PORT-AU-PRINCE – Lancée en décembre 2016, l’étude sur les indicateurs de développement des médias en Haïti sera publié prochainement. L’Unesco et la Faculté des sciences humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti ont réuni, le vendredi 17 novembre, des professionnels des médias, des étudiants et des personnalités de la société civile pour discuter en atelier des recommandations produites et valider celles qui peuvent contribuer au développement du secteur.

Désormais, comprendre le fonctionnement des médias et ce qui pourrait être leur levier de développement revient à consulter cette étude. L’une des premières recherches approfondies sur les médias et leur environnement en Haïti. Pour Pharès Jérôme, journaliste et professeur de journalisme, qui a conduit l’étude de concert avec la professeure Alberte Pétiote, une nouvelle fenêtre s’ouvre sur les médias en Haïti avec les données recueillies pendant les enquêtes et interviews réalisées. Ils ont travaillé sur l’environnement des médias en Haïti à partir de cinq indicateurs de développement des médias définis par l’Unesco. « Il s’agit d’une photographie des médias », a tranché M. Jérôme, expliquant comment le fonctionnement de ce secteur est passé au peigne fin dans le cadre de cette recherche.

Cette étude a été présentée comme un « reflet fidèle de ce qui se passe dans le pays concernant les médias ». Elle touche des aspects tels que la participation des médias à la promotion de la liberté d’expression, d’information, le pluralisme, la formation professionnelle et l’émergence d’une véritable culture démocratique en Haïti. Les données recueillies permettent, entre autres, d’affirmer que la liberté d’expression est non seulement garantie par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par Haïti, mais elle est aussi effective. « Haïti figure dans le top 50 du classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse. Aucun cas de journalistes poursuivis en justice ou emprisonnés n’a été révélé au moment de l’étude. Il y a cependant un bémol, la liberté d’expression est remise en question dans les périodes de turbulences politiques (coup d’Etat de 1991 par exemple)», ont avancé les chercheurs.

Toutefois, ont-ils ajouté, aucune loi sur le libre accès à l’information n’a été adoptée dans le pays. Il n’existe aucune loi qui vise à bloquer ou filtrer les contenus internet et contrôler la diffusion d’information sur les réseaux sociaux. La proposition de loi sur le libre accès à l’information déposée au Parlement par la Fondation Héritage, en mai 2012, n’a jamais été votée. « La nécessité d’une loi sur l’accès à l’information ne fait pas l’unanimité au sein même du secteur de la presse », ont-ils laissé entendre. Malgré le fait qu’il s’agit, selon la fondation Héritage, d’une exigence des Nations unies aux pays ayant ratifié la convention contre la corruption. Le comportement des médias n’est sanctionné par aucune institution. La censure se fait par le public.

Selon un résumé de cette étude, la première du genre, sur l’ensemble du pays, en 2016, il y avait 697 stations de radio sur la bande FM. Parmi ces stations de radio, 350 fonctionnent illégalement contre 320 qui sont légales. Le Conseil national des télécommunications (CONATEL), organe chargé de réguler ledit secteur au regard du décret du 12 octobre 1977, a instauré, le 30 juin 2017, un moratoire sur l’octroi de concession d’exploitation de station de radio FM dans la zone métropolitaine. La non-prise en compte des médias communautaires par le dispositif légal sur le secteur des médias les réduit à un fonctionnement de facto.

Aucun sujet qui concerne les médias et leur développement n’a été négligé. En partant du faible traitement octroyé aux journalistes, la nécessité pour ces derniers de se regrouper en syndicats capables de défendre leurs intérêts et la place que doivent occuper l’éthique et la déontologie dans l’exercice de la profession sont amplement considérées. « L’évaluation des médias a une importance capitale, car cela contribue au renforcement de la démocratie qui n’est pas une fin en soi », a avancé le professeur Ary Régis, ancien responsable du département de communication sociale à la Faculté des sciences humaines, membre du comité de relecture de l’étude.

Pas moins de 57 recommandations énoncées en fonction des cinq indicateurs qui sont : système de régulation; pluralisme et diversité des médias; promotion du débat démocratique; formation professionnelle des travailleurs de la presse et capacité structurelle pour soutenir les médias. Ces recommandations viennent pallier les carences, faiblesses et mauvaises pratiques révélées par cette étude et qui entachent le fonctionnement des médias en Haïti. Elles sont adressées en grande partie à l’État, à l’organisme de régulation du secteur, le CONATEL, aux médias et la société civile.

Cette étude est financée par le Programme International pour le Développement de la Communication (PIDC) de l’UNESCO à hauteur de 15 000 dollars US. La FASCH, pour sa part, a fourni un appui logistique et en ressources humaines. L’objectif de cette recherche qui va être publiée bientôt, déjà réalisée dans au moins 15 pays, est de recueillir des informations capable de montrer la place que les médias accordent au pluralisme et à la diversité ainsi qu’à la promotion du débat démocratique.

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Source/Le Nouvelliste
Photos/Le Nouvelliste
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