PORT-AU-PRINCE – Accompagnée de son avocat, Mario Delcy, Nice Simon, mairesse de Tabarre, a déposé une plainte contre Yves Léonard qui l’a agressée physiquement lundi. La plainte a été déposée au tribunal de première instance de Croix-des-Bouquets. En milieu de journée, un mandat d’amener a été émis contre Yves Léonard par le substitut commissaire du gouvernement de cette même juridiction. Yves Léonard est accusé de voies de fait et tentative d’assassinat sur la personne de Nice Simon. Ce mercredi également, le ministère de la Justice a adressé une correspondance au doyen du tribunal de première instance de Croix-des-Bouquets pour l’informer que Me Yvon Jean Noël, commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Croix-des-Bouquets, a été mis en disponibilité. Ce commissaire est accusé par Nice Simon d’être de mèche avec son agresseur.
Plus tôt dans la matinée, la mairesse Nice Simon avait donné une conférence de presse au palais municipal de Delmas. Les yeux vitreux par moments, le visage fermé, la voix cassée, mais déterminée, la mairesse de la ville de Tabarre est revenue sur les circonstances de son agression. « Je suis là pour m’inscrire en faux contre tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux. J’ai été agressée dans l’exercice de mes fonctions de mairesse de Tabarre. Ce qui vaut toutes ces violences est une enquête menée par l’ULCC concernant l’ancienne administration communale qui m’avait précédé. L’ex-major David Basile avait demandé des rapports concernant 16 personnes qui ont travaillé dans l’administration d’octobre 2015 à janvier 2016 », explique-t-elle.
Parce qu’elle n’était pas disponible et que son administration n’a pas répondu à temps à une correspondance de l’ULCC, Nice Simon devait se rendre au parquet de Croix-des-Bouquets. « C’est à partir de là que tout a commencé. Le commissaire Yvon Jean Noël était chargé de finaliser le dossier. J’avais répondu à une première convocation. Yves Léonard m’avait proposé de traiter le dossier à l’amiable avec le commissaire parce qu’il est son ami. J’ai refusé car j’avais souhaité que cette enquête aboutisse à quelque chose. Je crois dans la légalité des choses. J’avais pris la décision de donner suite au dossier en me faisant accompagner de mon avocat. En arrivant au tribunal, j’ai constaté que le commissaire Yvon Jean Noël faisait autre chose que la mission qui lui a été confiée. Il m’a posé des questions n’ayant aucun rapport avec l’enquête de l’ULCC. J’ai refusé de répondre à ses questions », détaille celle qui est plus connue sous le sobriquet Anne.
Nice Simon avance que son refus de traiter l’enquête à l’amiable avec le commissaire a provoqué le courroux de son compagnon. « Son acte est prémédité. Je suis rentrée tard à la maison lundi soir. Alors que je prenais ma douche, il a verrouillé les portes, confisqué mon téléphone et les clés de ma voiture. Il m’a attendu dans la chambre et est revenu sur le sujet de l’enquête. Je lui ai signifié le même refus. C’est alors qu’il m’a prise par le cou et a tenté de m’étrangler. Il m’a giflée. Je pensais que j’allais mourir. J’ai eu le réflexe de lui mordre le doigt pour le contraindre de me lâcher », a-t-elle raconté, soulignant avoir fui la maison en passant par une fenêtre.
Nice Simon a eu des mots pour toutes les femmes battues, celles dont on ignore les noms et celles qui n’osent pas dénoncer par honte ou par peur de représailles. « Les femmes assassinées par leurs maris sont doublement victimes car la société les accuse d’infidélité. Heureusement que j’ai eu la vie sauve, sinon j’aurais hérité du même sort que Ginoue Mondésir et Marlène Colin (assassinée par son conjoint à Jacmel en mai dernier) », a-t-elle déclaré, soutenue par des dizaines de sympathisants chauffés à blanc qui réclamaient l’arrestation d’Yves Léonard. L’intéressée a montré ses blessures au public. « Ce qui s’est passé n’est pas un jeu. Les photos qui circulent sont authentiques. Elles n’ont pas été retouchées », fait-elle remarquer.
Nice Simon dit vouloir croire dans la justice de son pays. « Je veux obtenir justice et réparation. Il faut des mesures contre le commissaire Yvon Jean Noël et Yves Léonard », a-t-elle exigé, soulignant qu’elle s’est exprimée pour inciter d’autres femmes victimes à faire de même.
MCDF, ministre déléguée, organisations de femmes manifestent leur solidarité
Nombreuses sont les institutions et les personnalités qui ont apporté leur support à la mairesse Nice Simon. La ministre à la Condition féminine et aux Droits des femmes, Evelyne Sainvil, a appris avec douleur et indignation les violences infligées par Yves Léonard à la mairesse Nice Simon. « Le ministère condamne avec véhémence cet acte odieux, lâche et qui méprise les droits humains en général et les droits des femmes. Cet acte révolte la conscience de toute la société. Le MCDF demande aux autorités judiciaires d’assumer leurs responsabilités dans ce dossier », a écrit la ministre.
La ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée des droits humains et de la lutte contre la pauvreté extrême, Stéphanie Auguste, a elle aussi condamné « avec la plus grande fermeté le grave incident qui s’est produit dans la nuit du 1er au 2 octobre 2018 au cour duquel la mairesse Nice Simon a été sévèrement battue par son conjoint, Yves Léonard ». « Cet acte odieux et répugnant contre une femme sans défense constitue une violation flagrante des droits humains. La ministre déléguée auprès du Premier ministre demande aux instances judiciaires concernées de mettre l’action publique en mouvement afin de traiter avec célérité ce dossier. La ministre déléguée en profite pour exprimer sa solidarité à la victime ainsi qu’à toutes les femmes qui ont été ou qui sont l’objet de toutes formes de violence », peut-on lire dans cette note de presse portant la signature de la ministre Stéphanie Auguste.
Marie Yolène Gilles de la Fondation Je Klere et Marie Frantz Joachim de SOFA ont apporté leur solidarité à la victime au cours de la conférence de presse au palais municipal de Delmas. « Nous allons continuer de l’accompagner afin qu’elle obtienne justice et réparation », a assuré Marie Yolène Gilles. Pour sa part, Marie Frantz Joachim croit qu’il faut donner une leçon aux batteurs et violeurs de femmes en Haïti. « Il faut mettre fin à cette impunité qui met en danger la vie de milliers de femmes », a-t-elle estimé.
Dans une note conjointe, 110 organisations de femmes et féministes «condamnent avec la plus grande véhémence» les actes de violences perpétrées contre la mairesse Nice Simon par son concubin Yves Léonard. « Cette scène, dont le pays et le monde entier ont été témoins, traduit manifestement l’exercice de la violence comme arme pour garder les femmes dans une position de dominées. Nous reconnaissons en Nice Simon une femme exerçant un pouvoir politique, qui a été agressée pour son choix de gestion d’un dossier politique, selon ses affirmations. Nous condamnons toute tentative d’instrumentalisation des femmes occupant des positions de pouvoir et de responsabilité. Nous saluons son courage d’avoir rompu le cercle du silence et montré ainsi que la honte doit changer de camp. Ainsi nous appelons le ministère de la Justice, le Protecteur du citoyen et de la citoyenne, le ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes, toutes les instances concernées à prendre les dispositions nécessaires afin de prouver à la population haïtienne que nul n’est au-dessus de la loi », écrivent Marie Michelle Vernet, Pascale Solages, Fanm Yo La, UFMORH (Union des femmes à mobilité réduite), etc.
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Source/Le Nouvelliste
Photo/Archives
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