NEW YORK, NY – L’ambassadeur Bob Rae, représentant du Canada auprès des Nations unies, a estimé « franchement ridicule » de penser que la communauté internationale veut le chaos en Haïti afin d’y renvoyer des Casques bleus, en interview avec un pool de médias dont Le Nouvelliste, à l’ambassade du Canada, à Delmas, mardi 23 août 2022. « Penser que la communauté internationale veut le chaos en Haïti est franchement ridicule. Ce n’est dans l’intérêt de personne. Le chaos pose des problèmes, augmente la pression sur l’aide humanitaire. Cela coûte très, très cher », a fait savoir l’ambassadeur Bob Rae.
« Je peux vous assurer qu’aux Nations unies, personne ne dit qu’il faut laisser que la situation devienne vraiment terrible pour envoyer des troupes. Personne ne pense de cette manière. Jamais de la vie », a-t-il assuré, soulignant, au regard des expériences dans plusieurs pays, que « c’est trop facile de dire qu’envoyer des Casques bleus va résoudre les problèmes ». « Non », a rétorqué Bob Rae, l’ex-Premier ministre de l’Ontario.
Interrogé sur le Bureau intégré des Nations unies (BINUH), considéré par plus d’un en Haïti comme un « échec », Bob Rae, 35 ans de vie politique au compteur, habitué aux critiques, croit que tous les partenaires doivent être dans l’autoanalyse, dans un souci de faire mieux, sans jeter le blâme sur l’ONU. « Je crois que tout le monde, tous les acteurs, doit se regarder dans le miroir chaque matin et se demander : qu’est-ce que je peux faire de mieux ? Comment apprendre des erreurs du passé ?», a-t-il ajouté. « J’ai beaucoup de respect pour Mme La Lime. Je travaille de près avec elle, avec l’équipe, avec Bruno Lemarquis qui vient de partir et les autres. Ils sont très déterminés à aider la société haïtienne. Mais on peut toujours voir que jusqu’à présent, on n’a pas réalisé de percée dans le domaine politique », a reconnu Bob Rae, qui s’est empressé de fixer les responsabilités. « Est-ce la faute de l’ONU ? Je ne pense pas », a affirmé le représentant du Canada à l’ONU.
Pour Bob Rae, sur les questions de dialogue politique pour aller aux élections, le développement socioéconomique, la lutte contre le niveau de pauvreté, la primauté revient aux Haïtiens dont il respecte la souveraineté.
Interrogé sur ce qui est le mantra de la communauté internationale depuis plus d’un an, à savoir problèmes haïtiens, solutions haïtiennes, Bob Rae y est allé, en nuance, avec ses éléments de langage. « Je ne dirai jamais à la population que c’est son problème. D’y aller que c’est à lui de le résoudre. Non, ce n’est pas mon message. Mon message est que les solutions haïtiennes sont essentielles pour que nous puissions aider dans cette situation. Si les priorités haïtiennes ne sont pas respectées par les partenaires internationaux, nous tentons de revivre les anciens problèmes. Nous voulons mettre fin à des efforts qui ne réussissent pas. Nous sommes là pour écouter et chercher à mieux faire ce qu’on n’avait pas bien fait avant », a-t-il longuement expliqué, soulignant qu’il n’a ni baguette magique ni « prescription dans sa poche » pour résoudre la crise.
« L’objectif, c’est d’avoir un gouvernement efficace élu démocratiquement par la population. La bonne gouvernance, l’Etat de droit pour mettre fin à la corruption et la criminalité irresponsable et destructrice. Ce sont toutes les choses que nous voulons voir. La question est quelle est la meilleure façon d’y arriver ? », a affirmé Bob Rae, qui dit avoir entendu avec attention, au cours de ses rencontres avec des Haïtiens de la société civile, les discussions concernant le dialogue, les élections, la question constitutionnelle : qu’est-ce qui vient avant ; les élections au préalable pour avoir un consentement populaire, la stabilité, la confiance mutuelle. « Les gens ont peur d’être tués s’ils sortent. Vous avez besoin de stabilité pour avoir une élection, autrement le temporaire trouve une excuse pour devenir permanent. Rien ne dure que le provisoire. Nous devons faire attention », a dit le diplomate, qui appelle à la mobilisation de tous les Haïtiens pour faire face à cette situation extraordinaire sur fond de pauvreté, le terreau fertile aux activités criminelles. « Où sont les leaders économiques ? Je ne les vois pas souvent », a-t-il dit, appelant tout le monde à être présent pour résoudre les problèmes auxquels fait face le peuple haïtien.
Source/Le Nouvelliste
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