SANTA CRUZ, Bolivie — Dans le cadre de son séjour en Amérique du Sud, le pape François a transmis ses excuses au nom de l’Église catholique pour les «péchés» et les «blessures» infligées aux peuples autochtones du continent lors de l’arrivée des colons européens il y a de cela plusieurs siècles.

Le souverain pontife a «humblement» demandé pardon aux groupes autochtones qui étaient réunis en Bolivie, jeudi, aussi en présence du président Evo Morales — le premier président autochtone de l’histoire du pays.

François a exprimé ses regrets que de «graves péchés» et des «crimes» aient été commis auprès de ces gens par l’Église pendant «ladite conquête de l’Amérique», a-t-il déclaré.

Le pape, s’écartant de son discours préparé, a toutefois rappelé que des milliers de religieux avaient défendu les Autochtones pendant ces années. Alors qu’il y avait une «abondance de péchés», il y avait aussi une «abondance de grâce», a-t-il affirmé.

L’un de ses prédécesseurs, Jean-Paul II s’était aussi excusé en 1992, lors d’un passage en République dominicaine, pour la «douleur et la souffrance» causées par l’Église pendant plus de 500 ans.

Le discours du pape a été accueilli par des applaudissements nourris des participants à la rencontre. L’un des chefs autochtones, Adolfo Chávez, a déclaré qu’ils acceptaient ses excuses, qui étaient «beaucoup plus que ce qu’ils auraient pu espérer».

Amandina Quispe, de la nation Campesino, au Pérou, a toutefois rappelé que l’Église devrait aussi remettre des terres qu’elle avait conquises des Autochtones pendant cette période.

«L’Église a volé nos territoires et détruit nos temples à Cuzco pour y construire ses églises — et ils nous font maintenant payer pour les visiter», a-t-elle déploré.

Les excuses du chef de l’église étaient les bienvenues à la suite de la controverse sur l’annonce de la canonisation prochaine du prêtre du 18e siècle, Junipero Serra, qui a mené des missions partout à travers la Californie. Or, selon certains de ses détracteurs, le religieux aurait converti brutalement des Autochtones au christianisme, rasant plusieurs villages sur son passage.

Lors de son passage en Amérique du Sud, l’ancien pape Benoit XVI avait quant à lui défendu le rôle de l’Église à l’époque coloniale. «En fait, la proclamation de Jésus et de l’Évangile n’impliquait pas quelconque aliénation des cultures précolombiennes, ni l’imposition d’une culture étrangère», avait-il déclaré.

Benoit XVI avait plus tard reconnu que le travail des religieux avait aussi eu une facette «plus sombre».
Plus tôt, jeudi, le pape François a dénoncé la culture du «gaspillage» de la société moderne qui, a-t-il dit, l’amène à mettre de côté tous les individus non productifs.

Il a lancé cet appel dans le cadre d’une première messe publique en Bolivie. Il a rencontré ensuite des organisations qui défendent les droits des pauvres et des travailleurs, des causes qui préoccupent grandement le premier pape issu d’Amérique latine.

Des Boliviens ont commencé à affluer pendant la nuit vers la place du Christ Rédempteur de Santa Cruz, dans le sud-est du pays, pour assister à la messe du pape. Le gouvernement avait fait de jeudi une fête nationale pour permettre aux ouvriers et aux étudiants d’être présents pour la cérémonie.

Le pape a célébré la messe sur un autel de bois fabriqué par des artisans du peuple chiquitano, un des 36 groupes autochtones du pays. Des lectures ont été effectuées en guarani et en aimara, deux des langues autochtones du pays.

Le pape avait précédemment revêtu ses vêtements liturgiques dans un restaurant Burger King voisin, fermé pour la matinée.

S’adressant aux fidèles du pays le plus pauvre d’Amérique du Sud, le pape a déploré la mentalité dominante de l’économie mondiale, où tant de gens sont «rejetés» aujourd’hui — les pauvres, les aînés, ceux qui ne sont pas productifs.

«C’est une mentalité pour laquelle tout a un prix, où tout peut être acheté, où tout est négociable, a-t-il dit. Cette façon de penser n’a de place que pour quelques individus choisis, et elle met de côté tous ceux qui ne sont pas productifs.»

Son discours-programme devrait compter parmi les faits saillants de son périple, en mettant à l’avant-plan certaines des priorités d’une Église qui se préoccupe surtout des pauvres et des marginaux.

Le premier sommet du genre avait eu lieu en octobre au Vatican. Le pape en avait alors profité pour dénoncer l’injustice du chômage et le scandale de la pauvreté. Il avait aussi insisté sur la nécessité de prendre soin de la Terre.

Source/Agence France-Presse
Photo/La Naciòn
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