Inventivité et technologies sont invitées pour assurer la continuité de la vie religieuse. À Mulhouse, la megachurch évangélique Porte ouverte, accueillant jusqu’à 3 000 fidèles chaque dimanche, prévoit que les cultes seront uniquement « diffusés en live », et ce jusqu’au 15 avril. À Rome, depuis le 8 mars, le pape François officie en visioconférence, de sa bibliothèque. En Arabie saoudite, le petit pèlerinage à La Mecque (Omra) est suspendu. L’Église mormone annule toutes les cérémonies publiques dans le monde entier, « jusqu’à nouvel ordre ». En Belgique, les lieux de cultes juifs, musulmans et catholiques s’abstiennent de tout office. Le même sort est réservé aux religieux en Italie, ce à quoi le pape a répondu, ce vendredi, invitant les prêtres à ne pas laisser les fidèles « seuls » face au coronavirus.

Embrassades proscrites
Alors que tous les domaines de la vie publique sont affectés, le quotidien du croyant se trouve lui aussi bouleversé. Dans un communiqué du 6 mars, le consistoire israélite de Paris indique, par exemple, qu’il ne faut pas « embrasser les mezouzot ». Ces petits boîtiers contenant un morceau de parchemin de la Torah sont traditionnellement fixés à l’entrée des habitations juives, rappelant la présence de Dieu et sa bénédiction. Pour le croyant, il est d’usage de la toucher de la main droite et d’embrasser ensuite ses doigts. Dans ce contexte sanitaire, s’en abstenir est de mise. Dans les églises catholiques, « la paix du Christ » n’engage plus de contacts corporels (poignées de main ou embrassades) entre les paroissiens : une inclination main sur le cœur fera l’affaire.

Qu’il s’agisse de le purifier, de le sanctifier ou de le soumettre à l’ascèse, le corps est quotidiennement sollicité dans l’expérience croyante.

Les mesures sanitaires, qu’il s’agisse de l’application des « gestes barrières », ou de l’interdiction de rassemblements massifs, sont solidement relayées par les différents courants religieux. Les rassemblements exposent en effet les fidèles à une proximité physique, en lieu fermé et sur un temps « long », propice à la propagation du virus. Cela a notamment été le cas en Corée du Sud, où les deux tiers des 4 000 cas recensés sont liés à l’Église évangélique Shincheonji. Dans l’État de New York, c’est la synagogue Young Israel de New Rochelle qui a constitué, début mars, un foyer épidémique important.

Le corps et le sacré
Quand toute la vie sociale, économique et politique se trouve secouée par la propagation du Covid-19, il était prévisible que les religions subissent elles aussi la crise du virus, puisque le corps est partie prenante du sacré. Le sacré ne sait se passer du corps. Qu’il s’agisse de le purifier, de le sanctifier ou de le soumettre à l’ascèse, il est quotidiennement sollicité dans l’expérience croyante. Les ablutions des musulmans, les bains rituels juifs (mikvé) ou le don de l’hostie pour les chrétiens constituent autant d’actes liturgiques qui placent le corps au premier plan. En outre, la religion (du latin religare, « relier ») ne porte-t-elle pas en son sein la communauté, le besoin de « faire corps » ? « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » , a dit Jésus (Matthieu 18, 20).

Dans le judaïsme, il faut dix hommes adultes pour constituer un mynian, l’assemblée nécessaire à la tenue complète d’un office. Pèlerinages, offices et fêtes sont des temps de foi dans lesquels le collectif joue un rôle majeur. Au moment où les mesures se démultiplient pour arrêter la propagation du virus, les différentes communautés religieuses doivent participer, à travers le monde, de ces efforts collectifs primordiaux pour la santé de tous et de chacun.

Source/Le Monde des Religions
Photo/Archives
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