WASHINGTON DC – Après plusieurs mois de menaces, c’est sans surprise que le président Donald Trump a annoncé mardi le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien avec un retour de toutes les sanctions américaines. Une décision désapprouvée par tous les autres signataires, qui craignent une escalade de tension.

« La vie ne sera pas facile pour Trump dans les prochains mois. Le monde, surtout le Moyen-Orient, se dirige vers une plus grande insécurité et les États-Unis viennent de perdre un grand levier de contrôle sur l’Iran », estime Vahid Yucesoy, membre du Centre d’études et de recherches internationales (CERIUM).

Quinze mois après son arrivée au pouvoir, M. Trump a tenu une promesse de campagne : « démanteler » cet accord emblématique, fruit de 21 mois de négociations internationales pour empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique.

« Nous ne pouvons empêcher une bombe nucléaire iranienne avec la structure pourrie de l’accord actuel. L’entente avec l’Iran est défaillante dans son essence même », a dit le président lors d’un discours d’une dizaine de minutes à la Maison-Blanche.

M. Trump a justifié sa décision par le fait que cet « accord désastreux » n’empêchait pas l’Iran de développer son programme nucléaire et de financer des organisations terroristes au Moyen-Orient.

« Il n’y a rien de surprenant dans la décision de M. Trump. C’était une de ses promesses et, selon moi, il se sert du retrait de l’accord comme écran de fumée pour détourner l’attention des scandales dans lesquels il est plongé, que ce soit celui avec Stormy Daniels ou l’enquête sur la collusion avec la Russie », croit Michel Fortmann, professeur honoraire en sciences politiques à l’Université de Montréal.

Concrètement, Donald Trump a choisi l’option la plus radicale : toutes les sanctions levées en contrepartie de l’engagement pris par la République islamique de ne pas se doter de l’arme nucléaire sont rétablies. « Immédiatement » pour les nouveaux contrats, et d’ici le 6 août ou le 4 novembre pour les entreprises, y compris étrangères, déjà présentes en Iran, qui ont donc trois à six mois pour en « sortir ».

Le conseiller à la sécurité nationale John Bolton a même laissé planer la menace de « sanctions supplémentaires » pour « mettre le plus de pression économique possible sur l’Iran ».

« Plusieurs entreprises européennes devront faire un choix économiquement douloureux entre l’Iran et les États-Unis. Plusieurs ne voudront pas risquer de maintenir leurs investissements s’il y a de sévères conséquences », souligne M. Yucesoy.

Le président iranien, Hassan Rohani, qui s’était beaucoup investi dans cet accord, a accusé son homologue américain de pratiquer « une guerre psychologique ».

C’est « une grave erreur », a aussi réagi l’ex-président démocrate Barack Obama, sortant de sa réserve pour défendre le texte conclu sous son gouvernement et mis selon lui « en danger » par son successeur.

La décision de M. Trump vient limiter les marges de manoeuvre des Européens « déterminés » à sauver le compromis de 2015.

Dans un communiqué commun, le président français, Emmanuel Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel, et la première ministre britannique, Theresa May, qui s’étaient tous trois investis en vain pour tenter de convaincre Donald Trump de rester dans l’accord, se sont dits « déterminés à assurer la mise en oeuvre » de ce texte en « maintenant les bénéfices économiques » au profit de la population iranienne.

Moscou a aussi fait part de sa « profonde déception » et de son « extrême inquiétude ».

En revanche, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, plus ferme soutien de Donald Trump sur ce dossier, a soutenu « totalement » cette décision « courageuse », tout comme le royaume sunnite d’Arabie saoudite, grand rival régional de l’Iran chiite.

L’annonce américaine était très attendue au Moyen-Orient — la Turquie a dit craindre « de nouveaux conflits ». Mais aussi de l’autre côté de planète, en Corée du Nord, à l’approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un sur la dénucléarisation de la péninsule.

Les autres signataires de l’accord avaient défendu jusqu’au bout ce compromis qu’ils jugent « historique », soulignant que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.

En janvier, l’ancien magnat de l’immobilier avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu’au 12 mai pour « durcir » sur plusieurs points l’accord qu’il voue aux gémonies.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a dit regretter la décision du gouvernement Trump. « Le Canada souscrit à un ordre international efficace et fondé sur des règles, et il estime que le Plan d’action global conjoint (PAGC) est essentiel pour éviter que l’Iran n’acquière la capacité de fabriquer des armes nucléaires et pour assurer une plus grande sécurité régionale et mondiale », a-t-elle affirmé dans un communiqué.

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Source/Le Devoir
Photo/Le Devoir
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