Actuellement, il y’a un grand débat qui fait la une des journaux en Europe, spécialement en France Suite aux différentes sorties des marques Dolce Gabbana et celles de H&M faisant la promotion des collections des hijab pour les filles musulmanes, les débats semblent ne pas avoir fin dans les journaux européens particulièrement ceux de la France. Les marques Dolce & Gabbana, H&M sont en effet accusées de faire la promotion pour les modes islamiques qui privent les femmes de leurs libertés. En écoutant les réactions, nous voulons opiner sur cette question de mode dans l’islam. Premièrement, les réactions ont réduit la mode à l’Occident. Ils pensent que les modes concernent seulement la culture occidentale. Deuxièmement, la vision du hijab est restreinte, généralisée et des fois c’est complètement opposée à la réalité des pays a majoritairement musulman. La signification du port du hijab varie d’un milieu à l’autre et d’une personne à l’autre. On ne peut pas l’ignorer ; il y’a des milieux où le voile est obligatoire et que par conséquent, le non port du voile est sanctionné par l’État ou par la société.

A côté de cette première pratique, il y a des filles qui décident volontairement de porter le voile pour raisons éthiques, l’opportunité de travailler, pour ne pas trop se faire convoiter ou pour des raisons liées à la mode, à ce qui est d’actualité dans la façon de s’habiller. Ainsi s’exprime Jean François Bayart, philosophe français.

Dans un pays où le voile est obligatoire, la jeunesse utilise des collections de hijab pour se faire remarquer et se différencier du traditionnel vêtement uniforme. Ce changement de style amène les jeunes à accepter cette obligation et l’inscrire dans leurs quotidiens. Ce qui nous amène à voir des jeunes musulmanes habillées avec des pantalons, des chemises sexy et des foulards de différents styles. C’est un signal de rupture à l’uniforme et l’expression de la subjectivité esthétique. Ces jeunes sont très fières et se sentent très libérées du hijab traditionnel. Donc, la mode islamique constitue un moyen pour ces jeunes de rejeter l’orthodoxie. C’est en ce sens que je trouve pertinent les propos du philosophe français Gilles Lipovetsky qui affirme que : « la mode est le rejet de l’orthodoxie, la grande libération de soi du” communautarisme” et de la tradition

Il y’a des milieux où le voile n’est pas obligatoire, il reste une décision personnelle. , il y a un flux de jeunes qui porte le hijab pour marquer leurs identités musulmanes (sociales). C’est le cas de certaines jeunes magrébines vivant en France ou d’autres vivants dans un autre pays. Cette pratique y est développée par ces jeunes, rien que pour exprimer leur confiance et leur fierté par rapport à leur croyance ou leur appartenance sociale ou encore pour des raisons éthiques sociales. Toutefois, en dépit de ces différentes raisons évoquées, il n’est difficile d’observer une diversité   dans la façon dont ces jeunes filles portent leurs foulards.  Ce constat peut être bien illustré par le cas des jeunes filles de Konya.

Konya est la ville la plus religieuse de toute la Turquie. Cette année, elle est déclarée capitale du monde musulman. Le port du hijab y est volontaire mais c’est la ville où l’on retrouve beaucoup plus de « Voilées » en Turquie. Comment se manifeste la mode islamique dans cette ville ? A Konya, il y à plusieurs modèles de hijab : le gros hijab de couleurs noire (la tunique), qui n’est pas trop populaire ; le hijab avec une robe longue et le style jeans et t-shirt avec le foulard islamique. D’après nos observations, la mode hijab se manifeste ici par la diversité et la différence de vêtement.  La mode dépend de la différence de vision, d’âge, niveau d’étude et économique : Les jeunes universitaires voilées ne portent pas le même modèle de foulards que leurs mères ; la fille qui vient du milieu urbain et celle du village n’ont pas une même vision du voile.

