BAGDAD, Irak – Cinq jours après l’élimination du général Qassem Soleimani par les États-Unis, l’Iran a riposté mercredi en tirant des missiles contre deux bases abritant des soldats américains en Irak.

Selon le Pentagone, une douzaine de missiles ont été lancés depuis l’Iran contre les bases d’Aïn al-Assad et d’Erbil.

Ces raids, revendiqués par Téhéran, marquent un tournant faisant redouter une escalade régionale ou un conflit ouvert, même si dirigeants américain et iranien ont rapidement semblé vouloir calmer le jeu.

Dans un tweet au ton particulièrement léger et plutôt apaisant, le président américain Donald Trump a indiqué qu’il ferait une déclaration mercredi matin et laissé entendre que le bilan n’était pas très lourd. «L’évaluation des dégâts et des victimes est en cours. Jusqu’ici, tout va bien!», a-t-il lancé.

De son côté, Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, a affirmé que son pays avait mené et «terminé» dans la nuit des représailles «proportionnées». «Nous ne cherchons pas l’escalade ou la guerre», a-t-il insisté.

L’agence fédérale de l’aviation américaine (FAA) a interdit aux avions civils américains le survol de l’Irak, de l’Iran et du Golfe.

Les cours du pétrole s’envolaient de plus de 4,5% mercredi matin dans les échanges en Asie.

Les Gardiens de la révolution iraniens, l’armée idéologique de la République islamique, ont conseillé à Washington de rappeler ses troupes déployées dans la région «afin d’éviter de nouvelles pertes», et menacé de frapper Israël et «des gouvernements alliés» de l’Amérique.

Ces tirs interviennent alors que se terminent à peine les funérailles du général Qassem Soleimani, assassiné vendredi à Bagdad avec l’Irakien Abou Mehdi al-Mouhandis, leader des paramilitaires pro-Iran désormais intégrés aux forces de sécurité irakiennes.

«Des missiles balistiques ouvertement lancés depuis l’Iran sur des cibles américaines, c’est une nouvelle phase», a estimé Phillip Smyth, spécialiste des groupes chiites armés, rappelant que Téhéran avait tendance jusqu’ici à répondre via des factions, sans revendications.

Si Donald Trump a clairement écarté mardi toute intention de quitter l’Irak, certains des alliés occidentaux des États unis ont annoncé leur retrait militaire partiel, alimentant les craintes de voir les tensions actuelles saper la lutte antijihadistes.

Un retrait des troupes américaines «serait la pire chose qui puisse arriver à l’Irak», a déclaré le locataire de la Maison-Blanche, évoquant le danger que représente à ses yeux pour ce pays l’imposant voisin iranien. «À un moment donné, nous partirons», «mais ce moment n’est pas venu», a-t-il assuré.

Quasiment au même moment, son ministre de la Défense Mark Esper martelait, lors d’une conférence de presse, que la politique américaine n’avait «pas changé»: «Nous ne quittons pas l’Irak».

L’administration Trump avait créé la confusion lundi en transmettant par erreur aux autorités irakiennes une lettre annonçant des préparatifs en vue du retrait de leurs soldats. Ce courrier faisait référence à un vote du Parlement irakien qui a exhorté dimanche son gouvernement à expulser les troupes étrangères d’Irak après la colère provoquée par l’élimination de Soleimani.

Signe d’un dialogue de sourds qui pourrait se prolonger, le premier ministre démissionnaire irakien Adel Abdel Mahdi a confirmé mardi avoir reçu une lettre «signée» et «très claire» du commandement américain annonçant un retrait militaire.

Et pour ajouter au climat d’incertitude, la coalition internationale contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) affiche de premières fissures.

Si la France et l’Italie ont fait savoir leur intention de rester en Irak, les Canadiens et les Allemands ont annoncé mardi le redéploiement d’une partie de leurs soldats vers la Jordanie et le Koweït. L’OTAN a décidé de retirer temporairement une partie de son personnel d’Irak.

Après le vrai-faux retrait total des troupes américaines de Syrie, annoncé par Donald Trump à deux reprises depuis un an avant qu’il ne fasse volte-face, il s’agit d’un nouveau coup porté à la lutte contre l’EI, alors que les experts ne cessent de mettre en garde contre une résurgence du groupe jihadiste malgré l’élimination de son «califat» territorial irako-syrien.

La mort du général Soleimani alors qu’il se trouvait à Bagdad n’en finit donc pas de faire de vagues.

Pendant l’hommage à Kerman, sa ville natale du sud-est de l’Iran, une foule immense a réclamé vengeance aux cris de «Mort à l’Amérique», comme lorsque son cercueil a fait étape, dimanche et lundi, à Téhéran et dans d’autres localités iraniennes.

Mais une bousculade a fait 56 morts et 213 blessés, selon le dernier bilan officiel publié par les médias locaux.

Selon l’agence iranienne Fars, Qassem Soleimani a été enterré dans la nuit.

Le Parlement iranien a adopté en urgence une loi classant toutes les forces armées américaines comme «terroristes» après la mort de l’architecte de la stratégie de l’Iran au Moyen-Orient, souvent considéré comme un héros dans son pays pour le combat contre l’EI.

Mais alors qu’il avait personnellement menacé de frapper des sites culturels iraniens en cas de riposte militaire de Téhéran, Donald Trump a fait machine arrière. «Selon diverses lois, nous sommes censés être prudents avec leur héritage culturel», a-t-il dit, avant d’assurer: «j’aime respecter la loi».

Le débat fait déjà rage, aux États-Unis et au-delà, sur la légalité même de la frappe pour éliminer Soleimani, qui plus est dans un pays tiers. Le président Trump «avait absolument les bases légales appropriées», a répondu son secrétaire d’Etat Mike Pompeo.

Dans ce contexte tendu, Mohammad Javad Zarif, qui devait assister jeudi à une réunion du Conseil de sécurité à l’ONU, à New York, a affirmé avoir été informé par le chef des Nations unies que les États-Unis lui avaient refusé son visa.

Source/AFP
Photo/La Voix du Nord
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