PORT-AU-PRINCE – Hypocrites, les responsables politiques d’Ayiti sont toujours en mode ‘’double jeu’’, c’est-à-dire un nationalisme qui frise le chauvinisme affiché et une collaboration rampante destinée à les protéger des mauvais coups de leurs adversaires politiques sans se préoccuper du bien-être commun. Ainsi, d’un gouvernement à l’autre ou d’une opposition à l’autre, les dirigeants de la classe politique et leurs cliques n’ont fait que dépouiller à chaque fois la cause haïtienne de sa quintessence au profit de la prolifération d’idées farfelues, arriérées, surannées même sinon occultes. On dirait que la vie intelligente n’existe pas sur cette partie de l’île. Ce qui explique notre stagnation. Notre descente aux enfers.
Ainsi, ce 25 septembre, le président MOÏSE, tant décrié mais paradoxalement attendu, est sorti de son révoltant, agonisant et irresponsable mutisme. Alors que le pays était à feu et à sang. Tout brûlait et brûle encore. Une sortie tardive ; bonne uniquement pour les ‘’couche-tard” ou ceux qui ont peur de la nuit. A l’occasion,la même chanson nous a été serinée. Pareille à celles de février 2019 et de juillet 2018. Sa machine gouvernementale commençait sensiblement à dérailler sans personne pour la remonter. Et le président profita de cet intermède, de cette confusion pour récompenser quelques fidélités anciennes à travers des arrêtés de nomination qualifiés, par l’opposition, d’illégaux.Question de distribuer du fromage à ses zélés amis. Sur aucun point ou aspect de la crise, Jovenel MOÏSE n’a montré une largeur de vue ou une profondeur de pensée. Le mot ‘’excellence’’ continue à être vidé de tout son sens dans ce pays.
Entre temps, l’Opposition dite ‘’plurielle’’, ‘’démocratique’’ ou ‘’largement large’’, sans inspiration aucune, n’arrive pas encore à définir les lignes précises et charpentées de ses actions dans la perspective de la ‘’finalité de l’essentiel’’. Un essentiel qui constitue, à mon avis, à redonner la dignité à ce peuple composé, en majorité, de loqueteux affamés. Ces derniers réclament, avec une colère justifiée, ce qui leur revient de droit, ce qui leur a été toujours refusé. Malheureusement, l’action unitaire pour un changement réel de paradigmes dans cette société injuste s’émiette à chaque fois dans une triste compétition de personnages. Il n’y a aucune prise en compte des problèmes du pays profond, aucun système rationnel ni aucune stratégie. Il est impossible à un observateur sérieux de dégager de cette récurrente lutte fratricide (cette chaise musicale) autre chose que le ‘’chen manje chen’’. L’immobilisme d’une société grabataire.
Après le piteux spectacle offert par un Parlement en panne de leadership et de crédibilité, d’autres organisations de la société civile (Les artistes et autres) font des sorties mi-figue, mi-raisin (krab) qui laissent perplexes plus d’uns. Les observateurs les plus avisés qualifieraient ces démarches d’agitations quasi-stériles dans ce vacarme des volontés et des consciences. Elles se barricadent derrière le vieil adage de St Remy :’’ Conscience oblige’’. Le spectacle est hideux. Oui, rien que pour les consoler de leur extrême dénuement, ceux-là qui manifestent violemment dans les rues. Ceux-là qui ‘’lock’’ le pays pour réclamer ‘’manjé’’, justice et équité sociale. Et la traditionnelle classe moyenne, ankylosée dans son apparat de ‘’confort’’, ne fait que remâcher son exaspération tout en caressant la bête dans le sens du poils.
