MONTRÉAL, CANADA – Une famille d’origine haïtienne vit peut-être ses derniers moments de bonheur à Montréal, car son expulsion est prévue mercredi vers son pays natal.
Rencontrés par TVA Nouvelles lundi après-midi dans leur appartement de l’arrondissement Montréal-Nord, Endy Labaty, sa conjointe Landie Simonise et leur fillette tentaient de mener un semblant de vie normale, même si l’inquiétude gagne le jeune couple à deux jours de leur renvoi dans un pays instable où des actes de violence ont été perpétrés au cours des derniers jours.
«Nous sommes vraiment stressés au point de ne pas dormir ni manger, dit Landie Simonise. J’ai perdu du poids, ça se répercute sur notre environnement. La situation actuelle en Haïti est extrême. Aux nouvelles, on dit que des gens se font tuer, ce sont des choses horribles qui se produisent et c’est ça qui nous attend. Je ne sais même pas si je vais voir ma fille à ses 6 ans, à ses 10 ans, je ne sais pas si elle va se faire violer ou pas, si on va se faire battre ou tuer. Les gens là-bas sont horrifiés et ils ont peur et nous, on nous renvoie en Haïti.»
Le jeune couple s’explique mal la décision d’Ottawa qui a rejeté leur demande d’asile.
«On nous dit que ce que nous avons vécu là-bas, ce sont des faits aléatoires, affirme Endy Labaty. Donc, ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. Ottawa estime qu’on peut retourner là-bas et continuer à vivre comme on vivait dans le temps. Nous avions quitté notre pays pour notre sécurité et on croit que la situation ne s’est pas améliorée. Nous sommes inquiets de retourner en Haïti. Si j’ai quitté mon pays, c’est parce que j’ai eu peur pour mon futur et celui de ma famille. Je dois admettre que c’est stressant pour nous. Nous sommes venus ici pour éviter tout ça et là maintenant, on nous demande s’y retourner.»
Pourtant, sur le site web du gouvernement du Canada, on dit d’éviter tout voyage non essentiel en raison des troubles civils qui sévissent à travers Haïti.
«Concrètement, ce que nous demandons au gouvernement fédéral depuis le mois de juillet à la suite des émeutes et aux récents actes de violence, c’est d’avoir un moratoire sur les expulsions, soutient Frantz André du Comité d’action des personnes sans statut. La situation dans ce pays présentement n’est pas stable.»
Endy et son épouse ont aussi de bons emplois, une voiture ainsi qu’un appartement convenable à Montréal-Nord.
Ils considèrent, depuis leur arrivée au Canada, il y a deux ans, faire partie de ces immigrants économiques et ils disent répondre aux besoins en matière de pénurie de main-d’œuvre.
«Lorsque nous sommes arrivés au Canada, en 2016, nous ne voulions pas être des prestataires de l’aide sociale, indique M. Labaty. Nous étions habitués de travailler en Haïti. Aujourd’hui, on a un appartement, une voiture que nous avons achetée en financement. On vit comme tout le monde, comme tous les Québécois et Canadiens. Ça ne fait pas de sens, on demande à des gens comme nous de venir parce qu’il y a un manque de main-d’œuvre. Nous sommes là, mais on nous demande de quitter.»
Même l’employeur de Mme Simonise demande au fédéral, via une lettre, de revenir sur sa décision.
Le ministère se défend
De son côté, le ministère fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile indique que «les renvois en Haïti qui ont été reportés au cours des dernières semaines ont repris».
«Nous ne sommes pas en mesure de commenter sur des renvois précis pour des raisons de vie privée, ajoute le ministère. Le processus d’évaluation et les mesures de protection du Canada sont robustes en vue de s’assurer que personne n’est renvoyé à des risques ou à une persécution.»
Ces mesures comprennent notamment «une évaluation indépendante de toutes les demandes d’asile par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), un tribunal quasi judiciaire, un examen administratif par la CISR, un appel judiciaire à la Cour fédérale et un examen des risques avant renvoi dans certains cas».
«Selon la loi, une fois que toutes les voies d’appel sont épuisées, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) doit exécuter les mesures de renvoi dès que possible, conclut le ministère. L’ASFC continue de surveiller les circonstances précises en Haïti. Haïti ne remplit pas les critères pour lui imposer un sursis administratif aux renvois.»
Source/TVA Nouvelles
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