PARIS, France – L’opposition dénonce les trop faibles moyens mis en œuvre selon elle par l’exécutif pour prévenir Irma et prendre en charge les victimes.

Organiser les secours avant de faire la chasse aux pilleurs. Tel est le credo assumé par l’exécutif. Quatre jours après le passage dévastateur de l’ouragan Irma sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, alors que des scènes de chaos tournent en boucle et que les rumeurs galopent sur fond de pillages bien réels (une douzaine d’interpellations), le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a martelé dimanche sur Europe 1 que secourir ceux qui peuvent l’être a constitué la «première priorité» de l’Etat ces derniers jours. Irma a fait au moins 10 morts et 7 disparus dans les Antilles françaises, selon un bilan provisoire. Affirmant qu’il comprenait «parfaitement la colère» qui s’exprime sur place, le ministre a insisté sur les moyens déployés par l’Etat : «Personne n’a pensé que c’était une île loin et qu’on n’allait pas s’en occuper […]. Depuis quatre jours, les services publics sont hyper mobilisés.» Selon la Caisse centrale de réassurance, les dégâts s’élèveraient à 1,2 milliard d’euros. 3 000 rations alimentaires ont été distribuées et «100 000 le seront» dans les jours qui viennent, a indiqué le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, Jacques Witkowski. Il s’agit aussi de réapprovisionner les îles en médicaments.

«Un million de litres d’eau»
Samedi, la polémique politique a commencé à enfler à Paris. Le FN a été le premier parti à sortir du bois, Marine Le Pen dénonçant des moyens «tout à fait insuffisants», et des insulaires «obligés d’organiser leur propre défense». Au même moment ou presque, Macron annonçait d’un tweet le doublement des effectifs militaires et de police pour «renforcer rapidement la sécurité des sinistrés». A l’issue d’une réunion d’urgence convoquée samedi soir à l’Elysée, le Premier ministre, Edouard Philippe, a précisé que trois escadrons de gendarmes mobiles allaient être envoyés sur place. Outre les 410 gendarmes et 80 policiers déjà déployés, 380 militaires, 240 gendarmes mobiles, 30 hommes du GIGN et 15 du GIPN étaient ainsi «en cours d’acheminement». Des légionnaires venus de Guyane doivent aussi participer aux opérations. La «première consigne» donnée aux forces de l’ordre est «de pouvoir apporter de l’eau dans tous les territoires», a dit le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb. «Nous avons un million de litres d’eau. Le problème n’est pas de l’avoir, mais de la distribuer», a-t-il expliqué. «La sécurité» est leur deuxième urgence a-t-il ajouté, reconnaissant «un certain nombre de pillages». «On me dit qu’il y a 410 gendarmes déjà sur place, ça n’est pas ce que constate la population», a réagi dimanche l’ex-ministre PS des Outre-Mer Victorin Lurel depuis Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), reconnaissant toutefois qu’il ne s’agissait que de «ressenti».

«Une défaillance de l’Etat»
Dimanche, les critiques de l’opposition sur la gestion de l’Etat en amont du passage d’Irma se sont amplifiées. Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Eric Ciotti (LR) ont chacun réclamé une commission d’enquête parlementaire. «Pour savoir si l’on a prépositionné des forces militaires et civiles en nombre suffisant, alors qu’on savait que l’ouragan arrivait», a précisé le leader des insoumis sur France 3. Sur RTL, Ciotti, lui, a pointé «un défaut d’anticipation» et «une défaillance de l’Etat» : «On aurait dû mieux prépositionner des forces, des unités de sécurité civile pour protéger les populations, des militaires.»

Ancien député de Guadeloupe, Lurel a entonné le même refrain. «L’Etat devrait faire davantage, mieux et autrement», a-t-il dit, jugeant notamment qu’il aurait fallu évacuer Saint-Martin et Saint-Barthélemy avant. Et en priorité les personnes hospitalisées – l’hôpital de Saint-Martin, endommagé par Irma, était «à nouveau fonctionnel» dimanche, selon Gérard Collomb.

Comme d’autres, Lurel a souligné qu’«un cyclone est prévisible», à la différence des tremblements de terre, et que «Saint-Martin et Saint-Barthélemy, c’est 50 000 personnes, […] on peut gérer ça mieux». L’ex-président de la région Guadeloupe juge par ailleurs qu’il faut «plus de forces de sécurité, plus de moyens projetables dans les deux îles», avec pour modèle «ce qui a été fait dans la partie néerlandaise de l’île, avec des soldats, l’armée qui est dans tous les quartiers et qui contrôle». «Ça n’est pas le cas dans la partie française», a-t-il regretté, en appelant à l’intervention de l’armée.

Interrogé à ce propos, Christophe Castaner a réfuté toute sous-estimation du phénomène météorologique et toute défaillance de la puissance publique : «Evidemment nous savions depuis quelques jours que le risque était extrêmement élevé», «évidemment nous avions mis des militaires, des services de soins, de santé en mobilisation en Guadeloupe, parce qu’il aurait été inopportun de les localiser sur le site à risque». Et d’ajouter : «Plus de 1 000 personnes sont immédiatement intervenues sur site», avant de vanter «un service de sécurité civile en France d’un niveau exceptionnel». Sur les réseaux sociaux, des graphiques détaillant le nombre de forces de l’ordre mobilisées ont largement tourné ce week-end. Tout comme les rumeurs les plus alarmantes : le Premier ministre a ainsi démenti lui-même la supposée évasion d’un grand nombre de prisonniers du côté néerlandais de Saint-Martin. Dimanche soir, le ministre de l’Intérieur a annoncé qu’Emmanuel Macron partirait pour Saint-Martin ce lundi dans la soirée.

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Source/Liberation
Photo/Archives
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