NEW YORK, NY – La situation dans laquelle se trouve actuellement Haïti est bien « sombre », de l’avis de tous les membres du Conseil de sécurité des Nations unies réunis ce lundi 4 octobre 2021 autour de la présentation du nouveau rapport du Secrétaire général retraçant les faits dramatiques récents ayant aggravé le vide institutionnel et exacerbé la crise sociopolitique que connaît actuellement pays en proie à l’insécurité généralisée.

Dans le rapport, Haïti est décrit comme le théâtre ces dernières années de nombreuses affaires criminelles particulièrement médiatisées qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes approfondies ni de poursuites. Avec notamment une augmentation de 5% du nombre d’homicides volontaires, atteignant 549 cas signalés, par rapport à la période précédente, une augmentation de 328 victimes signalées à la police au cours des huit premiers mois de l’année, contre 234 pour toute l’année 2020, et le déplacement de 19 000 personnes à cause des gangs dans les communes de Carrefour, de Cité-Soleil, de Croix-des-Bouquets, de Delmas et dans le quartier de Martissant à Port-au-Prince, la Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), Helen Meagher La Lime, est bien la seule à croire en l’existence de « signes encourageants».

Ces « signes encourageants » ne font que renforcer la conviction de la Représentante spéciale selon laquelle les citoyens haïtiens peuvent relever les défis structurels profonds, peut-on lire dans le compte rendu de la réunion du Conseil publié sur le site officiel de l’ONU. La conviction de la responsable onusienne se fonde donc sur le désir exprimé du Premier Ministre Ariel Henry, depuis sa prise de fonctions, de parvenir à un accord politique « dans un climat inclusif et consensuel propice à créer des conditions favorables à la tenue d’élections nationales ».

« Les élections se tiendront au plus tard à la fin de 2022 », a annoncé Mme La Lime soulignant que l’accord conclu par Ariel Henry avec plus de 150 partis politiques et organisations de la société civile, dont d’anciens groupes de l’opposition et de la coalition au pouvoir reprend, notamment les principales demandes des parties prenantes nationales, dont la formation d’un nouveau conseil électoral provisoire et l’inclusion de la diaspora.

Pour le Ministre haïtien des affaires étrangères, Claude Joseph, à l’heure de reconduire le mandat du BINUH, le Conseil de sécurité doit tenir compte des nouvelles réalités et l’adapter en conséquence, afin de le centrer essentiellement autour du renforcement de la sécurité et de la lutte contre la violence.

La « crise multidimensionnelle » qui prévaut actuellement en Haïti, a précisé la Représentante spéciale, est aussi marquée par la présence de centaines de groupes armés, qui sévissent au quotidien et commettent des massacres et des enlèvements de personnes.

« L’insécurité est devenue endémique à Port-au-Prince. Les enlèvements de personnes sont à nouveau repartis à la hausse, tandis que les gangs ont étendu leur contrôle dans de vastes parties la ville », a déclaré Helen La Lime estimant que le rétablissement de la sécurité, notamment dans la ville de Port-au-Prince, doit être une priorité pour les autorités haïtiennes.

Haïti a plus que jamais besoin du soutien de la communauté internationale pour faire face à cette situation humanitaire critique, ont reconnu l’ensemble des intervenants à cette réunion du Conseil de sécurité.

La Police nationale haïtienne cherche bien à améliorer l’efficacité de ses opérations antigangs, mais une force surchargée et sous-financée ne peut à elle seule endiguer cette augmentation inquiétante de la criminalité, a averti Mme La Lime, appelant le gouvernement à mettre en œuvre une approche plus globale de la lutte contre la violence des gangs, dans le cadre de la stratégie nationale de réduction de la violence communautaire, élaborée avec le soutien de l’ONU et approuvée le 5 juillet dernier.

Les États-Unis disent appuyer les efforts du BINUH pour que la Police nationale d’Haïti devienne une force pérenne, capable de rétablir l’ordre dans le pays. Linda Thomas-Greenfield, représentante des États-Unis, a appelé à des élections libres, régulières et indépendantes « dès que les conditions le permettront », et rappelé qu’il est essentiel que le secteur privé et la diaspora, entre autres, œuvrent de concert pour le retour du bon fonctionnement des institutions, notamment judiciaires. Les auteurs de massacres à la Saline et Cité soleil doivent rendre des comptes, tout comme les auteurs d’assassinats de militants et de journalistes, a-t-elle martelé.

Le rétablissement de la sécurité doit être un objectif prioritaire, a renchéri la France, qualifiant de « périlleuse » la période de transition qui s’ouvre. « Avec des institutions « déliquescentes », seul le dialogue peut sortir Haïti de la crise », a averti Nathalie Broadhurst Estival au nom de la France.

La seule solution à l’impasse politique actuelle passe par un processus de dialogue national authentique, inclusif, fondé sur une large base et dirigé par les Haïtiens, a fait valoir à son tour Saint-Vincent-et-les Grenadines, s’exprimant également au nom du Kenya, du Niger et de la Tunisie. Dans le même temps, « la situation actuelle offre une occasion unique pour la communauté internationale d’aider à empêcher Haïti de s’enfoncer davantage dans l’abîme », ont reconnu ces pays.

À l’avenir, les initiatives menées par les Haïtiens devraient être soutenues pour la tenue d’élections libres et régulières, a suggéré Emmanuela Douyon, représentante de la société civile, lors de son intervention, appelant l’ONU à s’engager dans une véritable lutte contre la corruption, en bloquant les flux financiers illicites et en renforçant le système judiciaire pour garantir l’application du principe de responsabilité.

Il est indispensable de mettre en œuvre des politiques pour prévenir le commerce illicite d’armes et la traite de personnes; Haïti doit adopter une stratégie de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, et démanteler les groupes criminels, ont recommandé le Mexique, qui accueille 20 000 Haïtiens réfugiés, et le Viet Nam.

La Fédération de Russie a déploré l’absence d’autorité stable qui, selon elle, a suscité un regain d’activité des groupes criminels, formant un « cocktail explosif ». Prenant acte de l’accord politique du 11 septembre, elle s’est toutefois dite persuadée que l’imposition de formules pour améliorer la situation venant d’acteurs extérieurs ne ferait qu’aggraver la situation. « La Russie est prête à continuer d’aider les Haïtiens et a déjà acheminé des lots d’équipement médical aux côtés de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) », a fait savoir le délégué russe, Dmitry A. Polyanskiy.

Même si elle considère que « la solution au dossier haïtien ne peut venir de l’extérieur », la Chine rejoindra les autres membres du Conseil de sécurité pour trouver une approche susceptible de faire sortir Haïti des obstacles systémiques, a avancé sa délégation.

Source/Le Nouvelliste
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