PORT-AU-PRINCE – Haïti aurait normalement dû avoir un nouveau président dimanche soir. Mais en lieu et place, le pays se trouve ce matin toujours enfoncé dans une crise politique majeure. Et la confusion la plus complète plane sur la suite des événements, trois jours après l’annulation du deuxième tour du scrutin présidentiel.
Toute la fin de semaine, des manifestations ont éclaté à Port-au-Prince, menées tant par des partisans du régime du président Michel Martelly que par ses opposants. Celle que Le Devoir a pu suivre samedi a été mouvementée, à l’image des précédentes cette semaine.
Les manifestants anti-Martelly ont allumé de nombreux feux de pneus ou d’ordures, laissant une trace fumante partout sur leur passage ; des barricades sommaires ont été érigées ; des vitres de voitures ont été fracassées par des pierres ; plusieurs témoins ont rapporté avoir entendu des tirs à balles réelles. Une foule en mouvement rapide, pressée et fâchée. Une foule à cran.
Partout sur les toits des maisons près du passage du cortège, les Haïtiens observaient la répétition de scènes qui se sont multipliées à mesure qu’approchait l’échéance électorale.
C’est dans ce contexte de plus en plus tendu — et parce que plusieurs bureaux de vote ont été incendiés récemment — que le Conseil électoral provisoire (CEP) a décidé vendredi de reporter à une date indéterminée le deuxième tour de l’élection présidentielle (de même que certaines législatives). Des « raisons évidentes de sécurité » ont justifié la décision du CEP, a soutenu le président de cette instance controversée, Pierre-Louis Opont.
De l’avis général, la décision du CEP a permis d’éviter un fiasco électoral émaillé de violence dimanche. Mais elle laisse aussi en suspens des questions importantes qui continuent de déchirer les Haïtiens. Ainsi, on ne sait pas quand les élections seront reconvoquées… ni ce qui se passera après le 7 février, date prévue par la Constitution pour la passation des pouvoirs présidentiels. Plusieurs estiment qu’un gouvernement intérimaire devrait être nommé.
Le président Martelly, qui militait fortement pour un scrutin le 24 janvier, n’avait pas encore commenté la décision du CEP dimanche soir. Or, M. Opont attend « la réaction de l’exécutif pour discuter du problème avec lui, car l’interlocuteur immédiat [du CEP] en matière électorale, c’est l’exécutif ». Les médias ont fait état de nombreuses tractations de coulisses à cet égard.
Pas de délai
Samedi, plusieurs acteurs internationaux ont plaidé pour une sortie de crise la plus rapide possible. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé la classe politique haïtienne à « travailler sans tarder à la conclusion du processus électoral de manière pacifique, en trouvant une solution consensuelle qui permettra au peuple d’Haïti d’exercer son droit de vote ».
Appelant à « un dialogue raisonnable et consensuel », la mission d’observation électorale déployée en Haïti par l’Organisation des États américains (OEA) a pour sa part « condamné fermement tous les actes de violence ». En entrevue avec le quotidien Le Monde, le chef de la mission d’observation de l’OEA, Celso Amorim, a aussi soutenu dimanche que « laisser un vide de pouvoir trop longtemps est dangereux ».
Les membres du « Core Group » [qui réunit des gens de l’ONU, de l’Union européenne (UE), de l’OEA et les ambassadeurs du Canada, du Brésil, d’Espagne, de France et des États-Unis] ont quant à eux réitéré leur appui pour la conclusion d’un processus électoral inclusif et équitable.
La crise actuelle trouve ses racines dans une histoire politique trouble, mais aussi dans l’incapacité du gouvernement Martelly d’organiser des élections ordonnées. Les deux premiers tours des élections législatives, de même que le premier tour de la présidentielle, ont été « entachés d’irrégularités », a reconnu la Commission indépendante d’évaluation électorale.
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Source/Le Devoir
Photo/Le Devoir
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