MONTRÉAL, Canada – L’ex-premier ministre par intérim d’Haïti Claude Joseph était de passage à Montréal, dimanche, pour rencontrer des membres de la diaspora. Malgré les allégations voulant qu’il soit lié à l’assassinat du président Jovenel Moïse, survenu en juillet 2021, le politicien dit combattre « le système » qui gangrène la Perle des Antilles et se prépare à de nouvelles élections avec son propre parti.

À l’extérieur d’un hôtel de la métropole, où M. Joseph a rencontré une équipe de Radio-Canada pour une courte entrevue, quelques dizaines de personnes crient des slogans ciblant l’ex-premier ministre par intérim.

Claude Joseph, assassin! Canada, complice!, entend-on à répétition. Pourtant, à l’intérieur, de l’autre côté du cordon formé par des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le principal intéressé est tout sourire.

Nous voulons présenter une nouvelle offre politique, avec des jeunes capables et sensibles au développement du peuple, indique M. Joseph.

Il se présente comme un politicien « antisystème » qui combat les oligarques corrompus, mais aussi les représentants du Parti haïtien Tèt Kale, le PHTK.

C’est pourtant de ce même PHTK qu’est issu Jovenel Moïse, sous qui Claude Joseph a été ministre des Affaires étrangères. C’est même M. Joseph qui a annoncé, le 7 juillet 2021, que M. Moïse avait été assassiné pendant la nuit. Il laissera sa place à la tête du gouvernement à Ariel Henry, 12 jours plus tard, et quittera son poste de ministre des Affaires étrangères en novembre de la même année.

Depuis la création de sa plateforme politique EDE (les Engagés pour le Développement) en septembre dernier, il souhaite se positionner comme une alternative aux partis politiques traditionnels qui, dit-il, effectuent des kidnappings et s’adonnent au chantage politique.

Ce système, dit encore Claude Joseph, contrôle différents secteurs de l’économie nationale, ce qui empêche la diaspora d’investir, de mettre à profit leurs idées pour le pays. Voilà pourquoi M. Joseph dit voyager à l’extérieur du pays. Il était d’ailleurs de passage en France avant de venir au Québec. À chaque occasion, soutient-il, l’accueil de la diaspora a dépassé ses attentes les plus folles.

Son passage en terre canadienne n’a toutefois pas mené à des rencontres avec des politiciens d’ici.

Claude Joseph pourrait-il se porter candidat au poste de premier ministre en Haïti? Je ne suis pas intéressé, ce n’est pas important pour moi, répond-il. L’homme politique n’offre toutefois pas de réponse aussi claire lorsqu’on lui demande s’il souhaiterait accéder à la fonction suprême, celle de président.

Futur candidat politique ou non, M. Joseph multipliera les charges contre le « système » tout au long de sa courte entrevue. Et il se soucie peu de ses détracteurs, que l’on retrouve aussi dans divers organismes de la diaspora. « Je ne serai pas intimidé », lance Claude Joseph, accusant à demi-mot ses opposants de faire partie du même « système ».

Sombre bilan
Pourtant, selon deux membres de la diaspora provenant d’organismes basés à Montréal, Claude Joseph et son successeur, Ariel Henry, sont responsables des malheurs qui s’abattent sur Haïti depuis un certain temps.

La communauté [haïtienne] devrait être indignée comme je le suis, affirme Frantz André, porte-parole de l’organisation Solidarité Québec-Haïti.

Il était ministre sous Jovenel Moïse, qui a été assassiné en juillet [2021]. On pense qu’il pourrait être mêlé à cet assassinat. Et qu’il vienne ici, au Canada, nous faire la leçon, à savoir qu’il faut un changement en Haïti…

On ne devrait pas admettre au Canada Claude Joseph, qui est selon nous un premier ministre illégitime et qui n’a toujours pas été blanchi de crimes, a poursuivi M. André. Il juge son successeur Ariel Henry tout aussi illégitime, puisqu’il a été nommé par un groupe de nations comprenant entre autres le Canada et les États-Unis.

Frantz André estime que la création d’EDE n’est rien de moins qu’une tentative de blanchiment de la réputation de l’ex-premier ministre en se distanciant du parti de Michel Martelly, dont il faisait partie jusqu’à tout récemment.

De toute façon, poursuit M. André, impossible de tenir des élections en Haïti présentement, en raison de la situation sécuritaire catastrophique. Des bandes criminelles contrôlent de grandes parties du pays, y compris le port par où transite la majeure partie du carburant.

Selon M. André, la sortie de crise ne passe pas par une nouvelle intervention militaire, mais plutôt par la Cour pénale internationale afin de poursuivre les individus, les partis, les groupes qui ont mené le pays là où il est.

Régime prédateur et criminel
Pour sa part, Monique Clesca, du Bureau de suivi de l’Accord de Montana, a peu de choses à dire sur Claude Joseph, mais dénonce avec véhémence son successeur Ariel Henry.

L’Accord de Montana, signé le 20 août 2021 par plusieurs parties civiles et formations politiques haïtiennes, visait à mettre en place un nouveau gouvernement provisoire à la suite de l’assassinat de M. Moïse, un mois plus tôt.

Mme Clesca explique que les tenants de l’accord jugent qu’Haïti est devenu un État prédateur qui ne satisfait pas les droits de la population.

Depuis l’arrivée d’Ariel Henry au poste de premier ministre, la situation a empiré. Il y a eu plusieurs massacres. M. Henry a un bilan absolument désastreux.

C’est un régime qui nous tue, qui continue à nous tuer, avec des viols et des viols collectifs, a ajouté Mme Clesca.

C’est un régime prédateur et criminel qui date d’au moins 11 années, poursuit celle qui invite à une rupture avec le genre d’État promu par Ariel Henry.

À ces ambitions, Claude Joseph répond que les signataires de l’accord sont, eux aussi, membres du « système ».

Source/Radio-Canada
Photo/Archives
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