Par milliers, les Haïtiens fuient la misère, le chômage, l’insécurité… pour se rendre dans plusieurs pays de la région, notamment la République dominicaine, les Etats-Unis, les Bahamas, Porto Rico… Une fois arrivés dans ces territoires, nos compatriotes ne sont pourtant pas au bout de leur peine. Ils sont interceptés, incarcérés et expulsés vers leur terre d’origine. Le Nouvelliste a consulté les données de l’Organisation internationale pour les migrations. Selon les statistiques de cette agence onusienne, de septembre 2021 à avril 2022, 21 380 migrants ont été expulsés des Etats-Unis vers Haïti. Rien que pour le mois d’avril 2022, 2 923 migrants haïtiens ont été rapatriés en Haïti via l’avion par les autorités américaines.
Le 20 mai dernier, un juge fédéral de Louisiane a empêché l’administration Biden de lever une mesure sanitaire de Donald Trump permettant, durant la pandémie, d’expulser sans délai les migrants franchissant la frontière terrestre américaine. En conférence de presse, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean Pierre, a exprimé le désaccord de l’administration Biden à cette décision du tribunal. Elle a annoncé que l’exécutif américain allait faire appel de la décision tout en précisant que les déportations allaient continuer, conformément à la décision du juge fédéral de Louisiane.
À Cuba, de janvier à avril 2022, 1057 Haïtiens ont été expulsés avec notamment 413 expulsions pour avril. Cette semaine, le Miami Herald rapporte qu’un cargo transportant plus de 800 migrants haïtiens a échoué sur la côte de Villa Clara, incapable d’atteindre les côtes floridiennes. Parmi ces migrants figurent notamment des enfants et des bébés. Depuis la fin du mois d’août, le nombre d’Haïtiens voulant se rendre aux Etats-Unis par bateau a fortement augmenté. Depuis début octobre 2021, les garde-côtes américains ont arrêté en mer plus de 5 000 personnes originaires d’Haïti et tentant d’atteindre les Etats-Unis. Plus de 1400 sont parvenus à atteindre les Etats-Unis soit en Floride ou à Porto Rico. Dans d’autres îles des Antilles, notamment aux Bahamas, les autorités ont renvoyé de janvier à avril 1 505 Haïtiens. Alors qu’aux îles Turques-et-Caïques, les autorités ont expulsé 468 compatriotes durant les 4 premiers mois de 2022, notamment 198 pour le mois d’avril.
Le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (GARR) publie mensuellement des données sur le nombre de rapatriement d’Haïtiens de la République dominicaine vers Haïti. « Durant le mois d’avril, le GARR a enregistré dans les points frontaliers officiels 3158 rapatriés, 896 refoulés et 3 246 retours spontanés. Au total, 7 300 migrants haïtiens sont arrivés à la frontière en provenance de la République dominicaine », peut-on lire dans le rapport de l’organisation.
En début de semaine, une vidéo montrant des agents de l’immigration dominicaine pourchassant des migrants haïtiens dans la ville de Juan Bosch, allant jusqu’à escalader leurs maisons, a été largement publiée sur la Toile. Le clip a provoqué émoi et indignation en Haïti et dans la communauté haïtienne en République dominicaine. L’ancien ministre des Affaires étrangères Claude Joseph a tweeté pour dénoncer le traitement infligé aux Haïtiens et exiger l’attention de la communauté internationale. « Je veux attirer l’attention de la communauté internationale sur ce qui se passe depuis quelques jours au village Juan Bosch où des agents de l’immigration s’introduisent dans les maisons des migrants haïtiens, les pourchassent et les terrorisent. Ces actes constituent une violation des droits humains. Aucun texte de loi ou convention n’encadre ces pratiques », a tweeté l’ancien chancelier en créole et en français.
L’ancien ministre des Haïtiens vivant à l’étranger Edwin Paraison est intervenu sur ce dossier sur Magik9 ce vendredi 27 mai. Après avoir recueilli les témoignages des Haïtiens, le responsable de la Fondation Zile a contextualisé cet incident. « Ciudad Juan Bosch est un vaste projet de développement immobilier. Ce projet vise à faciliter aux Dominicains vivant à la fois en République dominicaine et à l’étranger d’acquérir une première résidence. Les étrangers vivant en République dominicaine n’ont aucune restriction pour acheter un appartement dans cette ville. Les prix sont abordables. Ce qui explique que, au cours de ces dernières années, des compatriotes se sont établis dans cette zone. Cela a provoqué la colère des ultra nationalistes. Ces derniers ont profité d’un incident survenu le 18 mai dernier, quand des agents de l’immigration ont été caillassés par des Haïtiens et Dominicains, pour lancer une chasse à l’homme contre les Haïtiens. En réponse à l’incident, la direction de la migration a procédé à des opérations de contrôle migratoire irrégulières. Les agents violent la loi 285-04 de l’immigration qui interdit la violabilité du domicile privé. Ces contrôles s’apparentent à des représailles », a rapporté Paraison.
Dans une note de presse publiée ce vendredi, le GARR s’est dit préoccupé par le sort des Haïtiens en République dominicaine, objet d’une campagne de persécution. « Les travailleurs migrants haïtiens font actuellement l’objet d’une campagne de persécution à travers plusieurs provinces de la République dominicaine. Ils sont pris en chasse dans les rues, leurs quartiers, sur leurs lieux de travail et même dans des hôpitaux. En moins de deux semaines, le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (GARR) a accueilli plus de mille sept cents (1 700) migrants haïtiens à la frontière, dont 76 enfants. Ils étaient arrêtés, placés en détention puis rapatriés par les autorités dominicaines. Cette situation inquiète beaucoup la communauté haïtienne en République dominicaine qui vit actuellement dans une grande peur. À tout moment, un Haïtien peut se faire arrêter sans raison. Le GARR est donc très préoccupé par cette situation qui se développe actuellement en République dominicaine. Il dénonce les traitements inhumains et les nombreuses violations de droits humains perpétrées sur des migrants haïtiens au moment d’être rapatriés. Des images choquantes circulant sur les réseaux sociaux et l’état critique dans lequel certains migrants arrivent en Haïti montrent clairement qu’ils ont été victimes de violences physiques », lit-on dans la note.
Une marche anti-haïtienne est annoncée par les ultra-nationalistes le dimanche 29 mai. Edwin Paraison a exhorté les autorités dominicaines à garantir la sécurité des migrants haïtiens en terre voisine. Il a également appelé les autorités haïtiennes à contacter la partie dominicaine afin que toutes les dispositions soient prises pour protéger les compatriotes et leurs biens en République dominicaine.
Source/Le Nouvelliste
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