PORT-AU-PRINCE – Le doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince a désigné, le lundi 9 août 2021, le juge d’instruction Mathieu Chanlatte pour mener l’enquête judiciaire sur l’assassinat du président Jovenel Moïse. Si le juge Bernard Saint-Vil, avant de désigner le magistrat instructeur, avait demandé au gouvernement de mettre des moyens à la disposition de ce dernier pour faire son travail, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique a confié au Nouvelliste que toutes les dispositions sont prises pour protéger les juges de la République, les pièces à conviction et les corps du délit.

Après avoir essuyé plusieurs refus, le doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince a finalement obtenu l’accord du juge d’instruction Mathieu Chanlatte pour enquêter sur l’assassinat du président de la République le 7 juillet dernier en sa résidence privée. Plus d’un mois après l’assassinat de Jovenel Moïse, l’instruction judiciaire va enfin commencer.

Avant la désignation du juge Chanlatte, le doyen du tribunal, Me Bernard Saint-Vil, avait dit tenir des rencontres avec des autorités afin de leur demander des moyens permettant au juge de sécuriser les dossiers (pièces à conviction, corps du délit). Il avait demandé aussi au gouvernement des moyens de déplacement et des agents de sécurité pour le juge.

Contacté lundi après-midi par Le Nouvelliste à ce sujet, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique a assuré qu’il est du devoir de son ministère de prendre toutes les dispositions pour sécuriser les juges à travers le pays, les pièces à conviction et les corps du délit.

Me Rockfeller Vincent a souligné que le ministère de la Justice qu’il dirige est responsable des investissements dans le système judiciaire et aussi responsable de la sécurité des citoyens dans le pays, dont les juges dans toutes les juridictions. Une façon pour Me Rockfeller Vincent de souligner que le ministère qu’il dirige a la responsabilité d’assurer la sécurité du juge Mathieu Chanlatte et de mettre à sa disposition des moyens pour faire son travail comme il a la responsabilité de le faire pour chaque juge dans le système.

Pour le président de l’Association nationale des magistrats haïtiens (ANAMAH), le doyen Bernard Saint-Vil a agi dans le cadre de ses attributions en choisissant le juge qu’il estime être capable de mener à bien le dossier. « Nous souhaitons bonne chance au magistrat Mathieu Chanlatte. Nous espérons que le juge fera preuve d’un bon magistrat dans l’application de la loi, qu’il ne se laissera pas intimider ni n’aura peur », a souhaité le juge Jean Wilner Morin.

« C’est une enquête qui va prendre du temps. Nous espérons aussi que les autorités mettront tous les moyens nécessaires à la disposition du magistrat Chanlatte et assureront également sa sécurité », a ajouté le juge Morin.

Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), a dit s’attendre à ce que le juge Mathieu Chanlatte traite « le dossier dans la sérénité avec la loi comme boussole sans verser dans la persécution politique… » Le défenseur des droits humains a souligné au passage que le juge Mathieu Chanlatte « est parmi les juges les plus lents dans le système judiciaire qui n’arrivent pas à mener à terme ses enquêtes. Cela nous étonne qu’on lui ait confié ce dossier », a-t-il fait savoir.

Le juge Mathieu Chanlatte a déjà travaillé sur plusieurs dossiers jugés politiques. Il a été désigné en 2020 par le doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince, le juge Bernard Saint-Vil, pour instruire le dossier Dermalog qui avait fait des vagues.

Le juge Mathieu Chanlatte a aussi instruit l’affaire opposant l’Etat haïtien aux propriétaires de la compagnie Sogener en 2020.

Rappelons que le président Jovenel a été abattu chez lui dans la matinée du mercredi 7 juillet 2021 par un commando composé essentiellement d’anciens militaires colombiens, selon les autorités haïtiennes. 18 parmi les membres de ce commando sont actuellement en prison en Haïti.

Source/Le Nouvelliste
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