Revenons sur le débat en France. Parmi les réactions, je retiens celle de la ministre, Laurence Rossignol, Ministre de la famille et du droit des femmes, qui compare les femmes choisissant de porter le voile aux negres qui étaient pour l’esclavage dans une interview accordée au journal le monde

« Bien sûr qu’il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. (…) Je crois que ces femmes sont pour beaucoup d’entre elles des militantes de islam politique »

Etelle parle de l’enfermement du corps des femmes. La ministre a reçu beaucoup de soutien dont celui de la philosophe féministe Elisabeth Badinter. Une autre réaction qui retient mon attention est celle du coactionnaire du journal <le monde>, Pierre Berge qui demande aux enseignes de marques de renoncer aux frics, ayez des convictions car les marques sont la pour embellies les femmes. Implicitement, il voulait dire que les femmes voilées ne sont pas embellies. Porter un foulard ne détermine pas la beauté ou ne cache pas la beauté d’une femme et avec le foulard islamique l’embellissement est possible. C’est pourquoi vient la mode islamique qui relativise les goûts et les choix des jeunes. Ces réactions ont voulu essentialiser l’Islam. Or essentialiser l’Islam, c’est faire de lui un invariant qui explique tout. C’est pour dire que l’Islam est avant tout des musulmans qui produisent du sens religieux variablement différent en fonction des contextes dans lesquels ils s’inscrivent. Comme le rappelle, Abdel Karim Soroust, cité par Hicham Bennaissa dans son article titré le capitalisme et l’Islam, « l’Islam est une suite d’interprétation de l’islam ». C’est exactement ce qu’on doit faire dans le cas du foulard islamique car la signification varie. Le sens du voile porté par une Français n’est pas forcement le même sens pour une Marocaine, une Turque etc.

Contrairement aux stéréotypes occidentaux qui en font un symbole de soumission et d’aliénation de la femme, le cas de Konya montre que la mode islamique exprime une volonté d’émancipation passionnément musulmane et moderne à la fois. D’ où un autre débat sur la compatibilité de l’Islam avec la modernité. La ministre se réfère à l’enfermement du corps pour parler de soumission. À Konya, l’enfermement du corps n’a rien à voir à la liberté des femmes de se faire belle et de se faire attirer. Le phénomène se fait par la différence de vêtements ou du port de foulards. La fille qui porte des foulards de marques non traditionnels et très stylées est très admirée et convoitée. On a l’habitude de voir des filles voilées qui se moquent d’autres filles voilées aux vêtements traditionnels. Ces filles se sentent plus à la mode et plus libérées de leurs choix de porter le foulard avec des gouts esthétiques et volontaires. On peut illustrer ceci avec l’exemple des protestantes évangéliques en Haïti qui ne portent pas de pantalons. De ce fait, ces jeunes utilisent des jupes de mode différentes adaptées avec la nouvelle génération. Des fois, elles sont beaucoup plus attirantes que celles qui portent de pantalons sexys. C’est le cas des voilées qui sont aussi attirantes que nos jeunes filles occidentales qui portent des habits décollées.

Sur l’aspect religieux du voile, le plus souvent à Konya chez les jeunes qui font la rupture avec l’uniforme vestimentaire, le sens sacré ou la signification religieuse du voile n’est pas trop pertinente, le foulard devient un style vestimentaire, un phénomène de la nouvelle génération qui se veut être moderne. Certains musulmans traditionnels et conservateurs parlent d’une profanation du hijab. Cette réflexion nous amène à voir que la jeunesse musulmane trouve dans ces collections de modes islamiques un moyen de se faire différencier aux traditionnels. Je trouve qu’en cette réflexion binaire qui voudrait que les femmes libres sont non voilées et que les femmes voilées ont nécessairement contraintes est sans fondement et restreinte à une réalité précise. Dans les sociétés a majorité musulmane, le voile rentre dans le quotidien des gens et intègrent leurs patrimoines culturels. Ce n’est pas toujours un acte religieux comme en occident ceux qui fêtent la Noël ou les Pâques ne sont pas tous des chrétiens. C’est pourquoi la mode islamique est vivement critiquée par les conservateurs qui accusent ces jeunes d’occidentaliser l’islam. Je trouve dans la mode islamique une expression esthétique. Toutefois, il ne faut pas ignorer des cas de contrainte mais ces filles forcées à porter le voile n’utilisent pas les vêtements de modes car c’est aux parents de choisir leurs vêtements.

