PORT-AU-PRINCE – Le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’Occupation d’Haïti (Rehmonco) dénonce et condamne la décision du gouvernement de facto d’Ariel Henry d’augmenter le prix du pétrole dans le pays. Après avoir doublé le prix de l’essence, au mois de décembre 2021, suite à une rareté artificielle, orchestrée par la fédération des « gangs (G9) familles et alliés », Henry n’en trouve pas de meilleurs moyens de marquer son quatorzième mois de règne illégal et sans partage. Dans un discours à la cloche de bois, le 11 septembre 2022, il a pris l’initiative d’imposer une nouvelle hausse des prix du pétrole sur toute l’étendue du territoire. Selon la ministre de la culture et de la communication, la hausse du carburant va atteindre jusqu’à 128%, alors que le pic de l’inflation se trouve déjà au seuil de 30.5% au mois de juillet 2022 dans le pays [1]. Cela sous-entend qu’en moins de 10 mois, l’État a imposé une augmentation de 296% sur le diesel et 184% sur la gazoline.
Soulignons que, paradoxalement, les cours de pétrole sont à la baisse depuis plusieurs mois sur le marché international [2] . Au cours des deux derniers mois, les prix ont baissé de plus de 20%. Un peu partout dans le monde, cette baisse significative est visible dans les comptoirs des stations d’essence [3] . Selon le décret de 1995, toute variation des cours de l’essence sur le marché international de plus 5% doit impliquer un réajustement sur le marché local. Au lieu d’appliquer la loi, le gouvernement de facto tient à non seulement augmenter les prix, mais il profite également pour croitre sa marge sur la vente de l’essence. En résumant les nouvelles dispositions du gouvernement, voici ce qu’écrit le journal Juno7 [4] : « le gouvernement a modifié le décret sur le fonds d’entretien routier, afin de prélever un montant de 4 gourdes sur chaque gallon de carburant vendu, au lieu de deux gourdes ».
Dans le pays, l’annonce de la hausse du prix du carburant arrive dans un contexte où les classes populaires ont repris la mobilisation dans les différentes villes du pays. Depuis plusieurs semaines, des marées humaines investissent les rues pour dénoncer l’inflation galopante, l’insécurité, la terreur des gangs. Les manifestations embrasent tout le pays pour exiger le renversement du gouvernement du Parti haïtien tèt kale (Phtk) et le système de la gouvernance par la terreur. Face à la colère populaire, le gouvernement répond par une sanglante répression à l’encontre de la population. Les bilans les plus conservateurs font état de plus d’une dizaine de morts et plusieurs dizaines de blessés. Pourtant, les classes populaires n’en démordent pas. Sans arrêt, elles poursuivent la mobilisation à l’échelle du pays.
Par ailleurs, il est frappant de constater le silence assourdissant de la presse internationale sur l’ampleur des mouvements sociaux en Haïti. Après avoir invité Haïti en qualité de « pays démocratique » au sommet des Amériques à Washington, l’administration Biden [5] et les autres pays du Core Group encouragent le premier ministre Ariel Henry à garder son pouvoir de facto, empirant ainsi l’appauvrissement déjà abject des masses urbaines et rurales au profit exclusif de la bourgeoisie et des membres du gouvernement de facto et ses alliés (Fusion-Secteur démocratique et populaire /Sdp). Pour arriver à ce point, tous les artifices sont bons : la création de rareté de l’essence pour justifier l’augmentation des prix, le renforcement d’une économie axée sur des enlèvements contre rançons, la spéculation sur l’échange, le soutien aux gangs armés à des fins électorales, etc. 80% de la population sont victimes de ces pratiques criminelles. Une population, qui fait face à la famine et une pauvreté systémique, pendant que des fonds énormes sont transférés dans des paradis fiscaux et des pays occidentaux, particulièrement les États-Unis d’Amérique et le Canada. Comme l’ont souligné les données provenant des « Panama papers », les tenants du Phtk, dont l’ex-président Joseph Michel Martelly, l’ancien premier ministre Laurent Salvador Lamothe, l’ancien ministre des finances Wilson Laleau, ont dissimulé des fortunes colossales dans les paradis fiscaux [6] . Ce flux de transfert de fonds massifs et d’autres pratiques financières criminelles font d’Haïti une plaque tournante du blanchiment d’argent, au point que le pays est menacé d’expulsion du système financier international [7] . La découverte de plusieurs millions de dollars dans la maison de l’ex-président Jovenel Moise, après son assassinat, témoigne de cette spoliation à grande échelle des ressources de l’État. En marchant sur les traces de son prédécesseur, Ariel Henry et ses alliés continuent à enfoncer les masses urbaines et rurales dans la misère la plus abjecte.
En outre, si malgré la chute du coût du pétrole sur le marché international, le gouvernement s’entête à augmenter le prix du carburant, il faut en chercher la raison dans le désir manifeste de poursuivre le pillage des ressources publiques. Les tenants du régime Phtk et ses alliés (Fusion et Spd) veulent disposer de plus d’argent pour leur enrichissement personnel et satisfaire les appétits des bourgeois rentiers du secteur d’importation.
Face à ce constat, le Rehmonco soutient les revendications des classes populaires urbaines et rurales, qui réclament, non seulement la démission du gouvernement Phtk et alliés, l’arrestation des membres des gangs, la fin de la rareté artificielle du carburant, mais également le renversement de l’État d’apartheid en Haïti. Contrairement à ceux et celles [8], qui réclament pitoyablement l’appui de l’administration américaine pour résoudre la crise haïtienne, la mobilisation des classes opprimées au cours des dernières semaines montrent que le peuple haïtien peut changer la donne. En ce sens, le Rehmonco lance un appel de solidarité aux travailleurs et organisations progressistes en Amérique du Nord et latine, en Europe, dans les Caraïbes et ailleurs dans le monde. La lutte des classes opprimées en Haïti, pour renverser l’État bourgeois et jeter les bases d’une société émancipée des liens de dominations et d’exploitations, s’inscrit dans le cadre des luttes internationales pour l’émergence d’un autre monde.
Source/AlterPresse
Photo/Archives
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