Dans tout ce brouillard, l’opposition en présentant, ce 1er octobre, sa Commission de Transition, un autre coup d’épée dans l’eau, prétendait sonner l’hallali d’un Jovenel MOÏSE qui, lui, épie avec attention et cynisme les fautes de ses adversaires. Son apparent sang-froid frise l’indifférence. Comme l’hyène, il attend avec patience l’épuisement de l’ennemi. C’est alors seulement qu’il frappera implacablement. Qui sait ? Cela dit, celui qui peut attendre et dissimuler de la sorte peut également tromper les plus expérimentés. Les prochains épisodes de l’odyssée haïtienne s’annoncent palpitants et rebondissants. Les amateurs de films d’horreur auront de quoi se régaler.
Parallèlement, comme le ridicule ne tue pas, le président MOÏSE, en cavale d’après l’opposition, a conduit un conseil des ministres à partir de son téléphone portable ce lundi (30 sept.). En fait, c’est un président “WiFi” .Mais, ce mardi, il a fait une apparition éclaire à son bureau au Palais National. Comme pour dire qu’il est là comme un ‘’ke makak’’ . Une démarche qui sent le ranci. Du déjà-vu. Les flèches à pointes mousseuses de l’opposition ne lui auraient pas piqué. Voire le tuer. Dans ce face-à face insignifiant à bien des égards, point de vainqueur mais en revanche, une seule victime: Ayiti. De l’haïtiannité!
Revenons à cette ridicule et oiseuse Commission dont les neuf membres ont été tirés du cénacle de fidèles de l’Opposition. Ce sont les mêmes hommes. Les même noms. En pareille circonstance, Albert Einstein aurait rappelé à chaque acteur de la crise haïtienne que :’’ Vous ne pouvez pas résoudre vos problèmes avec la même pensée que vous aviez quand nous les avez créés’’. En d’autres termes, si le seul outil dont vous disposez est un marteau, vous aurez tendance à considérer chaque problème comme un clou. Dans cette nuit profonde dans laquelle est plongé le pays, seule l’intuition guide et le pouvoir et l’opposition. L’intelligence et la rationalité ne sont pas au rendez-vous. Entre temps, les affamés, les plus démunis sont livrés à eux-mêmes sur “le béton”, agacés et meurtris par les forces répressives de l’Etat (PNH). Ce qui met le feu aux abords de la poudre. Avec un banditisme “légalisé” et réel, plus de 300.000 armes en circulation, la guerre civile frappe de grands coups à nos portes. D’ailleurs, le slogan scandé par les partisans de l’Opposition donne la trouille:” grenadye alaso sa ki mouri nan vanje yo.”
Comment parler de transition ou de départ ordonné quand les deux parties en conflit formant un faisceau obscur et diffus n’arrivent même pas à se doter d’un canal de communication. Un dialogue de sourds. À rappeler qu’en 1993, à Governors Island, ARISTIDE et CEDRAS ne s’étaient jamais retrouvés autour d’une table mais Don Capouto faisait le va-et-vient entre les deux hôtels. Alors qu’à mon avis, le problème d’alors était beaucoup plus profond. Jovenel a peut-être raison puisque ce sont des élus, comme lui, dans des conditions que personne ne saurait ignorer, qui réclament son départ ‘’ordonné’’ et ‘’immédiat’’. J’en ris. Au moins, que tous les mandats soient sur la table. Fair enough!
Come on, guys !!! (Gouvernement-Opposition) A défaut de génie, faites preuve d’intelligence. Il n’y aura jamais de paix pour l’administration Jovenel MOÏSE ou tout autre après elle dans ce climat explosif où les pauvres se rendent comptent qu’ils sont pauvres et que leur pauvreté chronique s’abreuve à la grande source de la corruption et de l’impunité. Un clin d’œil à LyonelTrouillot qui dit qu’il serait prétentieux et malhonnête de demander aux gens qui sont dans la souffrance de penser en même temps la sortie de leur souffrance.
Il faudra donc à nos hommes de pensée de l’Opposition ou du Pouvoir, s’il y en a encore, beaucoup d’habileté, de recul, d’abnégation, de vision et une science des opportunités qui doivent blesser tous les intérêts mesquins et immédiats en présence. Et plus, des hommes d’autres horizons, ‘’modernes’’ capables d’aller au-delà de la superficie des choses à l’effet de transformer leurs idées en motif d’action qu’aucune force brutale ne saurait anéantir.
