet égard, je n’ai jamais raté l’occasion de fournir toutes informations utiles à la manifestation de la Vérité, notamment à l’occasion des différents audits réalisés sur ma gestion, tant par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (4) que par l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou encore par le Gouvernement vénézuélien.

Quelques mois ont suffi à la Commission pour pondre son rapport biaisé et insincère, bourré d’affabulations de toutes sortes, alors qu’à titre de comparaison les rapports favorables d’audit de ma gestion, étalés sur plus de deux (2) ans, furent réalisés avec le sérieux, l’impartialité, l’objectivité et le professionnalisme d’une Institution comme la CSCCA.

Je reste cependant confiant qu’il existe encore dans ce pays des Hommes et des Femmes de conviction et des Citoyens et Citoyennes corrects au Parlement, qui éviteront de se liguer avec ceux n’ayant que leur haine en commun, et prêts uniquement à associer leurs calomnies contre ceux qu’ils considèrent comme des ennemis politiques et non comme des adversaires en Politique.

Le citoyen que je suis sera toujours déterminé à s’armer de cette “patience courageuse comme remède le plus sûr contre la calomnie”, dont parlait l’autre, persuadé que le Temps, tôt ou tard, permettra de rétablir la Vérité, et de confondre les manipulateurs.

Patriotiquement,

Laurent Salvador Lamothe

Anmwe
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Laurent-Lamothe