WASHINGTON, D.C. – Le jour suivant les élections, le Chef de mission a présenté lors d’une conférence de presse un rapport contenant des observations et recommandations préliminaires. La mission a attiré l’attention sur le nombre élevé de représentants de partis politiques présents dans les centres de vote et a constaté que plus de 900 000 accréditations avaient été octroyées par la CEP. De plus, les observateurs ont rapporté que les bureaux de vote étaient bondés, ce qui a rendu difficile le respect du suffrage secret. La MOE/OEA a émis une série de recommandations à la CEP dans le but d’améliorer les conditions en vue du deuxième tour du scrutin présidentiel prévu pour le 27 décembre.

Suite aux élections, certains partis politiques ont avancé des allégations de fraude et d’irrégularités dans la course électorale et ont demandé l’annulation des élections et l’installation d’une commission d’évaluation indépendante. Pour répondre à ces demandes la CEP a mis sur pied un comité interne composé de quatre de ses membres afin de recevoir et d’examiner les plaintes. Le comité a reçu 162 plaintes concernant des délits électoraux, dont 43 ont été transmises au Centre de tabulation pour vérification. Les acteurs politiques n’ont pas été satisfaits des conclusions du comité.

Le 5 novembre, onze jours après les élections, le CEP a publié les résultats préliminaires du scrutin présidentiel, qui donnaient l’avantage à Jovenel Moise, le candidat du PHTK, le parti au pouvoir, avec 32.81 % des voix, suivi par Jude Celestin, le candidat de la LAPEH, avec 25.27 % des voix. Moise Jean-Charles de Pitit Desallines a écopé de la troisième place avec 14.27 % des voix et Maryse Narcisse de Lavalas a terminé à la quatrième place en récoltant 7 % des voix. Les autres candidats ont obtenu moins de 5 % des voix. Comme aucun candidat n’a récolté 50 % + 1 voix, un deuxième tout de scrutin présidentiel a été prévu, conformément à la législation en vigueur.

Il convient de préciser que les résultats publiés par le CEP coïncident avec ceux produits par l’échantillon statistique obtenu par les observateurs de l’OEA.

Face aux nombreuses remises en question des résultats officiels, la mission a réalisé trois croisements statistiques supplémentaires en tenant compte des procès-verbaux officiels et des rapports d’incidents présentés par les observateurs nationaux et internationaux en éliminant les divergences entre les données de la mission et les résultats officiels. Aucun de ces croisements n’a entraîné de changement substantif dans les résultats et le classement des quatre premiers candidats a demeuré identique.

La mission a toutefois reconnu qu’il y a eu d’importantes déficiences organisationnelles lors des élections du 25 octobre. La mission a fait état d’un faible niveau de formation du personnel des bureaux de vote, de l’absence de conditions permettant l’exercice suffrage secret et d’irrégularités dans l’utilisation de l’encre indélébile, ce qui n’a pas permis d’identifier les personnes ayant voté.

En outre, la mission a décelé des signes d’achat de voix et de substitution de votants ainsi qu’une présence excessive de représentants de partis politiques, lesquels étaient autorisés à voter dans des bureaux de vote différents de ceux où ils étaient inscrits. Cette irrégularité a compliqué le contrôle du nombre de fois que les représentants des partis ont émis leur vote. La MOE n’a pas obtenu

d’information sur combien des 900 000 représentants des partis se sont rendus aux urnes, combien ont véritablement émis leur vote et où ils ont voté.

Les résultats des élections présidentielles n’ont pas été acceptés par Jude Celestin ni par six autres candidats présidentiels, qui ont formé une coalition appelée G8. Néanmoins, seuls deux candidats à la présidence ont élevé leurs plaintes au Bureau du contentieux électoral national (BCEN) : Maryse Narcisse du parti Lavalas et Vilaire Cluny Duroseau du parti MEKSEPA. Le 21 novembre, le BCEN a analysé 78 procès-verbaux électoraux sélectionnés de manière aléatoire en présence des représentants des partis en lice. Par la décision du 23 novembre 2015, cette analyse a permis de détecter ce qui a été qualifié d’irrégularités simples et d’irrégularités frauduleuses. Sur le total des 78 procès-verbaux, 26 ont été écartés du décompte final et parmi les 52 restants, les voix en faveur du candidat ayant obtenu la première majorité ont été écartées. Dans les deux cas, le BCEN a pris cette décision après avoir détecté des irrégularités frauduleuses.

Le parti Lavalas a argumenté que la totalité de l’échantillon dépouillé par le BCEN a été affecté par des irrégularités. Selon Lavalas, cette situation justifierait l’annulation des élections ou, pour le moins, l’exclusion du candidat Jovenel Moise. Les deux demandes ont été rejetées par le BCEN, la première pour manque de compétence et la deuxième sur la base du fait que Jovenel Moise “n’était pas le seul bénéficiaire de fraude”.

Le G8 a à nouveau demandé l’installation d’une commission d’évaluation électorale indépendante. Après plusieurs semaines, le 16 décembre, le Président Michel Martelly a décidé de créer une commission, qui a été installée le 22 du mois. À la veille de son installation, le CEP a annoncé le report des élections prévues pour le 27 décembre sans annoncer de nouvelle date.

