HAITI – Un nouvel ouvrage fait la lumière sur les raisons qui ont poussé la France à participer au coup d’Etat contre le président Jean-Bertrand Aristide en 2004. La rivalité avec les Etats-Unis serait en cause.
La Suissesse Alexandra Breaud vient de publier chez l’Harmattan un essai qui décortique les causes des relations tendues entre le premier président démocratiquement élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, renversé une seconde fois en 2004, et la France, l’ancienne puissance colonisatrice. Cet ouvrage1 fait suite à un travail de Master en sciences politiques au sein de l’université de Lausanne. Rencontre avec cette chercheuse de père haïtien et de mère suisse.
L’ancien président haïtien a-t-il été chassé du pouvoir en raison de sa demande de restitution de l’équivalent de 20 milliards de dollars que la France a perçus entre 1825 et 1885, en échange de l’indépendance d’Haïti?
Alexandra Breaud: C’était la thèse de départ de mon livre. Je suis partie de l’idée que cette réclamation avait causé un regain de tensions entre la France et ce président à forte personnalité qui se voulait le contestataire de tout système de domination. Jean-Bertrand Aristide a formulé cette demande de façon virulente au moment où Haïti célébrait le bicentenaire de son indépendance.
Il s’est s’appuyé sur les positions de nombreuses organisations non gouvernementales qui ont fait campagne pour ce type de réparation lors de la Conférence de Durban sur le racisme. Cette revendication ne plaisait pas du tout aux anciennes puissances coloniales, et nombreux sont les partisans d’Aristide qui estiment qu’elle a précipité la participation de la France à son renversement en 2004. Mais d’autres facteurs ont pesé davantage.
Quelles autres raisons ont amené la France à faire tomber Aristide?
Au départ de cet ouvrage se trouve l’hypothèse que c’est la crainte d’un effet domino qui a déterminé la France à participer au renversement d’Aristide: la France aurait voulu se débarrasser de lui afin d’éviter d’autres demandes de réparation dans les Antilles françaises.
CEPENDANT, AU COURS DE MON TRAVAIL ET GRâce aux témoignages de nombreuses personnalités haïtiennes et françaises, j’ai pu établir que l’action de la France en 2004 avait des motifs quelque peu différents: par cette intervention, il s’agissait pour la France de ne pas perdre davantage d’influence en Haïti au profit des Etats-Unis, tout en écartant un personnage devenu indésirable. Et si les Antilles françaises ont joué un rôle dans l’intervention, c’est pour des questions migratoires, car la crise que traversait alors Haïti (sous Aristide, ndlr) a provoqué un afflux massif de demandes d’asile dans les territoires français.
L’histoire officielle retient que Jean-Bertrand Aristide a été renversé par une rébellion soutenue par la rue, même s’il a signé sa démission sous la pression des Etats-Unis et de la France…
En fait, il n’y a pas de cause unique, même s’il est vrai qu’en 2004 Aristide était loin de faire l’unanimité en Haïti. A côté des raisons évoquées plus haut, il y a une conjonction de facteurs géopolitiques, dont la rivalité franco-américaine qui a cours en Haïti. Les Etats-Unis constituent la puissance étrangère la plus influente sur l’île, mais n’oublions pas qu’Haïti est une ancienne colonie française, même si cette puissance en a été chassée il y a plus de deux siècles.
Avec le Canada, Haïti est le seul pays francophone des Amériques et la France tient à ce qu’il le demeure. L’ambassadrice française à Port-au-Prince vient tout récemment de le réaffirmer.
Quant aux Etats-Unis, ce n’est pas un hasard si les deux renversements d’Aristide (30 septembre 1991 et 29 février 2004, ndlr) sont intervenus sous la présidence des Bush père et fils. Ils ont toujours détesté ce leader haïtien qui avait un discours «marxisant» et qui disait s’opposer au néo-libéralisme ainsi qu’aux institutions de … LIRE LA SUITE LECOURRIER.CH
Par: FRANK KODBAYE
SOURCE: lecourrier.ch