WASHINGTON DC – 68 membres du Congrès américain exhortent le département d’État américain à indiquer clairement combien les États-Unis d’Amérique « ne fourniront aucun soutien, financier ou technique, pour faciliter le référendum constitutionnel » proposé par Jovenel Moïse, y compris par le biais d’institutions multilatérales, dans une lettre, en date du 26 avril 2021, adressée au secrétaire du département d’État, Antony Blinken, et dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Ces 68 membres du Congrès étasunien appellent le département d’État à garantir que l’argent des contribuables américains ne soit pas dépensé pour soutenir ce référendum, non prevu par la Constitution de 1987.
« L’administration Moïse manque de crédibilité et de légitimité, pour superviser un référendum constitutionnel, prévu en juin 2021, ou pour administrer des élections libres et équitables. La réforme constitutionnelle proposée, que les juristes considèrent comme inconstitutionnelle, concentrerait davantage le pouvoir exécutif », lit-on dans la correspondance.
Le registre référendaire sera fermé, le lundi 26 avril 2021, à minuit, a annoncé le Conseil électoral provisoire (Cep) inconstitutionnel et illégal.
Malgré le rejet de ce processus par les forces vives du pays, ledit Cep déclare encourager les citoyennes et citoyens à se rendre au bureau de l’Office national d’identification (Oni), le plus proche de leurs domiciles, en vue de remplir les formalités d’obtention de leurs cartes d’identification, dont la production, sur base d’un contrat avec la firme allemande Dermalog, non validé par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca), est dénoncée par plusieurs organismes nationaux de droits humains.
Sur diktat des Nations unies, dans un contexte de crise politique de plus en plus aiguë, le gouvernement de facto a été contraint de reporter, au 27 juin 2021, ledit referendum pour une nouvelle Constitution, initialement prévu pour le dimanche 25 avril 2021.
Pour justifier ce report, le ministre de facto, chargé des questions électorales, Mathias Pierre, a évoqué des exigences techniques et logistiques, imposées par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et le Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (Unops), en fonction des vingt (20) semaines requises pour l’acquisition et la distribution des matériels électoraux.
La semaine écoulée, Mathias Pierre a aussi annoncé que des mesures sont prises avec la nouvelle force armée de Jovenel Moïse et la Police nationale d’Haïti (Pnh), pour la mise à disposition d’espaces appropriés, pour la logistique du référendum inconstitutionnel et illégal, et des élections irrégulières.
Les élections parlementaires, locales et présidentielles, prévues pour l’automne 2021, pourraient augmenter considérablement le risque de violence dans tout le pays, préviennent les membres du Congrès étasunien.
Ils expriment aussi leurs préoccupations, par rapport au caractère non inclusif des élections envisagées, au manque de préparation administrative à organiser des élections, ainsi qu’à la composition inconstitutionnelle du Conseil électoral provisoire.
Tout processus électoral, organisé sous l’administration actuelle, ne sera pas libre, équitable ou crédible.
L’insistance continue des États-Unis d’Amérique, pour l’organisation d’élections à tout prix, ne fera que rendre plus problématiques les résultats des dits scrutins, restent persuadés les membres du Congrès américain.
Ils encouragent le département d’État à écouter les voix de la société civile haïtienne et des organisations de base, qui ont clairement indiqué « qu’aucune élection, sous l’administration actuelle en Haït, ne sera libre, juste et crédible ».
« Le Département d’État devrait plutôt se concentrer sur les problèmes de légitimité démocratique sous-jacents, identifiés par la société civile haïtienne, et soutenir un processus de changement, mené par Haïti ».
Des élections, qui seraient tenues sans répondre aux normes internationalement acceptées de participation et de légitimité, ne feront que saper davantage la foi en la gouvernance démocratique, poursuivent les 68 membres du Congrès américain.
Ils encouragent le département d’État à soutenir la souveraineté de ce qu’ils appellent le plus ancien voisin des États-Unis dans l’hémisphère, en réaffirmant l’attachement des États-Unis aux principes de la démocratie et de l’état de droit.
En Haïti, le débat autour du projet de référendum du président de facto Jovenel Moïse continue d’agiter les milieux, notamment politiques.
« L’appropriation nationale du projet de nouvelle Constitution exige l’engagement d’un éventail plus large des actrices et acteurs politiques, sociétaux, y compris les groupes de femmes et religieux dans tout le pays », avait exigé le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), dans un tweet.
A ce stade, « le processus n’est pas suffisamment inclusif, participatif ou transparent », a reconnu le Binuh, après la grogne, depuis plusieurs mois, des forces vives du pays contre le projet illégal de Constitution clandestine de Jovenel Moïse, « taillé sur mesure », pour asseoir de nouveau une dictature en Haïti.
En période de vide institutionnel, le processus devrait être inclusif et permettre à toutes et à tous de faire un débat approfondi avec l’opposition et la société civile, considère, de son côté, l’Union européenne (Ue), à travers son haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, l’Espagnol Josep Borell.
Il estime de plus que les conditions de violences en Haïti ne sont pas adaptées pour permettre un dialogue entre les forces politiques du pays, afin de trouver une issue à l’organisation d’élections libres, crédibles et démocratiques.
Le projet de référendum illégal et inconstitutionnel, du président de facto Jovenel Moïse, représente un exercice suicidaire, susceptible de provoquer encore plus de chaos en Haïti, met en garde, pour sa part, l’ancien député Jerry Tardieu, coordonnateur national du « Mouvement en avant », dans une prise de position.
Le projet de référendum pour une nouvelle Constitution est « techniquement impossible, méthodologiquement aberrant et politiquement suicidaire », considère l’ex-parlementaire.
Ce projet risque de conduire à la destruction de l’État, le déséquilibre des pouvoirs et la déresponsabilisation du président, souligne-t-il.
Quid des violations de droits humains
En ce qui concerne les violations de droits humains en Haïti, les 68 membres du Congrès étasunien disent prendre note des sanctions, imposées par le Département du Trésor américain, à trois personnes, dont deux anciens représentants du gouvernement, pour leur rôle dans le massacre de La Saline en novembre 2018.
« Cette évolution positive doit être élargie davantage ».
Dans un contexte de violations systématiques de droits humains en Haïti, une coalition haïtienne de défense des droits humains et la Clinique de droit de Harvard ont publié un rapport, qui révèle la complicité du gouvernement haïtien dans plusieurs crimes contre l’humanité.
A travers ce document, intitulé « Massacres cautionnés par l’État : règne de l’impunité en Haïti », ces institutions se livrent à une nouvelle analyse de trois massacres, perpétrés, entre 2018 et 2020, contre les résidentes et résidents des quartiers défavorisés de la capitale, Port-au-Prince : La Saline, Bel-Air et Cité Soleil, avec l’appui de l’État haïtien.
Ces massacres ont coûté la vie à au moins 240 civils, selon le rapport.
Sous la présidence de Jovenel Moïse, 11 massacres sont déjà perpétrés dans le pays, dont 3 au quartier de Bel Air, situé non loin du Palais national au Champ-de-Mars, avait relevé pour sa part, le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), après la plus récente attaque au Bel Air, les 31 mars et 1er avril 2021, qui a fait 13 morts, 5 disparus, selon un bilan partiel.
Source/AlterPresse
Photo/Archives
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