La mission a été invitée à former partie de la Commission d’évaluation électorale indépendante (CEEI). Selon le principe de non substitution d’acteurs nationaux et dans le but de préserver l’impartialité et la neutralité de la MOE, il a été convenu que la MOE ne ferait qu’observer les travaux de la Commission. En dépit du temps limité qu’elle a eu à disposition pour réaliser ses travaux et du fait que ses membres ne bénéficiaient pas d’un profil technico-électoral, la commission a constaté des irrégularités dans le processus du 25 octobre et a recommandé la mise en oeuvre immédiate d’une série de mesures en vue du deuxième tour de la présidentielle.

Le premier janvier, avant la publication du rapport de la commission, le Président Martelly a annoncé que les élections se tiendraient le 17 janvier. Cependant, le CEP a indiqué qu’il ne sera techniquement pas possible d’organiser les élections pour cette date, raison pour laquelle le 6 janvier le Président de la République a publié un décret pour inviter la population à se rendre aux urnes le 24 du mois. Le Président a également annoncé que les élections présidentielles seront tenues séparément des élections locales, comme la MOE l’avait recommandé à plusieurs reprises.

En dépit des concessions obtenues, telles que la création d’une commission indépendante, le changement de date et la séparation des élections locales, en plus d’un certain nombre de mesures prises par le CEP pour améliorer le processus, le candidat Jude Celestin a à nouveau soumis sa participation au deuxième tour à certaines conditions. Il a demandé la démission des membres du CEP,

30 jours supplémentaires de campagne et de faire en sorte que les élections n’aient pas lieu tant que le Président Martelly est en fonction. Si le candidat de la LAPEH a fait des déclarations publiques affirmant qu’il ne se présenterait pas au second tour, il n’a à aucun moment annoncé le retrait formel de sa candidature.

Le 11 janvier, les sénateurs et députés élus lors des élections tenues le 9 août et le 25 octobre ont pris possession de leurs fonctions. Il convient de préciser que les législateurs appartiennent tant au parti au pouvoir qu’aux partis de l’opposition.

Le nouveau Sénat a passé une résolution non contraignante par laquelle il demande au CEP de reporter les élections et d’enquêter sur les irrégularités détectées par la commission indépendante. Des organisations de la société civile, l’Église catholique, l’Église protestante, des groupes d’observation électorale nationaux et des associations de défense des droits de l’homme se sont ralliés à cette position.

Le CEP, initialement constitué de neuf membres s’est retrouvé finalement composé de cinq membres actifs, ce après la démission de quatre de ses membres initiaux dans un contexte d’accusations de corruption, de partialité et d’incompétence, ce qui a mis à mal la crédibilité de l’institution en tant qu’arbitre électoral.

Le 18 janvier, le candidat Jude Celestin a confirmé par le biais d’un message télévisé qu’il ne participerait pas au second tour des élections présidentielles. Dans ce contexte, la MOE a exhorté les acteurs politiques à établir un dialogue afin de trouver une issue à l’impasse politique. En même temps, il a réitéré la nécessité de disposer de meilleures conditions pour mener à bien un processus compétitif étant donné que l’article 3 de la Charte démocratique interaméricaine établit que l’accès au pouvoir doit être sujet à l’état de droit et à la tenue d’élections périodiques, libres, justes et basées sur le suffrage universel et secret.

Face à l’impasse politique, une escalade de la violence a été observée, ce qui a poussé le CEP a annoncer le 22 janvier qu’il ne pouvait pas garantir la tenue des élections et qu’il demandait au Président de la République de reporter les élections. Le 28 janvier, le CEP est dissout suite à la démission de son président Pierre-Louis Opont, faisant suite à celle de nombreux autres membres lors des semaines précédentes.

Le 27 janvier, une séance extraordinaire du Conseil permanent de l’OEA a été convoquée, à la demande de Michel Martelly, Président en fonction à ce moment. Ce dernier a demandé au Secrétaire général Luis Almagro d’envoyer une mission spéciale en Haïti avec pour mandat d’évaluer la situation en Haïti en engageant un dialogue avec tous les acteurs pertinents aux fins d’informer le Conseil permanent de la situation dans le pays.

La Mission était dirigée par l’Ambassadeur Ronald Sanders, Représentant permanent d’Antigua-et-Barbuda près l’OEA. Elle était également composée de Gabriel Bidegain, Conseiller Spécial du Secrétaire Général, Sonia Johnny, ancienne Ambassadeur de Sainte-Lucie auprès de l’OEA, Steven Griner, Directeur ad interim du Département de la Démocratie durable et des Missions spéciales, Frédéric Bolduc,

Représentant Spécial de l’OEA en Haïti, ainsi que Paul Spencer, Conseiller Spécial au Secrétariat pour le Renforcement de la Démocratie.

POUR EN SAVOIR PLUS, CLIQUEZ SUR LE LIEN CI-DESSOUS:

LE RAPPORT DE LA MISSION D’OBSERVATION ÉLECTORALE DE L’OEA

Anmwe
Source/OEA
Photo/Archives
www.anmwe.com

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