WASHINGTON, DC – En marge de sa récente démission avec fracas de son poste d’envoyé spécial de Washington en Haïti, l’ambassadeur Daniel Foote, a été reçu en audience par la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, où les démocrates et les républicains, membres de cette commission, ont dénoncé la politique des États-Unis vis-à-vis d’Haïti.
Dans sa déclaration liminaire, le représentant Gregory Meeks, président de la commission des Affaires étrangères, a reconnu que la politique actuelle de l’administration Biden à l’égard d’Haïti est un vestige de l’administration précédente et a désespérément besoin de changement.
« J’espère que les États-Unis cesseront de soutenir le gouvernement Henry. Je crois que les groupes sont très proches d’un accord, tant que les États-Unis n’insistent pas sur l’implication d’Henry », a déclaré tout de go Daniel Foote plaidant pour que la société civile ait voix au chapitre dans le nouveau gouvernement. « Il n’est pas essentiel qu’Ariel Henry ait une voix dans ce nouveau gouvernement », a-t-il ajouté.
À la question du représentant Andy Levin lui demandant si le gouvernement Henry survivrait sans le soutien américain, Daniel Foote y a répondu laconiquement : « je ne pense pas ». « Je dis à tout le monde depuis janvier que la politique américaine va dans la mauvaise direction », a ensuite rajouté le représentant Levin.
« Nos interventions politiques en Haïti n’ont jamais fonctionné. […] Je me sens responsable. Nous avons toujours priorisé la stabilité sur les causes profondes de l’instabilité […] La communauté internationale intervient toujours. Si nous soutenons les solutions des Haïtiens, les choses seront bien meilleures. L’élite politique a violé le pays », a expliqué Daniel Foote estimant que les Haïtiens ont l’impression d’avoir une chance de choisir leurs propres dirigeants politiques.
Ariel Henry a été nommé 2 jours avant l’assassinat du président Moïse, a souligné Daniel Foote, mais c’est la communauté internationale qui a décidé d’oindre Henry comme Premier ministre. « Les Haïtiens voient cela comme une ingérence et ne sont pas contents. Ils ne voient pas le gouvernement actuel comme crédible », a déclaré l’ancien envoyé spécial américain qui place le PM Ariel Henry dans le même bateau que PHTK. « La partie dirigeante PHTK a mis Haïti où il est aujourd’hui. Je ne crois pas qu’il devrait faire partie de la solution. »
« Nous avons en quelque sorte choisi Martelly et la même chose s’est produite avec Moïse », a admis Daniel Foote affirmant qu’Haïti n’a pas besoin de présidents ni de politiciens qui sont dans les Pandora Papers
« Nos échecs en Haïti n’ont pas commencé avec cette administration. Nous avons les mêmes conversations encore et encore et rien n’a changé », a constaté le représentant Chris Jacobs avant de s’enquérir sur les causes ayant conduit à la démission de l’ancien envoyé spécial, au-delà de l’immigration.
« Nous avons eu un désaccord sur la politique et sur la position de l’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince », a précisé Foote avant de dénoncer des acteurs dans l’administration Biden qui soutenaient Henry aveuglément alors qu’il réclamait le respect des solutions dirigées par Haïti.
En outre, a poursuivi Daniel Foote, « personne ne m’a posé de questions sur les déportations. J’ai découvert cela dans les nouvelles. En tant qu’envoyé spécial, je pensais que quelqu’un m’aurait demandé. Je ne pouvais tout simplement pas être associé à ces mauvais traitements. Les expulsions sont illégales ».
« L’administration Biden a abandonné Haïti », a martelé à son tour la représentante républicaine Maria Elvira Salazar, avant de remercier l’ambassadeur Foote pour son « courage » de dénoncer la politique américaine en Haïti.
« Pendant des années, j’ai été préoccupé par l’orientation de la politique américaine en Haïti […] Je ne pense pas que nous devrions faire confiance au gouvernement intérimaire actuel. Nous devons nous engager avec un large éventail d’organisations de la société civile et communautaires », a pour sa préconisé le représentant Albio Sires, également président du sous-comité de l’hémisphère occidental qui se dit consterné par le traitement des Haïtiens à la frontière américaine avec le Mexique.
« La déportation vers Haïti n’est pas la solution pour le moment », a insisté Foote. « Nos propres diplomates ne peuvent pas quitter leurs locaux sans des gardes armés », a-t-il noté.
« Notre système d’immigration a toujours traité les Haïtiens différemment, c’est un fait. Historiquement, les États-Unis n’ont pas reconnu que les Haïtiens font face à la persécution politique. Nous ne pouvons pas l’ignorer», a reconnu le représentant Meeks.
« Nous devons nous pencher sur les causes profondes de l’instabilité. Nous n’avons pas le temps d’appliquer un pansement », a poursuivi Meeks insistant sur le besoin réel de s’engager vers un changement majeur de la politique américaine vis-à-vis d’Haïti.
« Le changement ne peut pas simplement être lié à l’immigration. Nous avons besoin d’un changement dans notre politique vis-à-vis d’Haïti », a déclaré Meeks avant d’envisager l’envoi bientôt d’une délégation du Congrès à Haïti.
« Nous avons commencé à former la police nationale haïtienne en 1994. À mon départ en 2012, c’était une force adéquate. Au cours des quatre dernières années, la police s’est politisée. Des personnalités politiques sont arrivées et ont développé des liens avec les gangs », a indiqué Daniel Foote.
« Les gangs font la loi dans Port-au-Prince, ils sont en contrôle … et opèrent dans les environs de Pétion-ville, où il n’y a jamais eu de violence de gangs », a alerté l’ambassadeur Daniel Foote par-devant la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants.
La représentante Dina Titus a fait savoir que l’administration Biden a un budget de 8 millions de dollars pour aider à garantir la tenue des élections en Haïti. « Cela va prendre du temps. C’est inutile de les tenir si elles ne sont pas considérées comme crédibles », a réagi Daniel Foote à propos des élections.
Source/Le Nouvelliste
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