“Si j’avais un drapeau, mon emblème serait le bras d’honneur”. Guy Bedos

Curieusement, en auscultant les pages du journal le Figaro, je suis tombé sur un singulier intitulé d’un éxamen de droit constitutionel sur lequel devaient disserter les étudiants de l’université de Poitiers, dont dépend la faculté d’Angoulême. Pendant trois heures de temps, les étudiants de premiere année de licence en droit allaient se plancher sur l’étrange sujet: À quoi sert Francois Hollande? Dans l’hilarité générale, plusieurs de ces étudiants ont piqué un fou rire dans l’amphithéâtre, et se sont questionés, s’il s’agissait d’une blague ou d’une fable de La Fontaine. Selon le doyen de la faculté de Poitiers, c’est “une maladresse de formulation, peut-être une érreur de jeunesse”.

Il m’est venu mistérieusement à l’orée de la fête du bicolore national, de réflechir sur cette tradition ancestrale, celle de célébrer chaque 18 mai, le drapeau de la première république nègre, que génialement et orgueilleusement, avait été cousu par la dame Cathérine Flon, à l’Arcahaie.

Mon sujet d’éxamen pour tous les haitiens indistinctement, au parage de cette date historique: À quoi sert le jour du drapeau dans le contexte actuel du pays?

La fête du drapeau revêt une importance particulière pour tous les peuples. De tous les symboles crées et imaginés par l’homme, le drapeau est celui qui contient le plus de significations dans la vie d’une nation.
C’est sous la présidence de Sténio Vincent que le jour du drapeau est devenu une célébration de l’identité nationale, de fierté et de patriotisme. Le ministre de l’éducation nationale, Dumarsais Estimé, qui devint plus tard le 33ème président d’Haiti et le premier président noir, depuis l’occupation américaine de 1915-1934, est crédité d’établir cette célébration, comme journée festive du bicolore. Le drapeau étoilé était trop visible sur le sol de Déssalines et il fallait absolument rétablir le symbole national et l’identité haitienne.

Le drapeau d’un peuple est une puissante représentation de sa fierté, sa souveraineté et de sa force militaire. Historiquement, les drapeaux ont toujours été associés avec le militarisme et les notions de souveraineté. Lors du congrès de l’Arcahaie, le 18 mai 1803, jour de la création du drapeau haitien, Jean Jacques Déssalines fut proclamé général en chef des forces armées d’Haiti. Ils ont juré “liberté ou la mort”.

Je voudrais réiterér que notre drapeau, des sa création jusqu’a la bataille de vertières, est un signe de gloire, de victoire sur l’armée française de Napoléon Bonaparte. Ce signe incarne l’idéal d’un peuple noir contre toute forme d’expréssion raciste, esclavagiste et colonialiste. Un idéal de liberté pour tous les peuples opprimés, exploités et assujetis de la terre.

A l’heure actuelle, la barque du pays est entrain de sombrer dans le chaos, l’anarchie et les luttes violentes. Les guerres fatricides sont recurrentes, les haitiens s’entretuent, comme si nos énnemis, c’était nous-mêmes. Les derniers événements ont étés soldés par la mort d’un agent de la police nationale dans le sud du pays, par des hommes en uniforme, démontrent clairement que le tissu social est ravagé et tourmenté par la haine, le déchainement et l’agitation.

Je me demande comment fêter le drapeau dans une division aussi mordante entre les secteurs politiques et économiques du pays. Il me parait que l’amnésie nationale nous a fait oublier que, c’était sous le signe de l’unité et de la réconciliation sincère que se produisait la grande conférence de l’Arcahaie et le ralliement de Pétion dans les rangs de l’armée indigène sous le leadership éclairé de Dessalines.

Je me questionne de l’opportunité de célébrer le bicolore, alors que nous ne sommes plus indépendants et souverains. Depuis plus de 10 ans, nous constatons la présence d’une force étrangère sur le sol national. L’indépendance sous-entend le soubassement juridico-politique de la nation haitienne. Elle constitue la personnalité légale et administrative de la nation haitienne. A chaque fois que le drapeau surnage dans l’horizon haitien ou dans le firmament international, il ésquisse clairement, que Haiti est une nation libre et indépendante. Notre territoire est constamment violé et notre pays n’est plus respecté. Les ambassadeurs acrédités dans le pays ne font que passer des ordres et s’immiscer dans les affaires internes haitiennes. Je pense que c’est une abérration…..

Je m’intérroge finalement sur cette commémoration déguisée d’hypocrisie quand les valeurs nationales ont été crapuleusement assasinées avec le père de la patrie au Pont-rouge. L’haitien n’est plus haitien. On a honteusement oublié les idéaux nobles de grandeur, de civilité et de patriotisme. Les sentiments de l’honneur sont toujours sous les décombres du seisme de janvier 2010. Les sentiments de bravoure et l’héroisme ne chatouillent plus le corp sociétal dans la construction d’un autre pays. Nous sommes plutôt solidaires dans le mal et la méchanceté. Le développement du pays, la volonté de sortir de l’assistanat et la mendicité ne sont pas dans notre agenda.

Le chant national fut inauguré en octobre 1903 à la veille du centenaire de l’indépendance. Les paroles de Justin Lhérisson et la musique de Nicolas Geffrard, que constituent les cinq strophes de la Dessaliniene, ne sont presque plus chantées dans les écoles haitiennes. Plus de respect et de fierté à la
montée du drapeau. Cette hypocrisie que j’appelle “l’hypocrisie dessalinienne” conduit à de grandes célébrations dans la diaspora, où plusieurs des enfants nés en territoire étrangère ne parlent même pas la langue maternelle. Beaucoup d’entre eux ne connaissent même pas Dessalines et Catherine Flon.

Si les étudiants d’Angoulême s’amusaient du thème de l’éxamen, la réflexion que je vous propose doit interpeller vos glandes lagrimales nationalistes et patriotiques. Je voudrais aussi croire que, ma considération ne sera pas estampillée comme celle d’un jeunot ou d’une maladresse de formulation de la fête du drapeau. Mais plutôt celle d’un homme révolté par la bêtise haitienne. La trascendance de cette célébration va au delà des parades, des rhétoriques et rires. Le moment est à la réflexion nationale sur le vrai sens du drapeau.

Je prospecte pas le sens de rabacher les mots et de sériner la musique de la Dessalinienne qu’on voulait appeller ‘l’Artibonicienne’ si vous vous ne compromettez pas, à pratiquer dans votre vie citoyenne les paroles codées dans les vers du chant national. Ne Cherchons pas le sens de la bataille de nos aïeux si nous continuons à profaner et à prostituer les belles lettres de l’hymne national. Il est temps d’arrêter cette hypocrisie afin de percer et de sonder les valeurs de la Dessaliniene et je vous assure que le ‘Mourir est beau, Marchons Unis et Bêchons Joyeux’ deviendront un jour la réalite.

Le grand Louis Mercier disait “n’est pas haitien, qui n’est dessalinien”. Moi je reformule en disant “N’est pas haitien, qui pratique l’hypocrisie Dessaliniene”.

Dr Jean Ford G. Figaro, MD,MsC-HEM.

Photo/Ministère de la Communication
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Arcahaie2016