PARIS, FRANCE – L’écrivain d’origine haïtienne Dany Laferrière a été reçu en grande pompe jeudi à l’Académie française, sous les regards émus du président de la République de France, François Hollande, du premier ministre du Québec, Philippe Couillard, et d’une brochette d’artistes et de politiciens québécois.

Il s’agit du premier écrivain québécois à entrer à cet auguste cénacle fondé en 1635 et ayant pour mission de promouvoir la langue française. M. Laferrière est allé rejoindre 728 écrivains, certains d’entre eux particulièrement célèbres, comme Victor Hugo, Alexandre Dumas, Simone Veil et Hélène Carrère d’Encausse, tous immortalisés par l’Académie.

La cérémonie a été l’occasion d’entendre raconter l’enfance tragique de Dany Laferrière, le fait que sa famille a vécu sous la dictature des Duvalier, l’exil de son père révolutionnaire et son exil à lui à Montréal en 1976, où il a commencé à écrire. «C’est l’histoire de beaucoup de gens dans les pays du tiers-monde, situation politique chaotique, l’exil, les familles éclatées, c’est une histoire assez banale, courante […] On voudrait qu’elle ne soit plus de ce monde, que les gens aient une vie quotidienne moins douloureuse», a commenté l’écrivain.

Au cours de ces 39 années partagées entre le Québec et un bref séjour en Floride, Dany Laferrière a écrit une vingtaine de romans, de recueils de nouvelles et de récits: Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer, L’énigme du retour, qui lui a valu le prix Médicis, La chair du maître, L’odeur du café, etc.

«J’adore ça»

«C’est parce que j’ai écrit de nuit en nuit, d’angoisse en angoisse, de joie en joie que je suis arrivé à l’Académie française […] Depuis décembre 2013 je suis élu, tout ça me plaît, j’adore ça, a reconnu un Dany Laferrière refusant de dissimuler sa joie. Ma plus grande ambition, c’est de me glisser dans le dictionnaire moi-même», a-t-il ajouté, pince-sans-rire.

Le premier ministre Philippe Couillard a interrompu sa mission à Rome pour venir saluer Dany Laferrière à Paris. «Nous honorons un grand Québécois qui a réussi à traduire ses identités haïtiennes et québécoises. Un Québécois venu d’ailleurs, intégré dans notre société et qui garde son identité haïtienne peut produire de la fierté. C’est une belle leçon pour notre société […] Pour affirmer une identité, on n’a pas à renoncer à une autre.»

Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, a fait le voyage à Paris pour assister à la fête. «Que le Québec soit honoré par un Québécois d’adoption, c’est une belle illustration de ce sentiment d’ouverture que les Québécois ont toujours eu, c’est un moment très émouvant», a commenté M. Péladeau.

Trois ex-premiers ministres du Québec ont été témoins de la cérémonie: Pauline Marois, Jean Charest et Bernard Landry.

La communauté haïtienne du Québec était représentée par l’ex-gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean et la chanteuse d’origine haïtienne Régine Chassagne. «Je n’ai jamais entendu des discours aussi beaux de ma vie. J’espère qu’ils seront publiés. Je suis sous le choc d’avoir été présente à cet événement. Pour Haïti et pour le Québec, c’est vraiment un moment historique», a confié Mme Chassagne, membre du groupe Arcade Fire.

Ce qu’ils ont dit

«Le Québec a des raisons de se réjouir, la francophonie canadienne et Haïti aussi.»

– Michaelle Jean, Secrétaire générale de la francophonie

«La meilleure façon de protéger et de promouvoir le français c’est de bien le parler, bien l’écrire, de l’enseigner à nos enfants.»

– Philippe Couillard, premier ministre du Québec

«Si l’on a le bonheur d’appartenir à la cohorte des Borges, la vénérable cohorte de ceux dont la patrie première est la littérature, alors l’exil devient un accomplissement et une rédemption. C’est votre cas Monsieur.»

– Amin Maalouf, académicien

Source/Journal de Montreal

Photo/L’Avenir

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