L’autre aspect pertinent de ce débat est l’influence du capitalisme sur le monde musulman. Il y’a beaucoup de réflexions faites sur une possible cohabitions du   capitalisme et de l’islam. L’occident a déjà utilisé plusieurs de ses outils pour dominer le monde musulman mais généralement sans succès. Par exemple, le modèle de la démocratie et de la laïcité occidentale n’arrivent pas à s’implanter dans le monde islamique. Il faut d’autres méthodes, ainsi vient la mode. L’occident conscient de son échec par la présence des soldats pour faire implanter l’évangile de la démocratie et de la mondialisation, maintenant s’appuie sur la force de l’image, de la symbolique par le biais des publicités et des séries télévisées. Comme l’a souligné le journal islamique “Oumma”” dans son article” capitalisme et marché<islamique>, le capitalisme n’est pas seulement un mode de gestion économique, il est également, une culture, une civilisation, et un mode de vie. Toujours dans l’article, le capitalisme qui vise l’homogénéisation, cherche à détruire la diversité culturelle, à faire disparaître les particularités identitaires, à anéantir les pensées critiques-par une sorte de dressage cognitif ou à désintégrer les religions et les spiritualités.

Toujours dans le débat de la mode islamique, les marques expliquent qu’elles voulaient aller à l’encontre de ces femmes voilées souvent ignorées dans la mode mais en réalité ceci n’est qu’un moyen pour justifier l’idéologie capitaliste. Avec ce nouveau marché de la mode islamique, on assiste à l’implantation du model culturel occidental à des fins mercantiles. A côté de l’aspect esthétique traité dans ce texte, la mode islamique constitue un processus de désacralisation du voile musulman. Ce marché de la mode islamique est caché derrière le verni islamité mais en réalité l’objectif est la manne économique et l’imposition culturelle occidentale. Le capitalisme ne se réside pas son influence à l’économique mais s’attache à conquérir les cœurs et les esprits afin de susciter le désir de consommer. C’est ce phénomène culturel qui explique que des jeunes qui s’habillent avec les vêtements de mode se croient plus civilisées et plus moderne que les autres. Ces jeunes vêtues en mode islamique moderne se sentent plus proches de l’occident que du monde arabo- musulman. Après avoir fini de gagner les cœurs et les esprits tout en faisant de ne pas déranger la tradition, il y’ a Le gros lot qui est l’aspect économique. Selon le rapport de Global islamic Economy de Thomsom Reuter cité par un reportage de France culture, le marché mondial de la mode islamique « modest fashion » est évalué à 230 milliards de dollars et pourrait atteindre 320 milliards en 2020. Ça fait un beau pactole et la demande augmente de jour en jour grâce à l’influence des publicités et de l’internet. Donc, la mondialisation a gagné cette guerre avec beaucoup plus de facilité et de gain.

On peut comprendre, à côté de l’expression du sentiment de rupture avec le vêtement traditionnel uniforme, la mode contribue à imposer l’idéologie de la mondialisation sous le couvert de l’islamité. Toutefois, il faut reconnaitre la limite de l’exemple de Konya, qui n’est toujours le cas dans le monde musulman mais le cas de Konya, est parfaitement adapté pour apporter une réponse au débat de la France qui réduit le port du voile seulement à l’asservissement des femmes. Le symbolisme du voile est pluriel et varie d’une personne à l’autre. En toute logique, on devrait avoir en France un débat sur le symbolisme du voile des religieuses catholiques aussi. Compte tenu de la vision moderniste apportée par les modes islamiques, est ce que la mode islamique ne représente pas un danger de dépravation de mœurs, du sacré, du religieux et de la culture arabo-musulmane?

Max Toussaint Mondesir, Etudiant.  Avril 2016,  Konya, Turquie.

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