PORT-AU-PRINCE – Trois jours après l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse, les autorités du pays ont indiqué vendredi avoir demandé aux États-Unis et à l’ONU l’envoi de troupes afin de sécuriser des sites stratégiques.

Si l’on sait que le commando armé qui a exécuté le président était composé de 28 personnes (26 Colombiens et deux Américains d’origine haïtienne), aucun détail n’a émergé sur les raisons de cet acte ou sur l’identité de ses commanditaires, et le mystère sur cet assassinat reste entier.

La police et l’armée en Colombie ont affirmé qu’au moins 17 anciens militaires colombiens étaient soupçonnés d’être impliqués dans l’assassinat.

Craignant que des infrastructures vitales comme les ports, les aéroports, les terminaux pétroliers ou le transport des produits pétroliers ne soient visées pour créer la confusion, le gouvernement haïtien a demandé à Washington et aux Nations unies d’envoyer des troupes pour les sécuriser.

«Après l’assassinat du président, nous avons pensé que les mercenaires pourraient détruire quelques infrastructures afin de créer le chaos dans le pays. Au cours d’une conversation avec le secrétaire d’État américain et l’ONU, nous avions fait cette requête», a affirmé à l’AFP Mathias Pierre, ministre chargé des questions électorales.

Le département d’État américain a confirmé, par la voix d’un porte-parole, que le gouvernement haïtien avait «demandé une aide sécuritaire et en matière d’enquête».

«Nous restons en contact régulier avec les responsables haïtiens pour discuter de la manière dont les États-Unis peuvent aider», selon le département d’État.

Une source diplomatique à l’ONU avait plus tôt indiqué que les autorités haïtiennes avaient bien fait cette demande en vue de protéger l’aéroport et les installations pétrolières, mais qu’une résolution du Conseil de sécurité était nécessaire à cet effet.

Dix-sept individus ont été arrêtés – quinze Colombiens et deux Américains, pour leur implication dans le meurtre du président Moïse, criblé de balles à son domicile dans la nuit de mardi à mercredi, selon la police haïtienne.

Trois Colombiens aussi accusés d’être des membres du commando ont été tués par la police, tandis que huit autres étaient toujours en fuite, a par ailleurs précisé Léon Charles, directeur général de la police haïtienne, bien que les bilans différaient légèrement selon d’autres sources officielles.

Les armes et le matériel utilisés supposément par les assaillants, notamment des machettes, des portables ou encore des passeports colombiens, ont été récupérés par les forces de l’ordre, puis exhibés devant la presse tout comme plusieurs suspects alignés contre un mur et menottés.

Taipei a de son côté fait savoir vendredi que 11 suspects avaient été arrêtés dans le complexe de l’ambassade de Taïwan à Port-au-Prince.

Sans confirmer l’arrestation de ressortissants américains, les États-Unis ont dit qu’ils allaient envoyer des responsables du FBI et de la Sécurité intérieure à Port-au-Prince «aussi vite que possible».

«Nous devons savoir»

Paralysées pendant plusieurs jours, Port-au-Prince et les zones avoisinantes se sont réveillées vendredi dans un calme apparent et précaire, a constaté l’AFP sur place.

Les transports en commun, les banques, les pompes à essence, les commerces de rue et l’administration publique recommençaient à fonctionner, les gens se bousculant dans les supermarchés pour s’approvisionner en produits de première nécessité.

«Je ne sais pas ce qui va se passer demain ou après-demain au pays, alors je me prépare pour des jours mauvais. J’achète en priorité tout ce qui peut être conservé pendant plusieurs jours», explique à l’AFP Marjory, qui faisait ses courses dans un supermarché à Port-au-Prince.

Dans le pays, chacun restait toutefois aux aguets, essayant de comprendre comment une telle attaque avait pu se produire.

De hauts responsables de la police, chargés directement de la sécurité du président haïtien, sont notamment sur la sellette et convoqués devant la justice, a annoncé jeudi le chef du parquet de Port-au-Prince, Me Bed-Ford Claude.

«Je n’ai constaté aucun policier victime, sinon le président et son épouse. Si vous êtes responsables de la sécurité du président, où étiez-vous? Qu’avez-vous fait pour éviter ce sort au président?», a questionné Me Bed-Ford Claude.

D’autres s’interrogeaient même sur la possible implication de ces policiers, ajoutant à la confusion.

Cette attaque déstabilise davantage le pays le plus pauvre des Amériques, gangrené par l’insécurité.

Deux hommes prétendent actuellement diriger la nation de 11 millions d’habitants, dont plus de la moitié a moins de 20 ans.

L’un des derniers gestes politiques de Jovenel Moïse, mort à 53 ans, avait été de nommer lundi un énième premier ministre, Ariel Henry.

Mais quelques heures après le drame, c’est le premier ministre de transition Claude Joseph qui a décrété l’état de siège pour quinze jours, octroyant des pouvoirs renforcés à l’exécutif.

Si l’opposition a accusé M. Joseph d’accaparer le pouvoir, l’émissaire de l’ONU en Haïti a estimé qu’il représentait l’autorité responsable, car Ariel Henry n’avait pas encore prêté serment au moment de l’assassinat.

Le pays était déjà plongé dans une crise institutionnelle: Jovenel Moïse n’avait pas organisé d’élection depuis son arrivée au pouvoir début 2017 et le pays n’a plus de Parlement depuis janvier 2020.

Source/AFP
Photo/Archives
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