PORT-AU-PRINCE – ‘Se gwo non ki touye ti chen’, voilà un autre argument qu’on pourrait opposer à la décision gouvernementale de lancer les inscriptions pour la reconstitution de l’armée.

Car pourquoi l’armée alors que (primo) nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de nous en payer une.

Pourquoi pas ce que, dans le meilleur des cas, nous pouvons raisonnablement nous permettre : une gendarmerie, un corps de garde chasse, ou de gardes champêtres, une garde nationale ou encore une police militarisée ?

Non, il faut dire, en renversant fièrement la tête : voici notre armée.

Même quand il s’agirait d’une bande de gamins défilant avec des balais en guise de fusil (‘broom squad’).

Ce qui risque fort d’arriver.

Penser à la Police nationale d’Haïti (PNH), le seul corps pour le moment autorisé constitutionnellement à porter des armes, penser aux efforts déployés ces derniers temps par la PNH, et puis voici qu’un pouvoir décide par sa seule volonté de la mettre pratiquement sur la touche au profit d’une ‘nouvelle armée’ qui probablement va se considérer supérieure, étant donné la tradition. Est-ce que le gouvernement n’est pas en train de fomenter lui-même des troubles, de créer une dangereuse situation ?

La Guardia civil à la portée de toutes les bourses …

Quand l’ex-président Michel Martelly lui-même avait compris la nécessité de contourner la question en envoyant, rappelez-vous, ce groupe de jeunes en Equateur recevoir une formation en prévention des désastres et non … en manoeuvres militaires) tandis que le président Jovenel Moïse quant à lui ne semble pas mettre des gants.

Sinon des gants de maréchal d’armée !

Au Chili après la dictature du général-président Augusto Pinochet, l’armée était tellement décriée que l’on décida de donner encore plus d’importance aux forces de police. Ce fut la Guardia civil à la portée de toutes les bourses. Aussi entrainée pour appréhender des bandits armés que pour aider une jeune femme à mettre son bébé au monde.

Mais comme le bon peuple aime les parades militaires, les défilés de la Garde civile n’ont rien à envier non plus aux troupes de Pinochet, moins les tanks parce que le Chili n’a pas l’intention d’entrer en guerre aujourd’hui contre aucun de ses voisins.

Santiago n’est quand même pas Pyongyang !

Rappel du séisme …

Qui viendrait le reprocher aux dirigeants haïtiens s’ils annonçaient leur intention de créer un corps spécialisé pour, aux côtés de la PNH, être capable d’affronter en tout temps toutes les situations d’urgence, comme aux Etats-Unis où ils ont aussi une Garde nationale (‘National Guard’), toujours prête à affronter aussi bien des émeutes de dimension majeure dans n’importe quel coin du pays que toutes sortes de catastrophes naturelles.

Lorsque l’ouragan Andrew a frappé le sud de la Floride, la Garde Nationale a débarqué dans les minutes qui ont suivi la catastrophe.
Ensuite est arrivée le corps d’élite, la ’82e Division aéroportée’, la même qui avait été dépêchée en Haïti après le séisme de janvier 2010.

Les Haïtiens n’ont cependant pas bien compris pourquoi. Peut-être auraient-ils mieux accueilli la Garde nationale !
C’est donc une institution qui est partout de grand renom.

Et qui n’est peut-être pas totalement hors de notre portée.
Mais non, à nous il nous faut une armée ou rien !

L’équivalent en France c’est la Gendarmerie. Très populaire aussi dans les départements d’outre-mer : Martinique, Guadeloupe, Guyane.
Mais ne prononcez pas en Haïti le mot Gendarme.

Espèce de gendarme ! …

Parce que avant l’Armée d’Haïti, jusqu’avant le départ de l’occupant américain (1915-1934), c’était le temps du gendarme.
Au point que c’est devenu une insulte en Haïti de traiter quelqu’un de … gendarme.

Et même à l’Académie militaire de Port-au-Prince que l’instructeur traitait le cadet un peu plus lent que les autres de : espèce de gendarme !
Que voulez-vous, nous avons dans ce pays tant de complexes, un regard négatif sur tout ce qui est à notre portée tandis que nous nous gargarisons de tout ce qui ne l’est pas.
Snobissimo !

Le citoyen n’est pas un ennemi …
D’autres pays ont supprimé leur armée, parce que coûtant trop cher, et parce que aussi estimant que c’est le meilleur moyen de ne pas avoir d’ennemi.
C’est par exemple, le Costa Rica.

Les ennemis ce sont les bandits de grand chemin, c’est bien le mot, oui les trafiquants en tout genre, les contrebandiers, les assassins ‘serial’ (ou à la chaine), les destructeurs de la couverture forestière, eh bien que vient faire une armée ici, avez vous besoin de généraux enrubannés pour une pareille tâche ?

Cependant le simple policier peut aussi ne pas pouvoir faire face, alors le Costa Rica possède une Police militarisée, c’est-à-dire capable d’utiliser des instruments militaires mais aussi et surtout de la même discipline, oui le militaire contrairement au membre de la PNH n’a pas d’heure de bureau, il est toujours de service, ne me faites pas dire toujours sur le pied de guerre !

Mais quand on dit Police militarisée, on pense à un pays encore plus près de nous, et ayant pratiquement les mêmes besoins, c’est la Jamaïque.
Quand elle est devenue indépendante (années 1940), la Jamaïque a hérité de la même police de la métropole britannique, les fameux ‘bobbies’, qui ne portent pas d’arme à feu, mais devant la montée du banditisme ces dernières décennies et pour protéger sa principale industrie, le tourisme, la Jamaïque se trouverait ridicule de créer une armée.

Une armée, pour quoi faire ?

Comme le Costa Rica, les Jamaïcains ont opté pour une Police militarisée. Pas militaire, militarisée, ce qui ne veut pas dire la même chose.
Police, c’est-à-dire une force proche des gens comme se doit de l’être la police. Le citoyen n’est pas un ennemi. Fini de se comporter comme si nous sommes en guerre contre nous-mêmes. Militarisée, c’est-à-dire en cas de besoin, et pour faire face au crime organisé, capable de se service d’un certain armement militaire.

Nous n’avons même pas une police routière …

Mais comme c’est toujours chez nous le cas, comme c’est tout à fait propre à l’Haïtien, nous rêvons de tout ce qui ne nous est pas vraiment nécessaire, tout ce dont nous n’avons pas réellement besoin … Et nous n’avons rien de ce qui nous est plus que nécessaire …

Nous n’avons aujourd’hui ni des gardes forestiers alors que la couverture forestière du pays continue de se détériorer (en 2008, seulement 1,5 %).
Lors du séisme de 2010, le policier était aussi baba que le citoyen quelconque, il n’a aucune formation de … garde nationale.
Que dis-je, nous n’avons même pas une police de la route.

Une armée ?
Ridicule.

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Source/Haiti en Marche
Photo/Archives
www.anmwe.com

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