Sinon, on va tomber bientôt et allègrement dans la souillure, une fois encore, du sol national, dans le replâtrage et l’arrière-goût du regret alors que l’insurrection véritable de ceux-là dont la vie ne représente plus rien sera seulement reportée encore une fois. Le pire n’appartient pas au passé. À bon entendeur, salut !!!
Cette situation où l’urgence est partout et en tout ne tient qu’à une agrafe : la diaspora. Son apport financier n’est plus à démontrer. En revanche, n’est-ce-pas le moment de recruter dans ce vivier des ressortissants, disponibles, bourrés d’expérience, compétents, ayant servi au plus haut niveau dans des ‘’structures’’ étrangères privées et/ou gouvernementales en lieu et place des éternels envoyés spéciaux des organisations régionales?….Le débat est ouvert !
Religion pour la Paix a montré ses limites. Les organismes des droits humains en grande majorité ont déjà affiché leurs positions. En fait, comment rester indifférent à une telle débâcle? A une société aussi inégalitaire.
Dans les deux camps, c’est une lutte d’influence et de personnalités qui n’est à aucun degré caractéristique d’une nouvelle orientation politique et sociale du pays. Les positions successives, étrangement contraires, affichées par les représentants du pouvoir ou de l’opposition sont révélatrices de l’absence de fortes convictions. Des positions qui, sans l’ombre d’un doute, ne rassurent pas. Du côté des tenants du pouvoir, ils s’accrochent comme des sangsues sur la peau de l’Etat au nom d’un mandat en laissant au temps le temps de faire son temps. Ils sont des chronophages. En face, les membres de l’opposition ‘’plurielle’’, incohérente et diffuse qui confondent vitesse et précipitation. Une véritable course contre la montre se joue. Subitement on est pressé. Avec une persistance presque fatale, chaque partie se rejette la responsabilité du mal “ayisien”. C’est la déresponsabilisation collective. Encore une fois, la Diaspora dans ses composantes les plus diverses doit se regrouper pour former un faisceau convergent face à ces attitudes rétrogrades qui gardent la société haïtienne dans l’encanaillement, l’arriération et la sauvagerie.
Somme toute , le pays est suspendu dans un vide de désillusions pris en sandwich entre une Opposition en crise d’organisation et de confiance et un Pouvoir, à l’image d’un Jovenel MOÏSE mégalomane, caractérisé par une indiscipline et une arrogance sans projet d’avenir. Un brusque mais calculé ressaisissement se prescrit face à l’imminence du danger de la déchéance haïtienne parvenue à une échéance telle que le rendez-vous avec le chaos est presque inévitable. Le temps presse il est vrai mais la production ou l’influence des événements ne suffit pas pour changer le cours de l’histoire.
Au contraire, de nouvelles attitudes, acquises au frottement à d’autres et à l’ouverture à des idées nouvelles et modernes,ouvriront indubitablement la porte à la cohabitation, à la tolérance, à la transcendance et surtout à de nobles débats avilis et prostitués aujourd’hui. A l’agonie des ‘’hatiannités’’.Cette mixture donnera lieu à la production de réflexions mûres sur la ‘’finalité de l’essentiel’’ : les problèmes immédiats de l’homme haïtien, un projet social qui aurait le double but de définir le bien commun de la nation et de proposer les moyens les plus adéquats à la concrétisation de ces objectifs au bénéfice de tout le monde.
A ce rythme, ces deux camps ‘’opposés’’, en conflit, avec une telle légèreté, se retrouvent en pleine rédaction d’un autre chapitre banal de la Saga Haïtienne, incapables d’élever le débat pour une société haïtienne juste et équitable au rang de sacré. Pure haïtiannerie ! Donc, l’Histoire ne vous absoudra pas mais vous condamnera pour avoir gardé un peuple dans la honte et dans la crasse alors que la planche de salut était à portée de main.
Source/Le Nouvelliste
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