PORT-AU-PRINCE – Dans son dernier rapport, le Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme (CARDH) revient sur l’assassinat dans sa résidence du Président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021 et critique l’absence de position clair de l’État dans cette affaire, qui donnerait une orientation et rendrait la tâche plus facile à la justice haïtienne.
Qui a assassiné le Président et pourquoi ? s’interroge le CARDH, qui souligne la nécessité d’établir la responsabilité des autorités étatiques et politiques dont le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) qui a des obligations clairement définies par la loi mais surtout des fonds et des infrastructures de renseignements : Primature, Ministères de la Justice et de l’intérieur, Direction de la police…
Le rapport précise qu’au sens de la « Convention des Nations unies » l’Assassinat du Chef de l’État est un crime transnational, celui-ci ayant été planifié dans plusieurs pays dont la justice est compétente pour enquêter sur cet attentat, particulièrement les États-Unis, la Colombie et la République Dominicaine.
Rappelons que deux personnes soupçonnées d’implication dans le complot ayant conduit à l’assassinat du Président, sont déjà entre les mains de la justice américaine : l’ex officer militaire Mario Antonio Palacios et l’homme d’affaires Rodolphe Jaar . Les États-Unis ont également demandé à la Jamaïque l’extradition de l’ex-Sénateur John Joël Joseph.
Le CARDH dans son rapport suggère quelques pistes à explorer :
Pistes économiques :
Le Président Moïse a mené une bataille frontale contre des familles traditionnelles ayant le monopole des domaines importants et stratégiques dont l’énergie. À travers le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BNPAD), il a pris le controle du secteur pétrolier au détriment de ceux qui l’avaient « placé » au pouvoir (du groupe Ruby à West Indies Petroleum).
Pistes des trafiquants :
L’enquête devrait explorer également la criminalité transnationale dans laquelle son entourage est impliqué : trafic de la drogue, d’armes et autres, grande corruption, blanchiment… Le Président aurait été sur le point de livrer au Gouvernement américain une liste de responsables politiques et d’hommes d’affaires liés au trafic de drogue (source New York Times).
Piste politique :
Jovenel Moïse devait absolument remettre le pouvoir au PHTK. Cependant, il a rompu ses liens avec son parti. La trahison n’est pas seulement économique, elle est aussi politique.
Justice haïtienne et perspectives :
La justice haïtienne, dysfonctionnelle de fait et de droit, ne peut pas réaliser le procès de l’assassinat du Président Moïse, le droit haïtien n’est pas adapté à la nature de ce crime. Les contraintes sont procédurales, politiques, environnementales… L’institution d’un tribunal spécial (tribunal hybride par exemple) est à explorer si l’on veut réellement réaliser ce procès, sinon cela restera de la rhétorique : désistement en cascade des juges pour raison de sécurité et faute de moyens, délai d’instruction insuffisant, dénonciations dans les médias, l’enquête se poursuit… conlut le Cardh dans son résumé.
Source/Haïti Libre (HL)
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