PORT-AU-PRINCE – Le sombre tableau de la réalité sociopolitique et économique du pays ne laisse pas indifférent l’homme d’affaires Maarten Boute, représentant du Groupe Digicel en Haïti. L’homme d’affaires, invité jeudi soir à l’émission Haiti, Sa k ap kwit de la chaîne 20, n’a pas manqué d’exprimer notamment les préoccupations des investisseurs directs étrangers par rapport à la complication de la situation actuelle. Pour lui, le bateau va couler et on coulera avec, si les dirigeants et acteurs de tous les secteurs ne parviennent pas à dialoguer dans l’intérêt du pays.

« Il est très difficile d’attirer les investissements directs étrangers dans un contexte pareil. Il est même difficile de garder ceux qui sont là. Quelque part, on est dans un dilemme du prisonnier. On a déjà investi beaucoup d’argent (dans le cas de la Digicel, c’est plus d’un milliard de dollars américains). Ce n’est pas une chose qu’on peut mettre dans une mallette et partir faire la même affaire ailleurs. Les infrastructures sont là. Nos bâtiments, nos sites, nos antennes, nos data centers. Ce sont des infrastructures lourdes. On a un choix. Si on n’investit pas, on continuera à dégringoler. On est obligé d’investir, bien que le climat ne soit pas du tout propice à l’investissement », déplore Maarten Boute, homme d’affaires belge ayant acquis la nationalité haïtienne depuis 2014.

Le constat est qu’il ne voit pas encore se pointer à l’horizon une amélioration de la situation, tant du point du point de vue économique que du point de vue politique et sécuritaire, ce qui impacte négativement l’investissement dans le pays. Le PDG de la Digicel affirme qu’il a déjà partagé ses inquiétudes avec le gouvernement, lequel tente de le rassurer en évoquant un plan visant la stabilisation économique et politique. Le représentant du Groupe Digicel en Haïti dit espérer que les résultats viendront. « Malgré les efforts, on ne voit pas une stabilisation de la monnaie, une vraie amélioration de la situation sécuritaire… », ajoute M. Boute.

Le responsable de la Digicel observe que, depuis le mois de juillet (2018), il parait très difficile pour le président et le gouvernement de garder la stabilité dans le pays. Mais, souligne l’entrepreneur, il n’y a pas que le président qui soit responsable de la situation. Le Parlement, l’opposition, les acteurs du secteur populaire aussi. « On est tous dans le même bateau. Je pense qu’il est vraiment temps de trouver des personnes qui ont la crédibilité morale pour tenir ce dialogue national dont on a tellement besoin », estime-t-il avant de souligner que, malheureusement, le président ne semble pas avoir suffisamment de pouvoir, ou de connexion pour paraitre crédible aux yeux de tous les secteurs pour porter le dialogue. « Je ne sais pas qui est cette personne capable de le faire. Je pense que tous doivent se rendre compte que si l’on continue ainsi, on va tous couler. Cela va avoir des impacts très néfastes sur la population, le secteur des affaires ou les investissements étrangers ».

Le PDG de la Digicel explique que cette réalité est valable pour d’autres investisseurs étrangers, notamment la Heineken, qui commencent à réduire leurs investissements, même s’ils sont obligés d’investir. Dans le cas contraire, ils ne pourront pas se développer, en dépit de la situation socioéconomique. Déjà treize ans en Haïti, la compagnie Digicel fournit 910 emplois directs et environ 60 000 emplois indirects à travers le pays. Elle dispose de 1 500 antennes sur le territoire. C’est l’un des plus grands contribuables de l’État haïtien.

Source/Le Nouvelliste

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