Malgré les avancées importantes d’Haïti en matière de protection des droits de l’homme, un nouveau rapport de l’ONU, publié vendredi, met en lumière les manquements du système judiciaire du pays, l’usage illégal de la force par des agents de l’État, ainsi que la situation humanitaire préoccupante des milliers de personnes d’origine haïtienne déportées en Haïti par la République dominicaine.

Réalisé par le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), ce rapport annuel analyse la situation des droits de l’homme en Haïti entre juillet 2014 et juin 2015. Il met en évidence des avancées en matière de droits de l’homme, s’agissant notamment de la protection des enfants contre le trafic, la prostitution et la pornographie.

« Haïti est devenue partie au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants », salue notamment le rapport.

Au titre des avancées, le document note également la promulgation du décret électoral, le 2 mars 2015, par le Président de la République, suivi de la publication du calendrier électoral prévoyant le premier tour des élections législatives.

« Néanmoins, le rapport souligne aussi des faiblesses dans le processus de respect des droits humains, liées notamment à l’augmentation de la population carcérale et au traitement inhumain et dégradant que reçoivent les prisonniers, une situation qualifiée d’alarmante », se sont inquiétés le HCDH et la Mission de l’ONU pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), dans un communiqué de presse conjoint à l’occasion de la publication du rapport.

« La population carcérale n’a cessé d’augmenter au cours de la période, rendant encore plus alarmante une situation qui était déjà critique, équivalente à un traitement cruel, inhumain et dégradant », s’inquiète ainsi le rapport, ajoutant que les dysfonctionnements du système judiciaire et le nombre important d’arrestations illégales sont parmi les causes de cette situation qui ne cesse de se détériorer depuis 2004.

Le rapport mentionne également plusieurs allégations d’usage illégal de la force par des agents de l’État, entraînant la mort dans plusieurs cas.

Il souligne par ailleurs l’extrême lenteur du déroulement des procédures judiciaires dans des affaires liées aux crimes politiques du passé, comme les affaires dites « Duvalier », « Aristide » ou l’affaire de l’assassinat du journaliste Jean Léopold Dominique.

Selon le rapport, ces affaires mettent en lumière l’incapacité, ou le manque de volonté du ministère public à mener ces poursuites et constituent un obstacle dans la lutte contre l’impunité.

« Le Comité des droits de l’homme a également exprimé ses inquiétudes face à la lenteur du procès contre M. Duvalier et a exhorté l’État à poursuivre l’instruction et traduire en justice toutes les personnes responsables de violations graves et octroyer aux victimes une réparation juste et équitable », appelle le rapport.

Concernant les relations entre Haïti et la République Dominicaine, le rapport souligne combien la situation préoccupante qui s’est développée à la frontière entre les deux pays, où des milliers de personnes d’origine haïtienne, ou considérées haïtiennes par les autorités dominicaines, retournent ou se font déporter en Haïti.

Le rapport rappelle que cette situation s’est développée après une décision de la Cour constitutionnelle dominicaine selon laquelle les enfants nés en République dominicaine de parents en situation irrégulière n’ont plus accès à la nationalité dominicaine.

« Suite à cette décision, 210.000 personnes d’origine haïtienne auraient été privées de leur nationalité. Selon le gouvernement dominicain, 524 000 migrants seraient en situation irrégulière, une grande partie d’entre eux d’origine haïtienne », indique le rapport, s’inquiétant de la capacité d’Haïti à répondre aux besoins humanitaires urgents liés à ces retours.

Au regard des nombreux défis en matière de mise en œuvre des droits de l’homme dans le pays documentés dans ce rapport, la MINUSTAH et le HCDH ont adressé au gouvernement haïtien une série de recommandations, lui enjoignant de faire appel à leur expertise, ainsi qu’à celle des Nations Unies, de la communauté internationale et des différentes organisations des droits de l’homme, afin de mettre en œuvre les recommandations qui lui sont faites, notamment pour lutter contre la surpopulation carcérale et la détention provisoire prolongée.

Le HCDH et la MINUSTAH ont également appelé l’État haïtien à devenir partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi qu’à son Protocole facultatif établissant un système de visites régulières, effectuées par des organismes indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Ils ont enfin appelé l’État haïtien à faire appel à l’expertise du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition dans ses efforts pour mettre en œuvre des mesures judiciaires et non-judiciaires afin d’aborder la question des violations graves des droits de l’homme commises dans le passé, notamment pendant la présidence de M. Duvalier.

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Source/Minustah
Photo/Archives
www.anmwe.com

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