PORT-AU-PRINCE – Même les plus farouches opposants au pouvoir en place ne disent plus catégoriquement qu’ils ne vont pas aux élections avec Michel Martelly à la tête du pays. L’opposition politique radicale change de ton. Ces leaders politiques sont constamment en concertation sur leur éventuelle inscription au CEP en vue de prendre part aux prochaines élections.
La mobilisation contre le pouvoir a baissé en intensité et l’ex-sénateur Moïse Jean-Charles ne le nie pas. Des leaders politiques défilent au CEP pour inscrire leurs partis politiques ou pour confirmer leur inscription. Ce mardi 17 mars, pour la deuxième journée du processus d’inscription, ils étaient plus d’une vingtaine, cartables sous les bras, à faire la queue au bureau des opérations électorales sur la route de Frères. Alors que certains d’entre eux sont sceptiques sur le bon déroulement des élections, ils estiment, cependant, qu’il est préférable d’être à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Du côté des plus farouches opposants au pouvoir en place, on multiplie les rencontres et les concertations. Si, il y a quelques semaines, « il n’était pas question d’aller aux élections avec Michel Martelly à la tête du pays », aujourd’hui, le ton a baissé d’un cran. La politique est dynamique, dit-on. « Dans les heures qui viennent, la nation connaîtra ma position », a indiqué mardi au Nouvelliste Me André Michel, l’une des voix autorisées du MOPOD et surtout l’un des leaders politiques de l’opposition qui avaient clairement affiché son refus de prendre part à des élections sous l’administration Martelly. « Fanmi Lavalas a toujours dit qu’elleprendra part à des élections libres, honnêtes et démocratiques », a dit, pour sa part, au Nouvelliste Dr Maryse Narcisse en réponse à une question sur l’inscription de son parti au CEP.
Au moment de donner cette réponse laconique mardi, elle participait à une rencontre sur le dossier. Ce mercredi, la position de Fanmi Lavalas sera connue, a-t-elle annoncé. « Je ne peux pas donner de réponse pour le moment », a lâché Mirlande Manigat, secrétaire générale du RDNP, membre du MOPOD, mardi sur les ondes de Radio Magik 9, confirmant qu’elle est en train de travailler avec les autres membres du regroupement de partis de l’opposition sur leur inscription ou pas au CEP. Elle a précisé que cette réponse sera collective. « Ce ne sera pas un engagement individuel», prédit-elle, tout en indiquant que sa première attache politique reste le RDNP. L’hypothèse que l’ex-première dame se présente aux prochaines élections sous la bannière du regroupement MOPOD n’est pas à écarter.
« Le slogan du MOPOD a été toujours élections ou démission. Mais les gens ont souvent tendance à oublier le mot élections », a souligné Mme Manigat pour justifier l’éventuelle participation de cette structure de l’aile dure de l’opposition aux prochaines élections. « C’est à travers les élections qu’on peut prendre le pouvoir », a-t-elle enchaîné. Vaincue lors du deuxième tour de la dernière élection présidentielle, elle pense que « pour le bien du pays, il aurait été préférable que Martelly donnât sa démission et négociât les conditions de sa démission ». Mirlande Manigat a rejeté les informations selon lesquelles il y aurait des déchirements au sein du Mouvement patriotique de l’opposition démocratique sur la participation de ce regroupement aux prochaines élections.
Selon ces informations, les potentiels candidats à la présidence de cette structure politique sont divisés par rapport à l’idée d’organiser une élection primaire en vue de désigner un ou une candidate unique. « Il n’y a pas de tensions au sein du MOPOD », a précisé Madame Manigat qualifiant de légitimes les ambitions de ses collègues. La secrétaire générale du RDNP a, par ailleurs, estimé que la période d’inscription impartie aux structures politiques par le calendrier électoral est trop courte. Elle a plaidé en faveur d’une prolongation de cette période qui s’étend sur cinq jours, du 16 au 20 mars. Affirmant que le Conseil électoral provisoire ne lui inspire pas confiance, le professeur de droit constitutionnel a aussi dénoncé le calendrier électoral qui, selon elle, ne serait pas applicable.
Plateforme Pitit Dessalines veut s’adapter à la nouvelle réalité L’autre branche de l’aile radicale de l’opposition politique, dirigée par l’ancien sénateur Moïse Jean-Charles, change également de ton. Celui-ci a reconnu que la mobilisation contre le pouvoir a baissé en intensité. L’échec de la grève de la semaine dernière et la dernière manifestation de l’opposition en sont deux preuves tangibles. Entre s’adapter à la nouvelle réalité et changer de stratégie pour forcer Michel Martelly à abondonner le pouvoir, les leaders politiques de cette structure vont devoir faire un choix. Intervenant mardi matin sur Radio Magik 9, l’’ex-sénateur a annoncé une rencontre avec le MOPOD avant de se prononcer définitivement.
Cependant, il maintient que l’environnement n’est pas encore favorable à l’organisation d’élections crédibles et honnêtes. Selon lui, le Conseil électoral provisoire compte organiser des élections au profit du pouvoir. « Si on décide de participer de n’importe quelle façon aux élections, ce sera du suicide », a indiqué Moïse Jean-Charles qualifiant le calendrier électoral de provocation. Ce calendrier, dit-il, a été imposé par le palais national sans prendre en compte les remarques des partis politiques. « La plateforme Pitit Dessalines n’est pas une plateforme électoraliste, a fait savoir l’ex-parlementaire.
Fondée sur une base idéologique et historique, la plateforme souhaite aboutir à une révolution pacifique. Elle compte poser le problème de l’exploitation des mines, de la présence des agents de la Minustah et travailler pour l’émergence d’une nouvelle classe moyenne », a expliqué Moïse Jean-Charles.
Dans un communiqué, le CEP a rappelé aux organisations politiques qu’elles ont jusqu’au vendredi 20 mars pour se faire inscrire en vue de participer aux prochaines élections. La tournure du communiqué a laissé croire que, passé cette date, l’institution électorale ne fera aucune considération.
Mardi matin, les neuf conseillers électoraux ont quitté la capitale pour se rendre dans les autres départements en vue de traiter les cas de contestations relatives au recrutement des membres des BEC et des BED. D’ici ce week-end, ils devraient trancher le dossier avant de passer dans la période de contestation des inscriptions des partis politiques.
Source/Le Nouvelliste
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